par Elizabeth Pineau

Partisan d'une "opposition intelligente" à l'égard du président de la République, le banquier d'affaires entré sur le tard en politique en rejoignant les centristes de François Bayrou estime que Nicolas Sarkozy "a fait plutôt bien ce qui devait être fait" pendant la crise financière.

"Ce qui m'inquiète, c'est qu'on est entrés dans la crise dans un état de faiblesse relatif - déficit du commerce extérieur, déficit public, marges des entreprises trop faibles -, on va en sortir avec des chiffres encore plus dégradés sur ces trois segments", a-t-il déclaré à Reuters dans ses bureaux du VIIIe arrondissement de Paris.

"Les déséquilibres vont se creuser, c'est une contrepartie inéluctable de la crise, et on va sortir de cette période dans une situation nettement plus difficile qu'à l'entrée".

Et c'est avec "l'intérêt du citoyen" que Jean Peyrelevade, 69 ans, attend de voir comment l'Elysée abordera la période "post-crise", qu'il envisage à l'horizon "2011, probablement".

S'il a l'habitude de dire qu'on demande trop aux entreprises et pas assez aux particuliers, il reconnaît qu'"on ne peut pas, dans le contexte actuel, augmenter les impôts ou les prélèvements sur les ménages".

"En revanche, quand je dis qu'il faut faire une relance par l'investissement et pas par la consommation, ça consiste quand même, dans les faibles marges de manoeuvre qu'on a, à privilégier l'appareil productif", ajoute-t-il.

Les prévisions économiques du gouvernement pour les prochaines années le laissent, pour l'heure, circonspect.

Le mini-rebond de croissance de 0,14% constaté en France au troisième trimestre ne veut à ses yeux "strictement rien dire".

Et il juge irréaliste de penser, comme le gouvernement, que le plafond de 3% de déficits publics, la limite fixée par le pacte de stabilité de l'euro, ne sera crevé qu'en 2009.

"OUVERTURE INTELLECTUELLE"

"Les mouvements spontanés de l'économie ne vont pas conduire, soudainement, à un afflux de recettes fiscales nouvelles qui expliquerait qu'en 2010 on tombe significativement en dessous de 3%, je n'y crois pas une seule seconde", dit-il.

Auteur des programmes économiques du MoDem, Jean Peyrelevade a eu des mots sévères pour Nicolas Sarkozy dans un récent essai intitulé "l'Erreur historique". Il y décrivait un chef de l'Etat "amateur qui croit être pro" de la macroéconomie.

Durant la tempête financière, le président "s'est révélé dans un domaine où ses qualités ont pu pleinement s'exprimer", reconnaît-il aujourd'hui. "Mais un président de la République, ça n'existe pas que pendant les crises aiguës".

S'il s'estime écouté à droite, l'ancien patron du Crédit Lyonnais ne pense pas être invité au sommet international sur le "Nouveau monde" annoncé en janvier à l'Elysée.

"J'ai l'impression d'être lu par beaucoup de gens de la majorité, j'ai même quelques compliments clandestins, mais il y a une sorte de refus de la reconnaissance officielle de la pertinence éventuelle de telle ou telle partie de mes thèses".

Si 2012 lui paraît loin, il prône, comme le président du MoDem François Bayrou, un rapprochement avec les socialistes, mais pas avant le deuxième tour de l'élection présidentielle.

"Si on veut avoir une chance de gagner, il faudra nécessairement que tout le monde se rassemble", dit-il.

Le débat présidentiel reviendra selon lui à "choisir un modèle de société".

"Une société solidaire, ouverte, avec un respect absolument fondamental de l'équilibre des contre-pouvoirs - opposition, médias, Parlement, justice, dialogue social - par rapport à une société 'Napoléon III', fondée sur l'argent, assez inégalitaire et assez oppressive par rapport aux contre-pouvoirs".

Edité par Yves Clarisse