Christine Lejoux,

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Après la frénésie des années 2015 et 2016, le marché américain des fusions-acquisitions marque le pas depuis début 2017. Mais il pourrait retrouver des couleurs à la faveur du projet de réforme fiscale détaillé le 27 septembre par l'administration Trump.

Entre le 1er janvier et le 22 septembre, la valeur des M&A (mergers and acquisitions) impliquant au moins une société américaine a chuté de 15%, à 922,1 milliards de dollars, selon le cabinet Dealogic. Les transactions de grande envergure, dites "transformantes" dans le jargon des banquiers d'affaires, ont quasiment disparu du paysage des fusions-acquisitions aux Etats-Unis.

Dealogic comptabilise seulement sept opérations supérieures à 10 milliards de dollars depuis le début de l'année, comme le rachat de la chaîne de supermarchés bio Whole Foods Market (>> Whole Foods Market, Inc.) par Amazon (>> Amazon.com) pour 13,7 milliards de dollars. Ou comme l'acquisition du spécialiste de l'avionique Rockwell Collins (>> Rockwell Collins, Inc.) par le conglomérat industriel United Technologies (>> United Technologies Corporation), au prix de 22,8 milliards de dollars. Les années 2015 et 2016 avaient respectivement enregistré 35 et 18 transactions de plus de 10 milliards de dollars.

Des valorisations élevées

"La fièvre d'acquisitions a diminué, les entreprises se concentrant sur l'intégration des sociétés rachetées ces dernières années", expliquent les analystes de Morningstar. Les valorisations élevées des sociétés cotées à la Bourse de New York constituent un frein supplémentaire aux fusions-acquisitions. En hausse, respectivement, de 14,50%, de 13% et de 21% depuis le début de l'année, les indices Dow Jones Industrial Average, S&P 500 et Nasdaq ne cessent d'enchaîner les records historiques.

Conséquence, le ratio valeur d'entreprise sur excédent brut d'exploitation des groupes américains atteint en moyenne le niveau record de 10,5, selon Morningstar. Un multiple qui permet difficilement de proposer des primes de rachat alléchantes aux actionnaires des cibles éventuelles : depuis le 1er janvier, la prime moyenne s'élève à 26%, soit une baisse de 13 points par rapport à la même période de l'an passé, d'après Dealogic.

Le "coup de pouce" de la fiscalité

Mais Evan Bauman, gérant de portefeuille chez Legg Mason ClearBridge, estime que le marché américain des M&A n'est pas dépourvu de ressorts. Il invoque notamment le projet de réforme de la fiscalité enfin dévoilé par le président des Etats-Unis Donald Trump. Outre une baisse de l'impôt sur les sociétés de 35% à 20%, celui-ci comprend un programme d'exemption fiscale pour les bénéfices que les multinationales américaines rapatrieraient de l'étranger. Legg Mason ClearBridge estime que jusqu'à 1.000 milliards de dollars de profits pourraient ainsi revenir vers les Etats-Unis et servir en partie à financer des acquisitions.

Le contexte général s'y prête : les entreprises américaines ont besoin de procéder à des acquisitions, faute d'une croissance organique suffisante, et, pour ce faire, elles bénéficient de conditions financières toujours avantageuses, les taux d'intérêt demeurant bas malgré le resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale depuis la fin 2015.

Les médias en ligne de mire

Et s'il est un secteur qui devrait profiter d'un regain de tonus du marché américain des fusions-acquisitions, c'est celui des médias, selon Evan Bauman. "La façon d'accéder aux contenus est en train de changer considérablement", souligne le gérant, évoquant la transformation de Comcast (>> Comcast Corporation) d'un câblo-opérateur en un groupe de médias, grâce, notamment, au rachat du propriétaire de chaînes de télévisions NBC Universal en 2011.

Cette opération emblématique des mariages entre tuyaux et contenus, comme l'acquisition du groupe de médias Time Warner (>> Time Warner) par l'opérateur de télécommunications AT&T (T), annoncée à l'automne 2016, devrait continuer à faire des émules.

-Christine Lejoux, Agefi-Dow Jones ; 33 (0)1 41 27 48 14 ; clejoux@agefi.fr ed : ECH