Bâle (awp/afp) - Urgence climatique, intelligence artificielle, migrants, ode à l'Afrique et contestation du nationalisme sont au menu de la foire de l'art contemporain de Bâle en Suisse qui se veut un miroir du monde et de l'interprétation qu'en donnent les artistes.

Dans la partie dédiée aux oeuvres monumentales, la foire s'ouvre sur une vidéo de l'artiste franco-algérien Adel Abdessemed représentant un bateau en train de brûler qui se veut une allégorie de la tragédie frappant les migrants en Méditerranée.

A côté, l'artiste Ghanéen Serge Attukwei Clottey illustre la crise de l'eau à travers une immense installation intitulée "Sea never dies" (la mer ne meurt jamais) composée de fragments de conteneurs, souvent utilisés au Ghana pour recueillir cette précieuse ressource.

"Les artistes sont le thermomètre de ce qui se passe dans le monde", a déclaré à l'AFP Giovanni Carmine, le commissaire d'exposition de la foire, chargé de rassembler auprès des galeries des oeuvres monumentales qui offrent "un miroir des intérêts des artistes et du marché de l'art".

La foire aborde de nombreux thèmes d'actualité, dont l'intelligence artificielle avec une oeuvre éphémère de l'artiste croate Tomo Savic-Gecan utilisant un algorithme qui analyse le rapport sur le marché de l'art publié par Art Basel pour refléter l'intensité de la foire.

L'artiste américain Adam Pendleton s'interroge, lui, sur le racisme aux Etats-Unis, avec une oeuvre en vidéo centrée sur une statue du général Robert E. Lee, un symbole des Confédérés, au coeur de vives polémiques dans le sillage du mouvement Black Lives Matter.

L'artiste originaire de Richmond, dans l'Etat de Virginie, documente les transformations par lesquelles passe la statue qui --à force d'être couverte de graffitis, aspergée de peinture, puis finalement démontée pour être transférée au Musée d'Histoire Noire de la ville-- devient finalement un symbole des changements qui agitent la société américaine.

Atmosphère "un peu apocalyptique"

Quelque 76 oeuvres monumentales s'alignent dans la section de la foire consacrée aux pièces destinées à être achetées par des musées ou très grandes collections, M. Carmine reconnaissant que "l'atmosphère est un peu apocalyptique". Mais avec "une touche d'espoir", ajoute-t-il.

Longtemps peu représentés, les artistes africains s'y font cette année une place grandissante, avec un triptyque de l'artiste kényan Kaloki Nyamai ou une installation du Britannico-nigérian Yinka Shonibare représentant une bibliothèque remplie de livres couverts de tissus africains aux motifs colorés et parsemés des noms de dirigeants --"bons ou mauvais", précise la fiche de l'artiste-- qui ont contribué aux mouvements d'indépendance.

Pendant une semaine entière, la ville de Bâle vit au rythme de l'art contemporain. Cette foire, qui est avant tout un événement marchand, débute par deux journées et demi réservées aux riches collectionneurs avant d'ouvrir ses portes au public du 15 au 18 juin.

Des oeuvres d'artistes de renom sont parsemées à travers la ville dont une du Britannique Martin Creed, titulaire du prestigieux prix Turner en 2001, qui a planté devant la mairie un mât avec un drapeau marqué du mot "air" pour illustrer la "stupidité du nationalisme", affirme-t-il.

"Planter un drapeau qui dit +air+, c'est stupide", a expliqué à l'AFP l'artiste facétieux. "Mais planter un drapeau dans le sol en disant que cela vous appartient, c'est du nationalisme" tout "aussi stupide", juge le quinquagénaire, amusé que des passants prennent son oeuvre pour un simple poteau et veuillent y attacher leur vélo.

Plus de 4.000 artistes sont représentés par les 284 galeries, venues de 36 pays, qui viennent y vendre leurs oeuvres les plus chères.

La galerie new-yorkaise Pace y dévoile une nouvelle série de sculptures de l'Américain Jeff Koons, représentant un renard en acier inspiré de porcelaines européennes du XVIIIème siècle.

Si le marché de l'art refroidit face aux craintes de récession, les galeries parviennent encore à sceller de très grosses ventes à Bâle.

"Les gens sont très intéressés par le renard", a confié Marc Glimcher, le directeur de la galerie qui en a déjà vendu deux exemplaires pour trois millions de dollars (2,7 millions d'euros) chacun, "dont un qui doit encore être peint".

afp/ol