(Actualisé avec réaction BTA §5, conférence de presse §11)

PARIS, 12 octobre (Reuters) - Le Premier ministre Manuel Valls a signé le 17 septembre dernier le décret d'extradition vers la Russie de l'oligarque et opposant kazakh Moukhtar Abliazov, qui entend contester cette décision devant le Conseil d'Etat, a annoncé lundi sa famille.

Ce décret lui a été signifié la semaine dernière dans sa cellule de Fleury-Mérogis (Essonne), où il est actuellement incarcéré, précise-t-elle dans un communiqué.

L'Ukraine et la Russie soupçonnent Moukhtar Abliazov d'avoir détourné plus de six milliards de dollars lorsqu'il dirigeait la banque BTA, dont il a été l'actionnaire majoritaire avant que l'Etat la nationalise.

Mais ses avocats, qui le décrivent comme "la dernière force d'opposition" au président Noursoultan Nazarbaïev, estiment que les deux pays agissent "en faux-nez du Kazakhstan".

La BTA a salué la décision du Premier ministre français, qualifiée d'"étape essentielle dans les efforts de la Banque pour récupérer les milliards de dollars détournés par M. Abliazov durant son mandat".

Pour ses proches au contraire, "Paris fait (...) semblant de croire qu'Abliazov pourra bénéficier en Russie d'un procès équitable, qu'il ne fera pas l'objet de tortures et qu'il ne sera pas ré-extradé vers le Kazakhstan, où un sort funeste l'attend".

Ils rappellent que neuf pays européens ont décidé de ne pas extrader l'oligarque ou ses associés, voire de leur accorder l'asile.

L'un des avocats de Moukhtar Abliazov, Peter Sahlas, s'étonne également que la France puisse "envoyer un dissident se faire broyer par le système judiciaire russe", au moment où elle dénonce "le double-jeu" de Moscou en Syrie, et annule la livraison des Mistral en raison de la crise en Ukraine.

ENCORE DEUX RECOURS POSSIBLES

Moukhtar Abliazov va contester la décision du gouvernement français devant le Conseil d'Etat, une démarche qui va suspendre la procédure d'extradition.

En cas de rejet de ce recours, l'oligarque pourra également s'en remettre à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), une démarche très longue, et elle aussi suspensive.

"Nous espérons encore un dénouement heureux", a déclaré sa fille lors d'une conférence de presse à Paris. "Mais nous sommes très déçus par la France", a-t-elle ajouté.

Le sort de Moukhtar Abliazov a connu de multiples rebondissements, la justice française se prononçant à deux reprises jusqu'à son plus haut niveau.

La Cour de cassation a définitivement rejeté en mars dernier les pourvois formés par le Kazakh contre un avis favorable à son extradition vers l'Ukraine et la Russie - avec priorité à la Russie - ouvrant la voie à la partie administrative de la procédure.

Mais le décret autorisant cette extradition n'avait pas encore été signé.

Moukhtar Abliazov, qui a fui son pays en 2009 quand sa banque a été nationalisée et déclarée en faillite, nie toute fraude. Il s'est d'abord réfugié en Grande-Bretagne, où il a obtenu l'asile politique, puis a fui en 2012 ce pays où il a été condamné à 22 mois de prison pour outrage à magistrat.

Arrêté le 31 juillet 2013 dans les Alpes-Maritimes, il est depuis incarcéré en France.

L'ancien champion du monde d'échecs et opposant politique russe Garry Kasparov l'a soutenu à plusieurs reprises, appelant la justice française à ne pas se faire "honte" dans cette affaire. (Chine Labbé, avec Reuters TV, édité par Yves Clarisse)