Stephen Wilmot,

The Wall Street Journal

LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Pour le milliardaire Li Shufu, il pourrait se révéler plus délicat que prévu de nouer des partenariats dans le secteur automobile.

Le propriétaire du groupe chinois Zhejiang Geely a annoncé vendredi soir l'acquisition d'une participation de 9,7% dans la maison-mère de Mercedes-Benz, Daimler. D'une valeur d'environ 7,2 milliards d'euros, les titres Daimler ont été achetés au moyen d'emprunts contractés auprès de banques étrangères, l'actif lui-même servant de collatéral, a indiqué une personne au fait du dossier.

Les constructeurs automobiles traditionnels ont besoin "d'amis, de partenaires et d'alliances" pour faire face à la concurrence "d'adversaires extérieurs", a déclaré Li Shufu, faisant manifestement allusion aux trublions de la Silicon Valley comme Tesla et Waymo, la filiale de voitures autonomes d'Alphabet. Outre la méfiance affichée par le gouvernement allemand, la décision du milliardaire a eu lundi des répercussions inattendues.

AB Volvo, principal concurrent de Daimler sur le marché mondial des poids lourds, a annoncé qu'il renonçait à proposer la réélection de Håkan Samuelsson à son conseil d'administration. Il se trouve que l'intéressé est directeur général de Volvo Cars, racheté par Zhejiang Geely auprès de Ford en 2010. AB Volvo redoute visiblement que cette nouvelle prise de participation du milliardaire chinois facilite la divulgation à Daimler d'informations concurrentielles sensibles. Peu importe, manifestement, que Zhejiang Geely ait acquis 8,2% du capital d'AB Volvo, dont un grand nombre d'actions à droit de vote multiple, il y a tout juste deux mois.

L'invitation à la coopération lancée par l'homme d'affaires chinois laisse entendre qu'il compte profiter du succès de Mercedes-Benz en Chine, peut-être au moyen d'une coentreprise avec sa filiale chinoise Geely Automotive. C'est en tout cas ce que les investisseurs semblent avoir en tête : cotée à Hong Kong, l'action Geely Auto a grimpé lundi de 6,5%. Or la filiale, dont la holding de Li Shufu contrôle un peu moins de la moitié, s'est vu contrainte de préciser qu'elle n'avait rien à voir avec l'achat des titres Daimler.

Par ailleurs, dans un communiqué expressément distinct publié lundi, Daimler et son partenaire chinois BAIC ont annoncé qu'ils allaient investir 1,5 milliard d'euros dans un second site de production. Sur les 595.200 Mercedes-Benzes vendues en Chine l'an dernier, environ 420.000 sortaient de l'usine de la coentreprise Daimler-BAIC.

Hormis son partenariat avec BAIC, le bilan de Daimler en matière de collaborations est assez mitigé. Sa fusion avec Chrysler en 1998 est restée dans les annales comme l'un des grands échecs du secteur automobile. En 2010, Daimler a entamé une coopération avec l'Alliance Renault-Nissan, avec des participations croisées de 3,1%, or celle-ci se limite essentiellement au partage d'une usine au Mexique.

S'il est assez facile de comprendre l'intérêt de Geely pour Daimler, considéré depuis longtemps comme l'un des chefs de file technologiques du secteur automobile, on voit moins bien pourquoi Daimler voudrait s'allier à Geely. Li Shufu risque d'avoir du mal à tirer de son investissement allemand davantage qu'une rétribution financière.

-Stephen Wilmot, The Wall Street Journal

(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH