* Inauguration de l'usine de Tanger, où sera produit le Lodgy de Dacia

* Capacité à terme de 400.000 véhicules par an

* Renault complète sa gamme low cost, les syndicats craignent pour le Scenic

* 85-90% de la production sera exportée, prix de départ à 10.000 euros (Actualisé avec l'annonce de la préparation de l'ultra low cost)

par Gilles Guillaume

TANGER (Maroc), 9 février (Reuters) - En plein débat sur l'avenir du "made in France", l'ouverture d'une immense usine Renault à Tanger a relancé, en période électorale, la polémique autour des délocalisations.

Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, et le roi du Maroc, Mohammed VI, ont inauguré jeudi ce vaste site flambant neuf, implanté à seulement 14 kilomètres des côtes européennes, desservi par le port géant de Tanger Med et où les coûts salariaux sont plus de quatre fois inférieurs au salaire minimum français.

De cette usine doit sortir le Lodgy, un monospace qui vient compléter la gamme de Dacia, la filiale "low cost" du groupe. Ce véhicule est destiné au bassin méditerranéen mais sera également commercialisé en Europe, à un prix inférieur de moitié à celui du Renault Scenic ou du Volkswagen Touran.

"Le prix d'entrée, le prix de base que l'on vise, c'est inférieur à 10.000 euros", a déclaré le directeur de la nouvelle usine, Tunç Basegmez, à des journalistes en marge de la cérémonie d'inauguration.

Il a ajouté que 85% de la production du site serait exportée, tandis que 15% seront destinés au marché marocain. "L'Europe sera un client important au démarrage de l'usine, dont la France, avec, très vite après, une commercialisation au Maroc et ailleurs", a ajouté Tunç Basegmez.

Le PDG du groupe Carlos Ghosn, qui a évoqué pour sa part un taux d'export de 90%, a fait valoir qu'il était impossible de produire des véhicules à aussi bas coût en Europe de l'Ouest.

"Tanger ne se substitue en rien à quoi que ce soit d'existant", a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse organisée après la visite du site avec le souverain marocain. "La question du low cost, ce n'est pas faire en France ou faire au Maroc, c'est faire au Maroc ou ne pas faire."

Michel Faivre-Duboz, directeur général de Renault Maroc, a estimé de son côté à 630 millions d'euros le gain pour la France en 2011 du site de Tanger via notamment l'ingénierie du projet et l'activité d'autres entreprises hexagonales impliquées, comme Veolia Environnement ou Vinci.

Un apport indirect également mis en avant par Carlos Ghosn.

"Indirectement, cette implantation au Maroc va rendre plus favorable des contrats dans d'autres secteurs (...) J'étais très content de voir un certain nombre de ministres aujourd'hui à déjeuner mentionner le fait qu'un projet comme cela provoquait aussi de l'appétit pour des importations de technologies françaises", a ajouté Carlos Ghosn.

 

INTERNATIONALISATION

L'inauguration du site marocain de Renault - la première nouvelle usine du groupe depuis plus de dix ans - a suscité jeudi de vives critiques de syndicats et responsables politiques en France, à droite comme à gauche. (voir )

Avec le Lodgy, qui sera dévoilé en mars au prochain salon de l'automobile de Genève, Renault tente de prolonger le succès d'une famille de véhicules destinée initialement aux pays émergents - les berlines et break Logan, la citadine Sandero et le 4X4 Duster - mais qui s'est taillé rapidement un vif succès en Europe occidentale auprès d'automobilistes à la recherche de voitures bon marché et sans fioriture.

Depuis le lancement de la première Logan en 2005, Renault assure que la gamme Dacia ne fait pas d'ombre à sa marque au losange. Selon le groupe, Dacia grignote surtout le marché de l'occasion, séduisant des acheteurs qui n'envisageaient pas jusqu'ici d'acquérir un véhicule neuf. Mais dans la période de crise actuelle, les deux nouveaux modèles programmés à Tanger pourraient intéresser un public plus large.

"On considère que c'est l'usine de tous les dangers", commente Fabien Gache, délégué syndical central CGT chez Renault. "Les deux véhicules, qui sont des Scenic et des Kangoo 'loganisés', vont venir télescoper les parts de marché de Renault en Europe en cas de réimportation massive."

Dans le courant de l'année, l'usine, située à Meloussa, dans la région de Tanger, produira également un petit utilitaire Dacia.

Le site s'inscrit dans la stratégie d'internationalisation des ventes du groupe. Comme tous les constructeurs, Renault cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis d'un marché européen atone depuis la fin des dernières primes à la casse, et estime que ses ventes hors d'Europe devraient représenter 47% de ses ventes totales à la fin de l'année.

"Il n'y a que du bien à attendre d'une telle usine en termes de production et de coûts", commente Philippe Barrier, analyste automobile à la Société générale. "Le groupe élargit encore sa gamme et va au plus près du marché. Il s'assure aussi une base de production imbattable."

L'usine de Meloussa s'étend sur un terrain de 300 hectares, plus vaste que le site Renault de Flins. Elle représente un investissement de 600 millions d'euros, qui pourra être porté jusqu'à un milliard en fonction de la variété des modèles.

Sa capacité sera initialement de 170.000 véhicules en année pleine mais elle pourra être portée à 400.000 unités une fois la deuxième ligne de production mise en service en 2013.

Le PDG de Renault a par ailleurs annoncé préparer des voitures "ultra low-cost", destinées aux pays émergents où la plateforme low-cost n'est pas suffisamment bon marché.

 

 

Voir également :

* Le Maroc séduit un nombre croissant de groupes étrangers

* Renault produit de moins en moins de voitures en France (Avec la contribution de Jean-Michel Bélot, édité par Marc Angrand)

Valeurs citées dans l'article : VEOLIA ENVIRON., Volkswagen AG, Nissan Motor, RENAULT