Le rythme de la croissance économique a été réduit de moitié en deux ans pour tomber à 5% l'an, au plus bas des dix dernières années, au terme de l'exercice fiscal clôturé en mars.

Les 36 économistes interrogés par Reuters s'attendent en moyenne à une croissance du PIB de 4,7% en rythme annuel sur les trois mois à fin juin, dont les chiffres officiels seront publiés vendredi à 12h00 GMT.

"L'économie semble entrer dans un cercle vicieux où la confiance des mieux d'affaires s'effondre sous l'effet de la rapide dépréciation de la roupie, de la hausse des coûts de l'énergie, du très net durcissement des conditions financières et de la confusion politique", prévient BNP Paribas dans une note de recherche publiée mercredi.

Aucune amélioration à court terme ne semble en vue pour une économie indienne minée par le manque d'investissement.

Les économistes de BNP Paribas s'attendent à une croissance de 3,7% pour l'exercice fiscal en cours, au plus bas depuis 1991/1992.

Le Premier ministre Manmohan Singh, à la tête d'un gouvernement sans majorité parlementaire, n'a pas les coudées franches pour lancer un ambitieux programme de réformes à huit mois d'une échéance électorale.

Raghuram Rajan, l'ex économiste en chef du Fonds monétaire international aux compétences très largement reconnues et qui doit prendre la tête de la banque centrale jeudi prochain, n'aura guère de marges de manoeuvre non plus.

Face aux sorties de capitaux, liées aux ajustements de portefeuille par les investisseurs internationaux au nouvel environnement créé par la perspective d'un durcissement de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine, une baisse des taux directeurs pour relancer l'activité apparait impossible.

Les ventes nettes d'actions et d'obligations indiennes depuis le mois de mai atteignent 7,4 milliards de dollars et sur les huit séances se terminant au 27 août, les dégagements sur les seules actions indiennes ont atteint un milliard de dollars.

PAS D'AMÉLIORATION À COURT TERME

La devise, qui a perdu plus de 20% de sa valeur depuis mai, vient de connaître sa pire semaine en dix-sept ans, abandonnant plus de 7,50% contre le dollar américain depuis mardi dernier.

Avec une inflation en passe de repasser au dessus du seuil de 5% en rythme annuel, la borne haute de la fourchette cible de la banque centrale, Raghuram Rajan a les mains encore plus liées.

Le ministre des finances P. Chidambaram a prévenu mardi que l'Inde avait besoin d'une croissance d'au moins 8% l'an pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail et améliorer le sort de ses 1,2 milliard d'habitants au revenu par tête d'environ 1.000 dollars et dont près de 20% vivent sous le seuil de pauvreté.

Avec des réserves de changes suffisantes pour couvrir six mois d'importations et une dette publique faible, la situation de l'Inde est certes moins critique que lors de la crise de la balance des paiements de 1991 que les mesures de libéralisation imposées par Manmohan Singh, à l'époque ministre des Finances, avaient permis de surmonter.

Le Premier ministre est aujourd'hui la cible de nombreuses critiques pour son manque d'ardeur réformatrice au cours de ses neuf années à la tête du gouvernement.

Les investissements étrangers ont certes été libéralisés mais Manmohan Singh n'est pas parvenu à mettre en oeuvre la réforme fiscale et celle du marché du travail qu'il appelait pourtant de ses voeux.

"Les fondamentaux de l'Inde se sont fortement détériorés avec les faux-pas de Singh, de ses conseillers et de la banque centrale", souligne Morgan Stanley dans une note de recherche.

A près de 90 milliards de dollars, le déficit des comptes courant de l'Inde est le troisième le plus élevé au monde. New Delhi s'est engagé à le ramener à 70 milliards au cours de l'exercice fiscal en cours.

Les exportations devraient certes bénéficier de la dépréciation de la roupie mais la facture énergétique s'en trouvera alourdie... au risque d'entretenir un cercle vicieux.

"Les anticipations sur la croissance économique sont déjà au plus bas. Si les chiffres du PIB sont en-deça, cela pourrait accentuer encore la faiblesse de la roupie", prévient Mark Williams, en charge des économies asiatiques chez Capital Economics.

Marc Joanny pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat

par Rajesh Kumar Singh