"La Compagnie des Conseils et Experts Financiers (CCEF) a organisé sa convention nationale les 12 et 13 novembre dernier. Pourriez-vous dans un premier temps nous rappeler l’importance de cet évènement pour votre association ?
La convention nationale est l’évènement majeur de notre compagnie chaque année à laquelle assistent un grand nombre de nos membres qui sont des avocats, des notaires, des experts comptables, des conseils en investissements financiers et des conseillers en gestion de patrimoine.
Elle aborde des thématiques assez larges autour des trois activités phares autour desquelles gravite l’activité de la compagnie que sont l’évaluation financière des entreprises, leur financement ainsi que la gestion et la transmission du patrimoine.
Cinq tables rondes ont été organisées cette année sur le rôle des normes internationales en matière d’évaluation, la place de l’administrateur indépendant dans les PME, les changements de paradigme dans l’environnement économique que nous connaissons induits par l’influence grandissante de la Chine, les nouveaux défis du financement participatif et le prix et la valeur sur le marché de l’art contemporain. Ce dernier sujet pourrait sembler éloigné de nos préoccupations. Cependant tel n’est pas le cas. Certaines difficultés en matière d’évaluation d’éléments incorporels-des savoir-faire, des logiciels, des bases clients…-sont communes.

Cette convention est également l’occasion de dresser quelque peu le bilan de l’année des membres de la CCEF. De quelle manière qualifieriez-vous ce bilan ?
Le bilan peut être qualifié de négatif  au regard de l'activité de nos membres avec leurs clients et de mitigé s’agissant des relations entretenues avec les pouvoirs publics.

Nous avons constaté une régression importante du nombre d’opérations en 2014 dans le domaine de la transmission, de la cession, de la restructuration d’entreprise du fait de plusieurs facteurs : le manque d’investisseurs en France ; l’insécurité politique et juridique croissante ; la hausse de la fiscalité qui a fait reculer de nombreux repreneurs traditionnels ; la déstabilisation de multiples PME par le non respect des délais de paiement de grands donneurs d’ordres ; l’incertitude qui pèse sur les gestionnaires de patrimoine eu égard à leur mode de rémunération remis en cause, et la taxation de certaines transactions clés ; ou encore la marge de manœuvre réduite des banques pour satisfaire les besoins en fonds de roulement et des compagnies d’assurance pour détenir des titres de capital de PME et ETI.

Si nous avons eu l’agréable surprise d’être sollicité par les ministères de l’économie et des finances pour émettre des idées sur le financement des entreprises et la fluidité de l’économie, nous sommes demeurés circonspects sur le fait du manque d’idées génératrices de valeurs pour l’économie au sein des pouvoirs publics.

De quelle manière abordez-vous cette fin d’année 2014 et ce début d’année 2015 ?
Nous sommes inquiets. Si l’on se fie aux perspectives de l’Insee, du FMI, de l’OCDE, ou encore de la Commission Européenne, tout porte à croire que 2015 sera encore une année difficile sur le plan économique en France.

Le gouvernement en est encore à mettre en application des mesures à connotation idéologique alors que nous devons absolument les dépasser. En cela, le droit du travail doit impérativement être réformé pour donner plus de flexibilité au marché de l’emploi et pour lutter efficacement contre le chômage. Il peut paraitre aberrant de penser que l’on est obligé d’avoir des contrats de minimum 24h par semaine et que l’on a le même SMIC à Périgueux qu’à Paris. Cela revient à une absence totale de considération de la réalité économique.

Cela fait plusieurs années que nous tirons la sonnette d’alarme et que nous nous efforçons de trouver des solutions. Nous sommes quasi systématiquement renvoyés sous prétexte que nos propositions seraient trop libérales. L’économie est en panne. Il y a lieu d’agir ensemble quelque soit la couleur politique à laquelle nous appartenons. Nous devons tous nous associer pour faire en sorte que les PME et ETI françaises, qui sont les véritables créateurs de la richesse nationale, puissent mieux fonctionner afin que l’on puisse sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons.
Nous ne voyons aujourd’hui aucun effet découlant des réformes mises en œuvre. Cela doit donner matière à réfléchir sur la direction prise.

