Marc Bidou, comment s’est passée 2023 en termes d’activité et de profitabilité ?

"2023 a été marquée par un fort ralentissement de notre croissance après un quasi doublement de taille entre 2020 et 2022 grâce à plus de 21% de croissance organique en 2021 et à l’intégration réussie de notre alter ego allemand, Respondi. L’année a été marquée par une irrégularité et un manque de visibilité sans précédent. Nous sommes finalement relativement satisfaits des 2.7% de croissance organique dégagés et surtout du retour d’une dynamique plus favorable en fin d’année, avec 4.5% de croissance organique enregistrés au 4e trimestre. A noter également le retour de la croissance à l’international alors que la France avait retrouvé le chemin de la croissance dès le 2e trimestre. Concernant la rentabilité, nous avons dû ajuster notre trajectoire de coûts fixes au cours du second semestre, après un premier semestre où la rentabilité avait été affectée par une hausse de nos coûts fixes, notamment des salaires. Viendra s’ajouter au deuxième semestre le phénomène de saisonnalité de l’activité traditionnel dans nos métiers."

Comment abordez-vous l’exercice 2024 ?

"Nous faisons un bon début d’année, mais la visibilité reste faible. Les hausses de prix et de salaires, supérieures à 2% en 2023, seront plutôt de l’ordre de 2% en 2024. En effet, nous souhaitons encourager notre volume d’affaires et devrons donc, pour nous rapprocher de nos niveaux de marges d’EBE historiques, travailler sur les profils recrutés, l’automatisation, et maintenir un bon contrôle des autres coûts fixes."

Evolution de l’activité de Bilendi (source : société - données 2023 non auditées)

Comment voyez-vous arriver l’intelligence artificielle dans votre domaine ? Comment l’intégrez-vous ?

"Le secteur des études de marché est très concerné par l’émergence de l’intelligence artificielle et sa capacité à extraire et valoriser quasi instantanément et continuellement une masse extraordinaire de données. Chez Bilendi, nous développons une plateforme, Bilendi Discuss, permettant de produire des études de marchés complètes à base d’IA. Bilendi Discuss a recours à une IA maison, «BARI», à des IA open source autant que possible, et à ChatGPT. Cette plateforme donne déjà des résultats très impressionnants et sera finalisée dès la fin 2024. Deuxième volet de l’intégration de l’IA chez Bilendi : le lancement de nouvelles solutions d’études qualitatives et quantitatives. Ainsi avons-nous lancé en septembre dernier une offre de « Niche Sampling » pour répondre aux limites des plus gros panels qui ne peuvent fournir un nombre suffisant de répondants sur un sujet pointu. Bilendi peut désormais cibler les groupes les plus spécifiques grâce à ses panels propriétaires mais aussi grâce à l’échantillonnage sur les réseaux sociaux dans le monde entier. Après un lancement en France et en Allemagne, nos principaux pays d’implantation, nous aurons d’ici la fin mars déployé Niche Sampling dans une dizaine de pays. Enfin, l’IA améliore nos process en interne, notamment en améliorant la qualité de nos panels."

Avez-vous vocation à remplacer les instituts de sondage, qui sont des clients importants pour vous ?

"Nous resterons un fournisseur de panels et de technologies aux instituts de sondage : nous n’avons pas vocation à remplacer le consultant qui conseille le client final. Cependant, l'intelligence artificielle peut remettre en question la valeur ajoutée des consultants juniors, avec un effet favorable sur les marges des instituts de sondage, et le marché des études pourrait s’élargir à de nouveaux clients qui n’y ont pas recours pour des raisons de coût : je pense par exemple au responsable marketing d’une PME. C’est pour cela que je pense que pour un fournisseur de technologies comme Bilendi, l’IA est clairement une opportunité : nous avons pris de l’avance, notre outil est facile à utiliser et disponible en 11 langues. Nos premiers tests sont très concluants et notre modèle pourrait, à terme, évoluer vers l’abonnement. Cependant, ces évolutions prendront du temps avant de peser significativement dans notre chiffre d’affaires."

Exemple d’étude qualitative réalisée avec BARI (Bilendi Artificial Research Intelligence)

Comptez-vous reprendre les acquisitions ? Quel niveau de levier financier vous autorisez-vous ? 

"Nous restons très actifs sur ce volet clé de notre stratégie qui doit nous conduire à atteindre nos objectifs 2026 de 100M€ de CA pour une marge d’EBE de 20 à 25%. A ce jour, parmi tous les dossiers que nous voyons passer, la qualité ou le prix ont fait défaut. Comme vous le savez, les transactions dans le non-côté dans nos métiers se font rarement à moins de 10x l’EBE. Quant à notre enveloppe financière, nous souhaitons, a priori, conserver un niveau d’endettement inférieur à 2x l’EBE sachant qu’il nous reste un maximum de 3.5M€ à décaisser cette année au titre des compléments de prix de Respondi."

L'Auteur est actionnaire à titre personnel.