Dans leur quête de signaux allant dans le sens d'une baisse de taux de la banque centrale américaine en septembre, les investisseurs n'ont pas eu besoin de sacrifier un poulet pour regarder dans ses entrailles ou de lever les yeux au ciel pour décrypter le vol des oiseaux. Il leur a suffi de prendre connaissance des dernières statistiques de l'emploi aux Etats-Unis et de lire le compte rendu de la réunion tenue par la Fed fin juillet pour renforcer leur conviction. Il y a quand même une bonne histoire à raconter sur les chiffres de l'emploi, que je réserve pour la suite. Commençons par la teneur des débats de la Fed. Une phrase a retenu l'attention des financiers dans le compte-rendu. Il est écrit que la "grande majorité" des membres du comité de politique monétaire "a observé que, si les données continuaient d'arriver à peu près comme prévu, il serait probablement approprié d'assouplir la politique lors de la prochaine réunion". Si on supprime les tics sémantiques habituels propres aux banquiers centraux, ça donne "les taux vont baisser d'un quart de point en septembre sauf si les Neptuniens envahissent la terre d'ici là".
Cette conviction a été renforcée par une communication du Bureau of Labor Statistics (BLS) des Etats-Unis, qui devait annoncer hier la mise à jour des données officielles sur l'emploi pour la période allant de mars 2023 à mars 2024. Hop, hop, hop ! Ne partez pas en courant, la suite n'est pas aussi barbante que le suggère la phrase précédente. Parce que cette publication a donné lieu à un double moment de gênance, comme dit ma fille, pour l'institution. D'abord parce que les chiffres ont été révisés de façon XXL, ce qui jette un trouble sur leur fiabilité. Ensuite parce qu'ils ont été publiés plus tard que prévu, mais que certaines banques ont obtenu l'info avant les autres en… téléphonant au BLS.
Je m'explique d'abord concernant la révision des chiffres, qui a son importance, vous verrez pourquoi. Le BLS publie chaque mois des estimations de créations d'emplois fondées sur une méthode statistique. Plus tard, il croise ces estimations avec les données fiscales pour fournir une vision plus précise du marché du travail. En général, l'écart est assez faible, environ 0,1% en moyenne sur les dix dernières années. Mais pour la version mars 2024 qui nous intéresse aujourd'hui, c'est la cata : l'écart est de 0,5%. Ça n'a l'air de rien, mais cela signifie que l'économie américaine n'a pas créé 2,9 millions d'emplois sur les 12 mois concernés, mais "seulement" 2,1 millions. Soit 178 000 par mois au lieu de 246 000 (l'explication vient de l'économiste d'ING James Knightley, dans ce papier). Cela signifie que les statistiques sur l'emploi aux Etats-Unis étaient moins solides que prévu, ce qui a biaisé certaines analyses économiques, et probablement aussi la lecture de la situation par la Fed, qui faisait de la vigueur du marché du travail un facteur de crainte pour la reprise de l'inflation.
La question de la qualité des chiffres de l'emploi et des méthodes de récupération du BLS se pose régulièrement. Cette dernière livraison ne devrait pas calmer la controverse, d'autant que l'office statistique a commis une bourde de taille, que l'on peut même qualifier de manquement à ses obligations d'une communication équitable au marché. Les données auraient dû être publiées à 10h00 (16h00 heure de Paris), mais un problème a forcé le BLS à décaler l'annonce à 10h30. Pour autant, certains économistes persévérants ont contacté l'institution et ont fini par obtenir les chiffres par téléphone. Avant les autres donc. C'est le cas de Yelena Shulyatyeva, de BNP Paribas, qui a expliqué à Bloomberg qu'elle n'arrêtait pas d'actualiser la page web dans l'attente des chiffres et qui a fini par téléphoner plusieurs fois au numéro de contact public, jusqu'à ce que quelqu'un lui communique les chiffres en avant-première. C'est cocasse, mais ça a provoqué quelques remous sur le marché puisqu'un petit nombre d'initiés avait obtenu l'info pendant que les autres poireautaient. Au final, les conséquences n'ont pas été énormes car les données allaient dans le sens de la conviction du marché sur la politique monétaire. Il y aurait eu plus de tintouin si le marché du travail avait été nettement plus vigoureux que prévu, parce que cela aurait réduit les pronostics de baisse des taux. En tout cas, cet épisode est doublement gênant pour le BLS.
