Julien Tanguy, quelle est la proposition de valeur d’Edenred ? En d’autres termes, quel intérêt a votre clientèle d’employeurs à verser de l’argent fléché à ses collaborateurs ?

"Nos solutions améliorent le bien-être et le pouvoir d’achat des employés qui utilisent au quotidien notre plateforme. En améliorant la qualité de vie au travail, nous ambitionnons aussi d’améliorer la performance des entreprises. Cela passe par l’octroi d’avantages aux salariés qui sont en quelque sorte de l’argent fléché vers le mieux s’alimenter, le mieux se déplacer et le mieux consommer de façon générale. Cette démarche contribue à fidéliser les collaborateurs auprès de nos clients entreprises et les consommateurs auprès de nos partenaires."

source : société

Dans quelle mesure cette proposition de valeur dépend du cadre réglementaire et fiscal des pays où vous exercez ?

"Le titre-restaurant, ou meal voucher, représente environ 40% du CA d’Edenred. En ajoutant les quelques autres activités réglementées, moins de la moitié du CA est liée à des dispositions fiscales favorables Sur ce point, il faut bien avoir à l’esprit que l’argent fléché vitalise l’emploi et l’économie locale et que les utilisateurs y sont attachés. Une récente étude réalisée par la CNTR (Commission Nationale des Titres-Restaurant) montre que 83% des Français sont favorables aux titres-restaurant et 96% d’entre eux souhaitent pouvoir les utiliser en supermarché. La beauté de l’argent fléché est qu’il garantit son utilisation d’une certaine façon : dans une alimentation plus saine, des produits plus respectueux de l’environnement, une mobilité plus durable, etc. D’après des études que nous avons commandées à un cabinet externe, 23 nouveaux porteurs de titre-restaurant créent un emploi dans la restauration et pour l’Etat français le coût du titre-restaurant via les exonérations de charges sociales est inférieur à la valeur qu’il récupère sur les activités de restauration créées."

Sur 100€ d’ « argent fléché » émis, combien d’euros touchez-vous ?

"Le taux de commission sur les avantages aux salariés, que nous appelons take-up rate, s’est élevé à 5.5% en 2023. Il s’agit de la somme des rémunérations que nous percevons de nos clients entreprises et de nos partenaires marchands, sachant que nous sommes apporteurs d’affaires pour ces derniers."

Quelles sont les principales opportunités de croissance pour Edenred ?

"Tout d’abord, Edenred opère sur des marchés largement sous-pénétrés. Nous estimons le taux de pénétration autour de 25% dans les avantages aux salariés, 35% dans la mobilité, et 10% dans les solutions de règlement pour les entreprises. Notre ambition est donc d’abord de trouver de nouveaux clients, notamment parmi les petites et moyennes entreprises. Deuxième relais de croissance : proposer de nouveaux services aux clients. C’est typiquement la raison de notre acquisition de Reward Gateway, présente au Royaume-Uni, en Australie, mais aussi aux Etats-Unis, ou de celle de GOintegro en Amérique latine, deux plateformes d’engagement des salariés. L’objectif est de déployer progressivement ces nouveaux services dans tous les pays où nous sommes présents. Enfin, nous cherchons à augmenter la valeur unitaire des tickets, et notamment des titres-restaurant versés aux salariés dans la limite des valeurs faciales maximales qui ont fortement augmenté au cours des deux dernières années, ce qui constitue un relais de croissance additionnel."

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Capitaux propres négatifs, BFR autour de -140% du chiffre d’affaires, capitaux employés négatifs…quel est le regard du DG Finance sur ces chiffres atypiques ? 

"Nos capitaux propres négatifs sont le résultat d’un pur jeu comptable qui remonte à la scission d’Accor Services avec Accor. Compte tenu de notre performance financière, nous sommes passés en quelques années de 1 milliard de capitaux propres négatifs à environ -600 M€, avec la perspective de passer en territoire positif d’ici quelques années. Quant au BFR, il est négatif dans toutes nos activités. Dans les avantages aux salariés, l’argent fléché passe par notre bilan avant d’être dépensé. Nous en tirons d’ailleurs des produits financiers plus significatifs avec la hausse des taux. Dans l’activité mobilité, il est également négatif et enfin les ventes d’abonnement à nos logiciels sont prépayées. Cette situation est donc constitutive de notre modèle économique."

Comment expliquez-vous la récente dégradation des multiples de valorisation du groupe en Bourse ? 

"Elle n’est certainement pas liée à notre performance économique, qui a été bonne, mais à deux évènements successifs. L’un en France en octobre avec une prise de parole de la ministre déléguée chargée du Commerce qui a annoncé réfléchir à une réforme du marché du titre-restaurant ce qui a suscité des craintes chez les investisseurs. Les contours de cette réforme devraient être connus très prochainement et nous en attendons des choses positives comme le passage au tout digital par exemple. L’autre événement est une mise en cause en février dernier sur un dossier lié à la conformité d’une réponse à un appel d’offre public en Italie en 2019. Sur cette affaire, la procédure a pris une tournure judiciaire qui s’étalera sur 3 à 5 ans avec un risque financier évalué à maximum 20 M€."

source : société