Plus concrètement, quels sont vos principaux chevaux de bataille ?
Nous militons pour l’abrogation de la Loi Hamon sur le volet transmission des entreprises. Quelques jours après la mise en œuvre du décret d’application, nous nous apercevons déjà des répercussions néfastes liées à cette réglementation. Certains dirigeants d’entreprises ne sont pas en mesure de se mettre en conformité avec les exigences prévues dans cette loi. D’autres dirigeants qui opèrent dans la prestation de service ne comprennent pas que les dirigeants qui évoluent dans l’artisanat en soient exemptés.
Une incertitude préjudiciable découle de ce texte de loi et contribue à scléroser la cession d’entreprise en France.

Nous voulons que soit donnée de la respiration au niveau des grands investisseurs institutionnels, banques et assurances, pour qu’ils puissent être de nouveau de véritables acteurs dans le financement des entreprises en France. Autrement dit nous demandons que soit permis aux banques de ne pas constituer des garanties trop significatives lorsqu’elles doivent financer les besoins en fonds de roulement et que soit autorisé aux compagnies d’assurances de repasser à une capacité d’investissement dans le capital d’entreprises de 5% à 15% sans avoir à augmenter le ratio dur de leurs fonds propres.

Nous cherchons aussi à intensifier le mécanisme de la mutualisation du risque au lieu de la caution personnelle du dirigeant de l’entreprise. En cela les débuts de BPIFrance sont encourageants, mais il faut intensifier.

Nous travaillons à l’aptitude de différer l’imposition des plus values immobilières qui pourraient être réalisées par des particuliers dans le cas où ils les réinvestiraient dans le capital ou en apport en compte courant de PME et/ou ETI.
Nous œuvrons pour la suppression de certains seuils d’activation des charges salariales. Il est déraisonnable d’imposer à une entreprise de service qui atteint le seuil de 50 salariés de mettre en place : un comité d’entreprise, un comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail et une délégation syndicale, toutes structures redondantes induisant un gonflement de la masse salariale de 4% et de perdre en conséquence près de 2 points de sa marge nette.

Nous poussons à la réforme du PEA qui ne s’adresse qu’à 100 000 personnes en France pour qu’il puisse s’étendre à au moins 1 million de personnes et aider à renforcer la confiance dans l’investissement direct dans les entreprises.

Pensez-vous parvenir à des résultats tangibles sur un court terme ?
Nous espérons , avec la force que nous mettons avec d’autres grandes organisations, parvenir à l’abrogation de la loi Hamon sur le volet transmission et que cela aura porté ses fruits d’ici janvier ou février 2015. Le premier ministre a mis en place une cellule d’observation et s’est engagé à tenir compte de toutes les remarques qui seront formulées à cet égard.

Nous sommes également confiants sur le sujet de la capacité d’action de grands investisseurs institutionnels. Le président de la République a demandé a l’un de nos membres éminents et fondateur de notre compagnie, René Ricol, de déterminer de quelle façon il était concevable et réalisable de libérer des fonds au niveau des grands opérateurs d’assurances ou des caisses de retraites vis-à-vis des PME. Au regard de l’efficacité de Monsieur Ricol, nous avons bon espoir que ce rapport aboutira à des décisions concrètes.

Un dernier mot ?
La situation est grave et les réponses à apporter sont urgentes. Nous caressons l’espoir de voir un sursaut politique important et de voir constituer par exemple un gouvernement d’union nationale qui pourrait décréter 30 mesures immédiates de portée fondamentale pour libérer des capitaux et permettre aux entreprises de retrouver le chemin de la croissance. Ce contrat avec la nation pourrait avoir une durée courte de 18 à 24 mois, puis ensuite la politique pourrait reprendre ses droits pour évoquer les différences de chacun.
Nous avons malheureusement un prisme déformé en France. Les analyses portent et se résument souvent aux entreprises du Cac 40. Celles-ci représentent certes une grande part de la production de PIB mais ne sont pas une déterminante essentielle, tant de la création de richesse que de la création et de la fixation de l’emploi dans notre pays.
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