Stéphane Gigou, Trigano devrait réaliser un résultat opérationnel courant de plus de 400 M€ sur l’exercice 2022/2023, externalisant un ROCE avant impôts de plus de 30%. Doit-on y voir un signe de haut de cycle ou la force de votre position concurrentielle ?

"Nous entrevoyons en effet un ROC supérieur à 400 M€ sur l’exercice, ce qui correspond à niveau de marge opérationnelle de 11.5% que je considère ambitieux mais raisonnable. Il traduit notre capacité d’adaptation à un contexte instable, et à une vague inflationniste que nous avons su gérer au mieux. Concernant le niveau d’activité, le marché du véhicule de loisirs conserve un réel potentiel de développement. Il est porté par le nombre croissant de seniors actifs en bonne santé auquel s’est ajouté, à l’occasion de la crise sanitaire, un élargissement de la base clients, phénomène qui a été amplifié par sa médiatisation. Preuve en est la baisse à 20% du taux de reprise de véhicule en France lors d’une vente de véhicule, contre 40 à 50% historiquement. Nous faisons des constats similaires sur les différents marchés européens sur lesquels nous sommes présents, avec un marché allemand qui s’avère être plus mature. Pour ces différentes raisons, la tendance historique de notre marché, en croissance annuelle de 4/5%, devrait se poursuivre."

Evolution du chiffre d’affaires annuel de Trigano (source : Trigano, le 28/9/2023)

Votre clientèle cible n’est-elle pas touchée par le récent durcissement des conditions de financement ?

"Sur le marché des camping-cars, notre clientèle a modérément recours aux solutions de financement proposées en concession au niveau européen. Par ailleurs, elle atteint un âge où les années en bonne santé sont précieuses. Enfin, elle est amenée à toucher des sommes d’argent facilitatrices, par exemple à l’occasion d’un héritage. Les premiers salons d’automne ont confirmé par des niveaux d’affluence élevés le vif intérêt des consommateurs européens pour ces véhicules. En revanche, sur le marché des caravanes, la hausse des prix et des taux d’intérêts impacte plus fortement la population plus jeune, familiale et active qui représente notre base de clientèle. Trigano dispose d’un niveau important de commandes de caravanes d’habitation dont le marché reste porteur ; par contre, pour les caravanes de tourisme, la situation est différente, en particulier en Allemagne où certains distributeurs ont beaucoup de stocks de marques concurrentes de Trigano sur leurs terrains."

Van avec un toit Pop-Up : discret, maniable et prisé d’une clientèle familiale souvent plus jeune que celle des autres camping-cars

Vos performances ne traduisent-elles pas également votre capacité à imposer vos conditions tarifaires sur un marché plus concentré que par le passé ?

"Sur notre principal marché, les camping-cars, nos volumes ont progressé d’un peu plus de 15% sur le dernier trimestre de l’exercice 2022/2023, pour une progression de 19,7% en valeur. Sur l’exercice en cours, nous visons une stabilité des prix, sachant que notre pouvoir de négociation sera moins favorable après deux années de pénurie de véhicules chez les distributeurs. Nous devrions, en contrepartie, être mieux à même de négocier nos achats dans de meilleures conditions, au-delà des seuls châssis qui représentent 40 à 45% de la valeur de nos approvisionnements. Concernant le paysage concurrentiel, il n’y a pas vraiment eu de concentration majeure depuis 2017. Nos grands concurrents Hymer et Knaus Tabbert ont certes vu évoluer leur actionnariat, mais sans véritable évolution de concentration du marché."

Dernièrement, Trigano a également lancé son dévolu sur la distribution de véhicules de loisirs, notamment en France…

"Trigano a souhaité développer un réseau de distribution en France pour garder le contact avec le client final et être en prise avec ses attentes en termes de produits et de services. Si nos produits maison ont vocation à prendre des parts de marché au sein de nos concessions, l’objectif n’est pas de développer un réseau 100% Trigano. Hors de France, chaque pays a ses spécificités et notre stratégie de rachat de distributeurs a atteint un stade avancé."

D’où votre volonté d’accélérer dans les résidences mobiles via le rachat de la filiale du Groupe Beneteau ?

"Nous avions fait le choix, avant que cette opportunité se présente, de nous développer sur ce segment des véhicules de loisirs, compte tenu de son fort potentiel. Avec l’objectif de devenir leader européen.  Cela s’est traduit par des investissements ces dernières années dans nos capacités de production françaises et slovènes. Quand l’opportunité d’acquérir Bio Habitat auprès du Groupe Beneteau s’est présentée, nous l’avons naturellement saisie afin d’accélérer la consolidation du marché dans un contexte de montée en gamme et de concentration des acteurs de l’hôtellerie de plein air. La transaction demeure soumise à l’obtention de l’approbation de l’Autorité de la concurrence en France. La réalisation de cette acquisition pourrait intervenir en fin de premier semestre."

Dans quelles mesures et à quel horizon les véhicules de loisirs sont-ils concernés par l’électrification des motorisations ?

"Il n’y a pas encore de solution technique au point pour électrifier les motorisations. Nous y travaillons, en partenariat avec les grands acteurs capables de nous fournir ces solutions quand elles seront au point. La prochaine génération de véhicules restera équipée de moteurs diesel, avec un passage de la norme Euro 6 à Euro 7.  Les véhicules de loisirs restent, en attendant, des résidences particulièrement économiques et écologiques."

L’auteur de cet article est actionnaire de la société à titre personnel.