Le voyagiste TUI est l'héritier d'une mine de houille. Cette présentation un peu lapidaire n'est pas fausse pour autant. Comme des nombreuses entreprises d'un âge vénérable, 100 ans tout juste en l'occurrence (comme Valeo évoqué récemment, mais c'est fortuit), TUI est le fruit de multiples transformations. La société elle-même a été créée en 1968 par le regroupement de plusieurs voyagistes allemands. Son nom est l'acronyme de Touristik Union International. Si vous ne comprenez pas ce que ça veut dire, contactez une connaissance germanophone, ou un médecin. Ses labels "minier" et "centenaire" lui ont été apportés par Preussag, qui l'a racheté en 1997. Preussag, c'est un bon vieux conglomérat prussien qui englobait initialement des mines de houille, de fer et d'autres activités qui fleuraient bon le début du siècle (précédent).

On change tout !

Mais dans les années 1990, le secteur minier allemand n'a plus le vent en poupe. Preussag opère alors une spectaculaire et rapide réorientation de ses activités, non sans avoir racheté puis cédé ce qui est désormais l'aciériste Salzgitter. Le reste des activités historiques quitte, aussi, le périmètre. Jusqu'à l'acquisition en 1997 du groupe de transport Hapag-Lloyd, présent à la fois dans les porte-conteneurs, le transport aérien, les croisières de luxe et les agences de voyage. C'est Hapag-Lloyd qui apporte la brique tourisme, dont 30% de TUI. Preussag prendra d'ailleurs le nom de TUI en 2002, après avoir pris le contrôle de la société en rachetant notamment les participations de WestLB et Deutsche Bahn. S'ensuit une grosse série d'acquisitions dans le tourisme, en particulier Thomson Travel et First Choice au Royaume-Uni, puis Nouvelles Frontières en France. Il faut attendre 2009 et la revente des actifs non-touristiques d'Hapag-Lloyd pour que TUI soit pleinement recentré sur les voyages.

Le parcours boursier de TUI depuis son changement de cap est chaotique. Un graphique de cours montre que les meilleures années du titre remontent au tournant du siècle, juste après le début du virage dans le tourisme. Le dossier a ensuite subi l'éclatement de la bulle internet comme le reste du marché, les attentats du 11 septembre 2001 comme la totalité du secteur touristique, puis la crise financière de 2008 et la crise de la zone euro de 2011. Le net rebond qui s'est opéré de 2012 à 2018 a été suivi par une descente aux enfers, accentuée par les années covid. Sur les dix dernières années, le titre a ainsi oscillé entre 207 EUR et 4,37 EUR.

Last man standing

Si TUI a eu le privilège de traverser tous ces écueils, là où une partie de ses rivaux ont disparu, c'est donc au prix d'une chute vertigineuse de son cours de bourse. La dernière crise, celle du covid, a d'ailleurs failli lui être fatale. Il a fallu un plan de financement XXL, en partie financé par l'Etat allemand, pour que le groupe échappe au destin de son rival Thomas Cook, enterré le 23 septembre 2019.

TUI AG

TUI est désormais le plus gros groupe touristique intégré du monde. Il est présent sur toute la chaîne du voyage, de l'agence du coin de la rue à l'hébergement hôtelier, en passant par le transport aérien et les croisières. Cette organisation intégrée est une force, mais c'est aussi une faiblesse, car le groupe affiche une intensité capitalistique élevée à cause de son parc immobilier et de sa flotte d'avions. Quand le marché ralentit, ses coûts fixes le pénalisent face aux acteurs plus agiles du voyage, comme les agences en ligne et les spécialistes du séjour de dernière minute.

A quoi ressemblent les comptes ?

Pour comprendre que TUI revient d'outre-tombe, il faut jeter un coup d'œil dans le rétroviseur bilanciel. La société a été confrontée à l'arrêt total de son activité touristique avec l'irruption du covid, puis à une reprise chaotique. Les comptes des années 2020 et 2021 étaient lourdement déficitaires et le salut n'est venu que des lignes de crédit publiques, qui ont permis de franchir l'écueil. Toutefois, l'année 2022 a permis un début de redressement, confirmé en 2023 avec des résultats annuels (l'exercice se termine le 30 septembre) solides, qui ramènent les ratios dans une zone acceptable, voire attrayants si la tendance positive se pérennise. Pour couronner le tout, le désendettement est allé un peu plus vite que prévu. Les prévisions, elles, sont toujours positives : le marché du tourisme est reparti fort et les Européens rognent peu sur cette dépense en dépit de l'inflation.

Un PER au ras des pâquerettes

Sur la base des attentes des analystes, TUI ne vaut pas grand-chose : 6,5 fois les résultats de l'année en cours, et moins de 5 fois ceux de l'exercice clos en septembre 2026. On notera que le profit cash est cohérent avec le résultat net, si bien qu'il n'y a pas de tromperie sur la faiblesse des ratios. Le surendettement est en passe d'être digéré, avec un rapport dette nette sur Ebitda qui va repasser sous la barre de la parité dès l'exercice en cours. On l'aura compris, le principal attrait de TUI, ce sont des multiples très faibles aussi bien par rapport à l'historique que par rapport au secteur et au marché.

TUI

Le plus gros problème du secteur, c'est finalement sa sensibilité à toutes sortes de facteurs exogènes : une crise géopolitique, un volcan qui entre en éruption, une pandémie, un creux économique, une attaque terroriste… Le tourisme supporte une prime de risque supérieure à la plupart des autres secteurs, tout investisseur doit en être conscient.

"Fallait pas l'inviter" identifie des entreprises qui traversent une passe compliquée en bourse. Sait-on jamais, elles pourraient s'en remettre ! Les derniers articles de la rubrique :