Mais pas vraiment pour les investisseurs, qui continuent à évoluer dans leur scénario "ciel bleu" préféré. D'ailleurs, les indices américains ont naturellement progressé hier. Le Dow Jones a repris 0,14%, le S&P500 environ 0,4% et le Nasdaq 100 quelque 0,5%. La petite consolidation de la veille, qui avait mis fin à 8 séances consécutives de hausse sur le S&P500, est effacée. La séance a été marquée par le contraste entre les distributeurs Target et Macy's. Le premier a gagné 11% après de bons chiffres grâce à son positionnement sur les produits à bas prix, tandis que le second a chuté de 12% après avoir revu en baisse ses prévisions, pénalisé par une politique de prix trop élevés. En Europe, le vert a également dominé. Les valeurs de la consommation, cyclique et non-cyclique, ont assuré les gains, tandis que les secteurs défensifs (santé) et liés au pétrole étaient moins gaillards.
Après l'or, c'est au tour de l'euro de briller (un peu) face au dollar. La monnaie unique a accroché un sommet d'un an contre le billet vert, qui a tendance à s'affaiblir contre la majeure partie des devises actuellement. Le mécanisme à l'œuvre est bien connu, mais il mérite d'être rappelé : l'anticipation d'une baisse des taux de la Fed peut conduire à un affaiblissement du dollar, car les investisseurs cherchent des rendements plus élevés ailleurs et réduisent leur exposition aux actifs en dollars. Dans le même temps, l'or, qui ne génère pas de rendement, devient plus intéressant si les taux viennent à baisser. En outre, l'affaiblissement du dollar rend l'or, coté en billet vert, plus attractif pour les investisseurs qui possèdent d'autres devises, contribuant à créer un flux acheteur. Le pétrole, lui, reste sous pression avec un Brent qui flirte avec le seuil de 76 USD ce matin.
En Asie Pacifique, les marchés partent dans tous les sens, mais avec des écarts de variation relativement faibles. L'Australie, le Japon et l'Inde progressent d'environ 0,3%, pendant que Taiwan et la Corée du Sud sont en légère baisse. En Chine, Hong Kong reprend 0,4% pendant que Shanghai baisse d'autant. Les places européennes sont attendues en légère baisse, dans cette séance un peu creuse de veille de conférence du président de la Fed à Jackson Hole. L'animation du jour viendra probablement des indicateurs PMI et des statistiques américaines de l'après-midi.
Le CAC40 démarre la séance en légère hausse à 7529 points. Le SMI prend 0,1% à 12 261 points. Le Bel20 lâche quelques points à 4094 points.
Les temps forts économiques du jour
La journée débutera donc avec les PMI manufacturier, des services et composite de la France, de l'Allemagne, de la zone euro et du Royaume-Uni en matinée, avant aux Etats-Unis l'indice d'activité nationale de la Fed de Chicago et les nouvelles demandes d'allocations-chômage (14h30), suivis des PMI à 15h45 et des ventes de logements existants (16h00). Tout l'agenda ici.
Les principaux changements de recommandations
- Admiral Group : Jefferies passe de sousperformance à conserver avec un objectif de cours relevé de 2300 GBX à 3025 GBX.
- Alcon : BTIG maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 96 à 98 USD. JP Morgan maintient sa recommandation de surpondérer avec un objectif de cours réduit de 88,90 à 84,30 CHF. Needham maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 101 à 107 USD. Nephron Research LLC maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours relevé de 90 à 100 USD. Wells Fargo maintient sa recommandation de surpondérer et relève l'objectif de cours de 94 à 105 USD.
- Avolta : Barclays maintient sa recommandation de surpondérer avec un objectif de cours réduit de 50 à 45 CHF.
- Benevolentai : Deutsche Bank démarre le suivi à l'achat avec un objectif de cours de 2,70 EUR.
- Capgemini : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 195 à 185 EUR.
- Cbrain : ABG Sundal Collier relève de vendre à conserver avec un objectif de cours réduit de 250 DKK à 225 DKK.
- DocMorris : Deutsche Bank passe d'acheter à conserver en visant 44 EUR.
- Engie : Morgan Stanley maintient sa recommandation de surpondérer et relève l'objectif de cours de 18 à 19 EUR.
- HelloFresh : Stifel maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours relevé de 7 à 8 EUR.
- Huber+Suhner Ag : Bank Vontobel AG maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 87 à 90 CHF.
- L'Oréal : Argus Research Company maintient sa recommandation d'achat et réduit l'objectif de cours de 108 USD à 100 USD.
- PSP Swiss Property : Bank Vontobel AG maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 134 à 138 CHF. Research Partners AG maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours relevé de 120 à 130 CHF.
- Salmar : DNB Markets maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 700 à 690 NOK.
- Salzgitter : Citigroup reste à recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 19 à 17 EUR.
- SoftwareONE : Citigroup reste à neutre avec un objectif de cours réduit de 17,40 à 16,90 CHF.
- SSAB : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 82 à 70 SEK.
