Fondée en 1962 par Kornelis Joustra, un ingénieur civil diplômé de l'École polytechnique de Delft, Fugro a reçu la même année sa première commande pour un projet de construction d'autoroute en Belgique, et a lancé son premier projet d’investigation offshore en 1967 en mer du Nord.

Petit à petit, l’entreprise a élargi son domaine et s'est spécialisée dans les études géotechniques et les analyses terrestres. Aujourd'hui, le groupe est reconnu comme un acteur clé pour une multitude de projets, allant du forage pétrolier aux infrastructures en passant par les projets de développement d'éoliennes offshore. 

Sa mission consiste à déterminer le potentiel de revenus d’un site, la conception optimale des fondations et des itinéraires des câbles, ainsi que l'évaluation des risques géologiques. L'entreprise, génère des revenus récurrents grâce aux géodonnées en tant que service.

Fugro est largement implantée dans le monde, et réalise 42% de son chiffre d'affaires en Europe et en Afrique, 25% dans les Amériques, 20% dans la région Asie-Pacifique et 13% au Moyen-Orient et en Inde.

Les quatre grands marchés de Fugro

Gaz et Pétrole : 

Dans le secteur du gaz et du pétrole, qui représente 38% de son chiffre d'affaires, le groupe se spécialise dans les services d'intégrité des actifs, essentiels pour maintenir les infrastructures maritimes grâce à des inspections régulières et à la détection de corrosion.

Bien que le monde se tourne vers des énergies plus propres, les hydrocarbures restent la principale source de revenus pour l'entreprise. Face à la volonté internationale de réduire la dépendance envers les grands producteurs de pétrole, les investissements dans le secteur augmentent, notamment pour le gaz naturel, considéré comme un carburant de transition.

Le pétrole et le gaz représentent encore plus de 50% de la consommation énergétique mondiale. Selon Rystad, la demande pour ces ressources devrait croître de 9% par an jusqu'en 2027. Cependant, des risques subsistent, comme les dynamiques complexes au sein de l'OPEP et des événements géopolitiques au Moyen-Orient pouvant affecter les prix du pétrole

Énergies renouvelables : 

Fugro s’est alignée sur la tendance croissante de l'éolien offshore, voyant ses revenus dans ce segment croître de 55% en 2023, représentant 35% du chiffre d’affaires contre 7% en 2017. L'entreprise joue un rôle crucial dans le secteur de l'énergie éolienne, fournissant des services essentiels de caractérisation de sites pour les projets offshore et onshore. Elle évalue le potentiel de revenu des sites, réalise l'analyse géotechnique du sol pour les fondations des éoliennes, trace les câbles et évalue les géorisques associés.

Ses clients sont principalement des compagnies énergétiques, traditionnellement axées sur le pétrole et le gaz, qui se diversifient de plus en plus vers les énergies renouvelables.

Au cours des trois dernières années, le groupe a étendu son empreinte internationale en participant à des projets d'éoliennes offshore dans des régions telles que les Pays-Bas, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Corée du Sud et Taïwan.

Le secteur de l'éolien offshore connaît un essor. Selon les analyses de 4C Offshore, les investissements dans ce domaine devraient croître de 30% par an entre 2023 et 2027. Cette tendance est soutenue par l'engagement de 118 gouvernements, pris lors de la COP28, de tripler la capacité mondiale en énergies renouvelables d'ici 2030.

Prudence toutefois, car certains méga-projets ont été récemment remis en cause à cause de l'explosion des coûts de développement. La hausse des taux d'intérêts a en effet lourdement pesé sur l'équilibre économique des montages qui existaient jusque-là. De surcroît, les républicains américains sont notoirement défavorables à l'éolien : un retour de Donald Trump aux affaires risquerait de peser sur les engagements pris par son prédécesseur.

Source : Fugro

L’infrastructure : 

L'infrastructure, représentant 23% du chiffre d'affaires, est également au cœur de son métier. La société offre des solutions essentielles pour le développement d'infrastructures d'envergure, incluant des études de sites, ainsi que des services de surveillance et de maintenance. Des services cruciaux pour la construction de bâtiments, installations industrielles, gratte-ciels, tunnels, ponts, aéroports, routes, chemins de fer, réseaux électriques et pipelines.

Bien que le marché de l'infrastructure soit le point faible du groupe en termes de revenus, après la cession des activités de caractérisation de sites en France et la fermeture en Russie en 2022, les dynamiques de fond demeurent positives. 

Elles sont soutenues par une population mondiale croissante, une urbanisation continue et le vieillissement des infrastructures existantes qui requièrent des réparations et des mises à niveau de plus en plus fréquentes. On estime que la population mondiale passera de 8 à 10 milliards d'ici 2050, avec 1,6 million de personnes qui déménagent en zone urbaine chaque semaine, selon les Nations Unies.

Les investissements dans ce secteur devraient croitre à un rythme annualisé de 6% jusqu'en 2027, selon les données de Global Data publiées en octobre 2023.

Dans ce contexte, Fugro s'adapte également à la demande croissante pour des infrastructures durables et adaptées au changement climatique. 

L’eau : 

L'eau représente 4% du chiffre d'affaires de l'entreprise, qui se spécialise dans la cartographie des fonds marins et l'étude des écosystèmes océaniques, principalement pour des ONG et des centres de recherche. Fugro propose également des solutions pour réduire les risques d'inondation des voies navigables intérieures, en fournissant des données et des visualisations détaillées.

