Michel Koutchouk, pouvez-vous nous rappeler ce qui fait l’originalité d’Infotel dans le monde des ESN françaises qui comptent ?

"Infotel prétend être à la pointe des technologies qu’il pratique. Ce fut le cas dès nos débuts où nous étions spécialisés dans la gestion des bases de données pour de grands comptes comme Peugeot, Air France ou la BNP. Plus de 40 ans plus tard, ces grands comptes font encore partie de nos 10 premiers clients. Notre offre s’est élargie à l’ensemble des solutions qui permettent la poursuite et même l’accélération de leur transformation digitale. Notre chiffre d’affaires est très concentré sur la France où nous réalisons 90% du CA, avec une forte présence des secteurs banques et assurances qui concentrent la moitié de notre activité. Une autre particularité d’Infotel est la capacité à fidéliser ses collaborateurs. En témoigne le taux de départ des salariés de 12 %, parmi les meilleurs standards du marché. Des plans d’actions gratuites sont régulièrement accordés à la douzaine de collaborateurs qui constitue la nouvelle génération de managers, les co-fondateurs du Groupe prenant petit à petit du recul. Nos successeurs sont, en grande majorité, des personnes qui ont déjà derrière eux un très long parcours au sein du Groupe."

Que pouvez-vous nous dire sur le secteur bancaire, en retrait en 2023 ?

"La baisse des investissements de la part du secteur bancaire a commencé au deuxième trimestre 2023 et explique la légère décroissance que nous connaissons depuis lors. Heureusement, derrière chacun de nos grands comptes, il y a de nombreux projets. Il n’est donc pas question de voir disparaitre 10% de notre chiffre d’affaires d’une année sur l’autre. Sans compter les clients bancaires qui nous ont confié significativement plus d’affaires en 2023, à l’image d’Arkéa, ou ceux qui ont réduit le nombre de fournisseurs par deux, comme BPCE, ce qui devrait nous profiter. Nous considérons que ces mesures de réduction de coûts actuellement observées dans l’ensemble du secteur comme faisant partie de la cyclicité habituelle du secteur. Pour autant, elles nous encouragent à aller chercher des affaires dans d’autres secteurs, comme le luxe ou l’énergie."

L’offre logiciel distingue également le groupe de la plupart des ESN et dope votre marge d’exploitation …

"Effectivement, cette activité, présente dès les débuts d’Infotel, représente à peine 4% de notre CA mais dégage une marge opérationnelle de plus de 30%. Notre offre logiciel est mondiale et passe en grande partie par IBM, notre principal vendeur. En déclin, cette offre de logiciels techniques tournant sur serveurs Mainframe et Unix est en passe d’être plus que compensée par de nouvelles offres logiciels, à commencer par Orlando. Cette solution lancée en 2018 permet de gérer la documentation électronique aéronautique en exploitant les technologies de Big Data. Disponible à la fois sur le cloud et avec une application mobile, Orlando est destiné aux compagnies aériennes, avionneurs, motoristes, équipementiers … Nous sommes très heureux de voir Airbus commencer à contribuer au chiffre d’affaires ce mois-ci, pour un CA 2024 attendu de l’ordre de 0.5 à 1 M€, à comparer avec 2.8M€ de CA 2023 pour Orlando, en hausse de 50% vs 2022."

Lors de notre dernier entretien, il y a deux ans, vous refusiez des affaires faute de ressources. Le phénomène s’est donc inversé depuis quelques mois…comment réagissez-vous en interne pour préserver vos marges ?

"Les clients ont effectivement moins de projets qu’il y a un an, ils sont frileux, surtout les banques. Pour autant, nous continuons d’embaucher des jeunes, en assumant une augmentation des intercontrats. L’ajustement se fera donc, comme ce fut déjà le cas en 2023 (-3%), par la réduction de nos charges de sous-traitance, en attendant que les nombreux projets en attente se débloquent. L’ensemble des autres charges fera l’objet d’une attention rigoureuse. Enfin, la croissance de nos activités logicielles, moyennant une bonne maîtrise des charges, devrait soutenir nos taux de marge. "

Comment abordez-vous les évolutions en cours autour de l’IA ?

"Je vois cette vague d’innovation comme les précédentes, à l’instar d’internet ou de l’arrivée des smartphones. Nous en sommes encore au stade de l’expérimentation, tout comme nos clients : il va falloir 5 à 10 ans pour que des transformations d’ampleur se mettent en place chez nos clients. Nous avons créé un laboratoire d’intelligence artificielle autour d’une équipe d’experts interne, adossée à un partenariat avec une start-up française référente du domaine. Les objectifs de ce laboratoire sont d’identifier les cas d’usage, d’évangéliser et de professionnaliser les collaborateurs sur les problématiques et les enjeux de l’IA."

Avec plus de 100 M€ de trésorerie nette au bilan et vous ne parvenez pas trouver des cibles qui vous conviennent. Quel projet d’utilisation de cette trésorerie est envisagé ou exclu par le Conseil d’Administration ?

"Nos recherches de cibles n’ont pas débouché sur des acquisitions compte tenu de prix trop élevés ou d’une qualité insuffisante des cibles. Mais nous avons encore espoir de concrétiser des opérations. En attendant, nous avons créé une filiale (au Canada et une autre que nous annoncerons prochainement) et avons racheté des intérêts minoritaires dans notre filiale au Maroc. Enfin, nous allons proposer le versement d’un dividende de 2€ lors de la prochaine Assemblée Générale, un dividende stable qui donnera lieu au décaissement de 13.8M€."

Infotel vise toujours l’atteinte d’un CA supérieur à 380 M€ en 2026. Quelle trajectoire cela implique-t-il désormais en 2024 et au-delà ?

"Nous attendons une stabilité de l’activité au premier semestre 2024, avant un retour de la croissance au second semestre. Sur l’année, notre croissance devrait ainsi avoisiner celle projetée par Numeum, notre syndicat professionnel, soit 3%. Au-delà, nous espérons renouer avec une croissance à deux chiffres, niveau que nous avons atteint plus d’une année sur deux depuis 10 ans."



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