San Francisco (awp/afp) - Microsoft, qui publie ses résultats trimestriels jeudi, a annoncé près de 10 milliards de dollars (9,2 milliards de francs suisses au cours du jour) d'investissements dans l'intelligence artificielle (IA) à l'étranger des derniers mois, le prix à payer pour rester l'un des acteurs les plus importants de ce marché crucial, selon les experts.

Le succès de ChatGPT de la start-up OpenAI a propulsé l'IA générative sur le devant de la scène, mais aussi Microsoft, principal bailleur de fonds d'OpenAI.

Depuis, le fabricant de Windows et son concurrent Google rivalisent à coup d'outils pour produire du texte, des images ou des lignes de code sur simple requête en langage courant.

Meta et Amazon leur ont emboîté le pas, avec des modèles toujours plus perfectionnés (la technologie sous-jacente) et des assistants d'IA pour le grand public et les entreprises.

Tous investissent massivement. Ces milliards de dollars, c'est "la mise" nécessaire pour "faire partie de l'élite", commente Jeremy Goldman, analyste chez Emarketer.

Ces quatre grandes entreprises "jouent pour un siège à l'oligopole de l'IA. Elles ont un trésor de guerre, et elles considèrent qu'elles doivent dépenser cet argent dans l'IA, sinon elles se retrouveront démunies", détaille-t-il.

"L'IA a pris tellement de valeur, elles ne peuvent pas se permettre de perdre."

Considérée comme une nouvelle révolution industrielle, l'IA générative suscite toutes sortes d'espoirs grandioses et d'inquiétudes apocalyptiques.

"Irréaliste" d'espérer dominer

Mais dans l'immédiat elle représente surtout une manne potentielle pour les géants du cloud (Amazon, Microsoft et Google) grâce à ses applications en termes de productivité pour leurs entreprises clientes.

Cette activité devrait rapporter quelques 25 à 30 milliards de dollars supplémentaires par an à Microsoft d'ici 2025, estime Dan Ives.

"C'est un tournant pour Microsoft, comme l'iPhone l'a été pour Apple", assure l'expert de Wedbush Securities: "l'adoption de l'IA générative et de Copilot (l'assistant d'IA de Microsoft, ndlr) va s'accélérer, et Azure (son service de cloud) va engranger davantage de contrats".

Depuis février, le groupe américain a dévoilé des investissements dans l'IA de 3,4 milliards de dollars en Allemagne, de 2,1 milliards en Espagne et de 2,9 milliards au Japon, sur deux ans.

Le groupe de Satya Nadella compte ainsi construire de nouveaux centres de données adaptés, aider à former des millions de personnes à l'IA et financer les infrastructures énergétiques nécessaires pour approvisionner ses installations.

"Microsoft fait appel à des partenaires extérieurs, alors que Google s'appuie plutôt sur ses équipes internes", note Jeremy Goldman.

Les investissements à l'étranger attirent l'attention parce qu'ils sont conséquents, mais aussi "parce qu'il s'agit d'IA, qui domine l'actualité technologique", souligne-t-il.

Au final, les principaux acteurs dépensent tous tellement d'argent, "qu'il serait irréaliste de dire qu'ils espèrent dominer".

"Paris"

Microsoft passe aussi des contrats avec des entreprises, au-delà de son allié OpenAI, qui a déjà reçu environ 13 milliards de dollars du développeur de Windows ces dernières années.

Selon un accord pluriannuel noué en février dernier, la start-up d'IA française Mistral va ainsi bénéficier d'un investissement de 15 millions d'euros.

Surtout, Microsoft va investir 1,5 milliard de dollars dans G42, une société d'IA des Emirats arabes unis, et prendre un siège à son conseil d'administration.

Une opération encouragée par les Etats-Unis, G42 s'étant engagée à abandonner des partenariats chinois en faveur de la technologie américaine, selon le New York Times et Bloomberg.

"Au début, on pensait que les guerres de l'IA allaient être menées par quelques acteurs en quête d'une IA générale capable de faire tout et n'importe quoi. Maintenant le marché commence à reconnaître qu'il va falloir des modèles différents selon les besoins", explique Jeremy Goldman.

De fait, les entreprises de cloud mettent désormais en avant la variété de leur offre en la matière.

Microsoft vient ainsi de présenter Phi-3 Mini, le premier d'une nouvelle série de petits modèles, adaptés à des tâches simples, que l'on peut faire sur un smartphone par exemple.

L'approche de Microsoft dans l'IA, c'est de "prendre des paris", estime Jeremy Goldman. Le groupe investit dans différentes stratégies, et certaines d'entre elles ont plus de chances de payer".

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