Avec 40% de la population mondiale installée près des côtes et des fonds marins et des écosystèmes sous-marins encore inconnus respectivement à 75% et 95%, les opportunités de croissance sont notables. Les défis posés par la montée du niveau de la mer, les inondations et les sécheresses appellent à des investissements accrus dans les infrastructures côtières et fluviales. À moyen terme, l'entreprise prévoit de lancer des projets d'hydrographie en Australie et aux Seychelles.

Résultats en 2023 : Vous êtes prêts ?

Parlons chiffres : les résultats sont en nette amélioration. Le groupe dirigé par Mark Heine a réalisé une croissance de son chiffre d’affaires de 27,5% sur un an, grâce à de meilleures conditions contractuelles et une meilleure exécution opérationnelle, principalement en Asie-Pacifique, où le revenu a augmenté de 37%.

C'est encore mieux côté rentabilité. L’EBITDA, l’EBIT et le résultat net de Fugro ont respectivement crû de 72%, 137% et 244%. La marge d'exploitation s’est améliorée de 5,4 points, se fixant à 11,5%. Cette performance confirme le pricing power du groupe, qui a optimisé ses marges grâce au boom de l'éolien malgré un contexte inflationniste. Les revenus de la division pétrole et gaz, eux, ont augmenté de 37%.L’augmentation des niveaux d'activité géotechnique et géophysique et une meilleure tarification ont également contribué à ce succès.

Pour enfoncer le clou, sur un cycle de 10 ans (2016-2026), si les dés des prévisionnistes tombent sur le bon numéro, le chiffre d'affaires du groupe devrait augmenter de 60%, l’EBITDA de 464% et le résultat d’exploitation de 4 276%. Mécaniquement, la marge d’exploitation devrait s’améliorer de 13 points et la marge nette de 27 points.

Passons au bilan. La dette nette a diminué de 47% sur un an pour s’établir à 110,5 M€, représentant 0,3x l’EBITDA, prouvant que l’entreprise a peu recours à la dette pour financer ses opérations. Mieux encore, elle se désendette à vitesse grand V. Sur un cycle de 5 ans (2021-2026), si les prévisions se vérifient, l’effet de levier (Dette nette/EBITDA) devra baisser de 84% et la dette nette de 50%.

La forte hausse de l’EBITDA, combinée à une gestion efficace du besoin en fonds de roulement, qui baisse de 9% à 75 jours, a conduit à une augmentation spectaculaire du free cash flow de 792% sur un an, passant de 24 à 213 M€. Les ratios FCF/CA et FCF yield, fixés respectivement à 10% et 11%, très élevés par rapport à ses concurrents internationaux, indiquent une bonne capacité à générer du cash par ses activités courantes et une valorisation attrayante.

Cette performance a permis à Fugro de remodeler sa politique de dividendes, inexistante en 2022, à 0,4 € par action, soit un payout ratio de 18%. Cela reste toutefois inférieur à son concurrent italien Saipem (31%). Au cours des 3 prochaines années, cette politique se poursuivra selon les dires du PDG, avec un taux de distribution fixé entre 25% et 40%.

Ces résultats ont été corroborés au 1er trimestre 2024 : 

  • Chiffre d'affaires : 503M (+8% par rapport à l'année précédente)
  • EBITDA : 83M (+41% par rapport à l'année précédente)
  • EBIT : 44M (+75% par rapport à l'année précédente)

À moyen terme, la marge d’EBIT est fixée dans une fourchette cible de 11 à 15%. Le groupe prévoit d'accroître sa flotte maritime avec des navires supplémentaires pour soutenir sa croissance, dont certains seront propulsés au méthanol vert.

Indicateurs boursiers : 

La capitalisation boursière du groupe avoisine les 2,6 Mds€ au 14 mai 2024. Ses multiples de PER et VE/EBITDA sont fixés respectivement à 7,88x et 4,88x, ce qui paraît peu cher compte tenu de sa croissance et de sa génération de cash flows. Cela est néanmoins inférieur à leur moyenne prévisionnelle de 5 ans (2021-2026), respectivement à 13x et 5,7x, indiquant une croissance exceptionnelle qui n’est pas prête de se reproduire à moyen terme. Comparé à ses concurrents, ces multiples restent bas.

Le cours de bourse est actuellement fixé à 23 €, portant ses gains à 35% depuis le 1er janvier 2024, reflétant ainsi sa bonne croissance et la confiance des investisseurs.

Graphique Fugro N.V.

Points forts : 

  • Multiples de valorisations faibles compte tenu de la génération des revenus et de cash flow.
  • La majorité du consensus recommande ses titres à l’achat ou à la surpondération.
  • Activité et portefeuille client très diversifiés, avec une forte exposition aux énergies de transition à forte croissance.

Points faibles : 

  • Exposé aux risques météorologiques sur ses activités offshore, bien qu'ils puissent offrir des opportunités sur le segment infrastructures.
  • L’activité du groupe est basée sur de gros contrats à long terme, exposés aux risques de non-exécution.
  • Exposé au risque géopolitique.
  • Peu de dividendes par rapport aux concurrents.

Fugro est une entreprise solide qui bénéficie d'un environnement porteur. Le dossier fait partie de notre fonds Madeleine Europa ONE depuis peu, du fait de ses qualités fondamentales et au contexte général favorable à l'expansion des projets d'éoliennes offshore.

Une base comparative de quelques acteurs du même secteur :