Tokyo (awp/afp) - Les premiers résultats des négociations salariales annuelles au Japon ont abouti à une nouvelle hausse record depuis 1991. Des augmentations 1ui pourraient inciter la Banque du Japon (BoJ) à amorcer un processus graduel de normalisation monétaire dès la semaine prochaine.

Plus de 770 syndicats membres de la confédération syndicale Rengo ont obtenu à ce stade des hausses de salaires de 5,28%, a annoncé vendredi cette organisation. Une augmentation moyenne de 3,8% avait été obtenue l'an dernier à la même période, ce qui était déjà un record depuis 1994. Les syndicats réclamaient en moyenne une hausse de 5,85% cette année, mais l'objectif de Rengo d'obtenir au moins 5% a donc été rempli.

Entre les années 1990 et 2023, les salaires ont très peu progressé au Japon, en raison d'une inflation et d'une croissance économique atones, un contexte qui a poussé la BoJ à recourir à une politique monétaire ultra-accommodante depuis 2013. Au cours des dernières décennies, les syndicats nippons ont aussi préféré défendre la sécurité de l'emploi plutôt que de tenter d'obtenir des hausses de salaires significatives.

Mais l'inflation s'est brutalement réveillée au Japon depuis 2022, avec la flambée des prix du pétrole et d'autres matières premières après la pandémie de Covid-19 et le début de l'invasion russe de l'Ukraine. La hausse des prix à la consommation dans le pays (hors produits frais) a atteint 3,1% en moyenne en 2023, un record depuis 1982. Et elle reste relativement tenace (2% en janvier, selon les derniers chiffres officiels disponibles).

La BoJ, qui vise une inflation de 2% durable, en étant alimentée par la demande plutôt que par des facteurs externes, a préféré maintenir pour l'instant sa politique monétaire ultra-accommodante, qui comprend un taux directeur négatif de -0,1% depuis 2016. Le fossé qui s'est creusé entre sa politique et les resserrements monétaires drastiques menés aux Etats-Unis et en Europe depuis 2022 a fait chuter le yen par rapport au dollar et à l'euro.

Si la faiblesse du yen a des aspects positifs, notamment pour les grandes entreprises japonaises exportatrices et la Bourse de Tokyo, elle fragilise encore davantage le pouvoir d'achat des ménages nippons, et donc la consommation intérieure, ce qui est contre-productif pour l'objectif d'inflation de la BoJ. Depuis plusieurs mois, ses dirigeants martelaient qu'ils attendaient notamment de voir les résultats préliminaires de ces négociations salariales de printemps ("shunto").

La BoJ pourrait ainsi décider d'agir dès l'issue de sa réunion monétaire mardi prochain. Mais elle pourrait aussi décider de patienter encore un peu, en attendant de nouveaux indicateurs macroéconomiques. Dans tous les cas, la BoJ a déjà prévenu qu'elle ferait évoluer sa politique monétaire d'une manière extrêmement graduelle, pour ne pas plomber la très fragile conjoncture économique japonaise et éviter de provoquer un choc sur les marchés financiers.

afp/vj