- TCM Group : Carnegie Group passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 65 DKK à 85 DKK.
- Tenaris : Piper Sandler & Co maintient sa recommandation de surpondérer et réduit l'objectif de cours de 40 à 37 USD.
- Unilever : BofA passe de sousperformance à acheter.
- Zurich Insurance Group Ltd : Morgan Stanley maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 490 à 486 CHF.
En France
Annonces importantes (et moins importantes… Je précise que les informations sont données à chaud avant l'ouverture et ne préjugent pas de la couleur des actions pendant la séance)
- Sephora (LVMH) lance un plan de réduction d'effectifs en Chine.
- ArcelorMittal va construire 465 MW de parcs solaires au Brésil.
- Temasek envisagerait de se séparer de l'entreprise commune indienne avec Schneider Electric.
- Vinci Energies signe l'acquisition du groupe allemand Fernao.
- Don't Nod donne le calendrier de son prochain jeu d'aventure, Koira.
- Nacon dévoile des nouveautés à la convention Gamescom.
- Les principales publications du jour : néant… Le reste ici.
Dans le vaste monde
Annonces importantes (et moins importantes)
D'Europe
- Swiss Re annonce une hausse de 44% de son bénéfice net, conformément aux attentes.
- Siegfried annonce une hausse de son bénéfice net et de ses ventes au premier semestre.
- Deutsche Bank conclut des accords sur 60% des plaintes dans le cadre du litige Postbank.
- Peach Property propose une augmentation de capital pour refinancer sa dette.
- Zug Estate affiche un résultat net et un résultat d'exploitation total en hausse pour le premier semestre.
- JD Sports annonce une hausse des ventes trimestrielles sur un marché volatil.
- Aegon accuse une perte nette mais relève son dividende.
- GN Store Nord a publié ses résultats pour le T2 2024, avec des ventes et un EBITDA inférieurs aux attentes.
- EQT vend des actions de la société de livres audio Storytel.
- Entain fait l'objet d'une action en justice, des actionnaires réclamant 150 millions de livres suite à la chute de l'action.
- Valartis détient la quasi-majorité d'ENR Russia.
- Les principales publications du jour : Swiss Re, Aegon, Rockwool, Banque Cantonale Vaudoise, Dino Polska, CTS Eventim…
D'Amérique du Nord
- Edgar Bronfman relève son offre pour National Amusements et Paramount Global à 6 milliards de dollars, selon le WSJ.
- Microsoft réorganise la présentation de ses chiffres dans certaines divisions.
- Walt Disney a nommé James Gorman, ancien CEO de Morgan Stanley, à la tête du comité chargé de trouver un successeur au PDG Bob Iger.
- BlackRock a réduit son soutien aux propositions d'actionnaires relatives à l'ESG entre 2023 et 2024.
- McDonald's va ouvrir plus de 200 restaurants au Royaume-Uni et en Irlande dans le cadre d'un plan d'expansion.
- Snowflake chute de 8% post-séance après ses trimestriels.
- Agilent gagne 2% post-séance après ses trimestriels.
- Zoom Video gagne 3% post-séance après ses trimestriels.
- Halliburton victime d'une cyberattaque.
- Chevron va investir environ près d'1 Md$ en Inde.
- Les principales publications du jour : Intuit, The Toronto-Dominion Bank, NetEase, Workday, Ross Stores, Baidu, Dollar Tree…
D'Asie Pacifique et d'ailleurs
- Japan Tobacco rachète l'américain Vector Group pour 2,4 milliards de dollars.
- AIA Group affiche des performances record au premier semestre grâce à de fortes ventes à Hong Kong.
- Northern Star Resources annonce une augmentation de 19% de son chiffre d'affaires annuel et une hausse de ses bénéfices.
- Les principales publications du jour : Ping An Insurance, AIA Group, Northern Star Resources…
Le reste de l'agenda mondial des publications ici.
Lectures
- Ford fait marche arrière sur le VE et fait une déclaration d'amour aux hybrides (Wired, en anglais).
- La Nouvelle-Calédonie au bord de l'effondrement économique (Les Echos).
- Le pouvoir mondial du lobbying des grandes entreprises agricoles (Financial Times, en anglais).
- Donald Trump peut-il vraiment mettre la Fed à sa botte ? (The Atlantic, en anglais).
- Sur les littoraux, les épaves de bateaux entraînent une pollution difficile à enrayer (Le Monde).
- Pourquoi les femmes utilisent-elles moins l'IA que les hommes ? (The Economist, en anglais).
- Aux Etats-Unis, il faut 2,5 M$ pour être riche (Bloomberg, en anglais).
- Les tempêtes de pollen à venir (Noéma, en anglais).