Selon la presse, Londres et EDF dévoileront un accord permettant à l'électricien public français et à ses partenaires de construire deux réacteurs de type EPR à Hinkley Point, dans le Somerset (sud-ouest de l'Angleterre), un projet estimé à près de 16,5 milliards d'euros et le premier de ce type en Europe depuis Fukushima.

Le groupe français a fait savoir dimanche que son PDG Henri Proglio donnerait une web-conférence sur le sujet lundi à 8h00.

Selon les informations qui ont filtré, le consortium en charge du projet serait détenu à 45% ou 50% par EDF, à 30% à 40% par China General Nuclear Power Group -avec lequel l'électricien français construit déjà deux EPR en Chine- et China General Nuclear Power, ainsi qu'à 10% par le français Areva, fabricant de l'EPR.

EDF et Londres se seraient en particulier entendus sur un mécanisme d'un nouveau type établissant sur 35 ans un prix fixe de l'électricité produite par la future centrale qui atteindrait 92,5 livres sterling par mégawatt/heure (MWh), soit le double du prix actuel sur le marché de gros.

"C'est important pour le nucléaire, parce qu'on décide de construire, après Fukushima, deux centrales nucléaires en Europe", relève Colette Lewiner, spécialiste du secteur de l'énergie chez Capgemini.

"Et c'est important pour l'EPR parce qu'on a dit qu'il était trop gros, qu'il ne se vendrait jamais, et on prouve le contraire", a-t-elle ajouté.

George Borovas, spécialiste du nucléaire international pour le cabinet d'avocats Pillsbury, souligne cependant que le contexte est idéal aujourd'hui en Angleterre pour l'industrie nucléaire.

"L'environnement est unique, avec un soutien politique au nucléaire, un bon régulateur, une économie solide, une grosse capacité industrielle et un programme de développement en place. Si l'industrie ne peut pas y développer du nucléaire, où le pourrait-elle?", déclare-t-il.

"PLUTÔT UNE BONNE AFFAIRE"

La Grande-Bretagne, cherchant à renouveler son parc nucléaire vieillissant mais ayant aussi besoin d'investissements étrangers pour couvrir les investissements massifs nécessaires, a même ouvert la porte du secteur aux entreprises chinoises.

Le lancement du projet d'Hinkley Point serait particulièrement bénéfique à la filière française, dont le réacteur de nouvelle génération EPR connaît d'important retards et surcoûts en France à Flamanville (Manche) et en Finlande.

"C'est important pour EDF car le prix négocié de 92,5 livres serait un bon prix. S'ils arrivent à construire les réacteurs dans les temps -et ils devraient y arriver parce que c'est le même design que Flamanville-, je pense qu'ils font plutôt une bonne affaire", estime Colette Lewiner.

Certains observateurs attendent toutefois d'EDF qu'il rassure les investisseurs sur sa capacité à financer le projet, en particulier en cas de dérapages budgétaires, alors qu'il a déjà prévu d'investir 55 milliards d'euros dans son parc nucléaire français sur la période 2011-2025 et que sa dette atteignait 33,7 milliards fin juin.

"EDF martelait qu'il voulait un prix de rachat minimum qui permettait de sécuriser son retour sur investissement, sauf que les tarifs de rachat ne sont qu'une partie de l'équation. L'autre partie, ce sont les investissements nécessaires pour construire ces EPR", relève un analyste basé à Paris.

"D'après ce que je comprends, ces investissements ne sont pas sécurisés par le gouvernement et, s'il y a une dérive à la hausse, le retour sur investissement ne sera pas au rendez-vous", ajoute-t-il.

EDF s'est positionné sur le marché britannique des nouvelles centrales nucléaires en 2008 et en 2009, en particulier en rachetant pour 13,5 milliards d'euros British Energy, l'exploitant de 15 réacteurs au Royaume-Uni.

En misant sur un renouveau du nucléaire au niveau mondial, le groupe avait alors pour ambition de construire jusqu'à quatre réacteurs de type EPR au Royaume-Uni, avec une première mise en service prévue à l'origine pour 2018.

Mais la catastrophe de Fukushima, survenue en mars 2011, a ralenti les projets de nouvelles centrales et même incité certains pays à renoncer au développement de l'atome civil.

La vente de deux nouveaux EPR serait également une bonne nouvelle pour Areva, qui vise dix commandes de ce réacteur d'ici à fin 2016.

Avec Karolin Schaps à Londres, édité par Véronique Tison

par Geert De Clercq et Benjamin Mallet