Annemasse (awp/afp) - "Je ne m'attendais pas qu'il y ait autant de monde et qu'on doive faire la queue au bord de la route", s'étonne Blendi Bllaca, 23 ans, au volant d'un coupé Volkswagen noir immatriculé à Genève, observant la file de voitures entassée sur le bas-côté.

Depuis une semaine, les huit pompes de cette station Total d'Annemasse (Haute-Savoie), à une quinzaine de minutes de route de la frontière, sont prises d'assaut du matin au soir.

La fréquentation y a plus que doublé, atteignant désormais 1700 personnes par jour - dont une importante clientèle helvétique, attirée par la perspective d'un plein soldé.

Alexandre Macaire, 45 ans, a tiré profit de ses emplettes en France - où les produits alimentaires sont moins chers - pour faire un plein rapide. "C'était vraiment à côté, donc j'en ai profité pour faire quelques économies à la pompe."

"Avant, on pouvait avoir deux à quatre voitures sur dix de Suisse. Maintenant, on va avoir quatre à cinq voitures suisses sur dix", détaille à l'AFP Shana Drut, employée de station.

Avec l'entrée en vigueur des dernières remises de l'Etat et de Total sur le carburant, tous les clients du géant pétrolier français bénéficient d'une réduction de 38 centimes d'euros par litre jusqu'au 1er octobre.

Des économies bienvenues pour les automobilistes suisses, dont le gouvernement n'a pour l'heure pas jugé nécessaire de mettre en place des mesures de soutien au pouvoir d'achat, dans un pays relativement épargné par l'inflation, limitée à 3,4% sur un an en juillet, contre 6,1% en France.

Ils profitent également d'un taux de change historiquement bas: après la parité atteinte au cours de l'été, la monnaie européenne s'est durablement installée sous le franc suisse, un euro s'échangeant désormais contre 0,97 franc.

"Tempête dans un bidon d'essence"

Cette double ristourne représente "50 à 70 centimes (par litre) par rapport à la Suisse" calcule Michel Santos, Genevois de 41 ans, soit une "belle différence, entre 30 et 40 francs suisses (entre 30,9 et 41,2EUR) pour un plein.

Car si le litre de sans plomb ne coûte qu'1,38 EUR dans cette station, il atteint effectivement 2,17 EUR quelques kilomètres plus loin, de l'autre côté de la douane.

De quoi raviver les tensions frontalières, récurrentes dans une région qui compte de nombreux travailleurs frontaliers français.

"Il faut pas qu'on aide les riches, il faut pas qu'on aide nos amis Suisses. Il faut absolument qu'on aide les Français qui en ont le plus besoin", déclarait début août le sénateur UDI de Haute-Savoie Loïc Hervé.

Une "tempête dans un bidon d'essence", lui avait répondu quelques jours plus tard Mauro Poggia, conseiller d'Etat (exécutif) du canton de Genève.

"Pendant des décennies (...) tous les travailleurs frontaliers venaient faire leur plein en Suisse et pas en France parce c'était moins cher", rappelait-il, le carburant étant moins taxé chez les Helvètes.

Face à cet afflux de clients, la station-service haut-savoyarde se ravitaille désormais tous les jours, contre un jour sur deux auparavant, et prépare des aménagements.

"On est en recherche de personnel pour avoir quelqu'un qui va nous faire du service en piste" et qui "servira le gasoil ou l'essence", explique Shana Drut.

"Avec la fréquentation et de temps en temps les vols", complète-t-elle, "on ne peut pas tout gérer."

Une situation qui ne va pas s'arranger: la station se prépare à sa plus forte affluence de l'année à l'occasion du pont du Jeûne genevois ce week-end.

afp/ck