Koné (awp/afp) - Le coeur du site industriel de l'usine Koniambo Nickel SAS (KNS), dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, bat désormais au ralenti. Le 19 février, à 19H30, les deux fours ont livré leur dernière coulée de métal en fusion. Avec l'espoir que l'activité reprenne bientôt avec un nouvel investisseur.

La mise en sommeil "à chaud" des installations, c'est-à-dire en maintenant les fours en état de fonctionnement, doit durer six mois. Au-delà, ils seront mis hors service et les 1300 salariés de l'usine se retrouveront sur le carreau.

Une catastrophe pour la région, entièrement transformée par l'ouverture au tournant des années 2010 de cette usine de production de nickel.

Les trois communes proches de l'usine comptent aujourd'hui plus de 4000 entreprises, contre 2500 en 2005, et les retombées économiques sont énormes: cinq milliards d'euros depuis 2005, estime la province Nord, collectivité indépendantiste détenant 51% de KNS à travers la Société minière du Pacifique Sud (SMSP) aux côtés du géant anglo-suisse Glencore.

La population, elle, a augmenté d'environ 40% entre 2009 et 2019.

Mais dans un contexte de crise mondiale du nickel, Glencore a annoncé le 12 février l'arrêt du financement du site, qui lui a déjà coûté neuf milliards d'euros et a accumulé 13 milliards d'euros de dette.

La combinaison de mauvais rendements, d'une énergie coûteuse et d'une forte concurrence étrangère ont fait plonger dans le rouge les trois usines métallurgiques traitant le nickel extrait sur l'archipel français du Pacifique, qui représente la quasi-totalité de ses exportations de et près du quart de l'emploi privé.

A l'usine KNS, si tous les emplois seront maintenus pendant six mois, l'ambiance est amère.

"On a effectué le meilleur démarrage de production de notre histoire en 2024, et fin 2023 on avait atteint notre objectif de 3.000 tonnes de production mensuelle", souligne Neil Meadows, PDG de KNS.

"Notre business plan laisse entrevoir une rentabilité en 2027", à l'issue des deux maintenances majeures prévues en 2025 et 2026, souligne-t-il.

Neil Meadows assure que "quatre groupes ont montré de l'intérêt pour le site ces derniers mois" et dit espérer convaincre un repreneur dans les six mois.

"Dominos"

Mais pour y arriver, il faudrait que "l'État garantisse au futur actionnaire l'offre qu'il avait faite à Glencore", poursuit Neal Meadows. Soit un prêt de 110 millions d'euros et une subvention directe sur l'énergie.

Alors que les trois usines calédoniennes de nickel du "Caillou" (KNS, SLN et Prony Ressources) sont dans une situation critique, le gouvernement français négocie en effet un "pacte nickel" censé pérenniser la filière.

"Il faut que le pacte nickel aboutisse", insiste Neil Meadows tout en assurant que ce n'est pas le refus de la province Nord d'ouvrir les réserves métallurgiques aux exportations qui a pesé dans la décision de Glencore de partir. Car il en est sûr, "si KNS tombe, ce sera le premier des dominos" et les autres opérateurs métallurgiques de l'archipel suivront.

Pour autant, il n'ose imaginer une Nouvelle-Calédonie sans usines de nickel. Une position qui le distingue de Christel Bories, dirigeante du géant français Eramet (actionnaire majoritaire de la SLN) qui, dans le Financial Times, pronostiquait cette semaine la fin de la métallurgie au profit des seules exportations de nickel brut.

"Nous, nous croyons en notre projet", répond Neil Meadows.

Alors pour être prêt, tout le personnel de KNS s'est mis en ordre de marche. Comme l'usine, la mine a cessé de fonctionner et la Serpentine, ce gigantesque tapis roulant qui descend le minerai extrait de la montagne, est désormais silencieuse.

Les camions, les arroseuses et les cribleuses ont été redescendus et les salariés se concentrent sur le nettoyage du site. Ils se verront ensuite proposer des formations, "histoire de rester dans une bonne dynamique", explique Jean-Christophe Ponga, le surintendant des opérations minières.

"Les difficultés, on en a connu d'autres depuis le début du projet. Même si là, l'enjeu est particulièrement sérieux, ils sont motivés", poursuit-il.

A l'usine après la dernière coulée de métal, la température des fours est lentement abaissée.

En service, les hautes températures entraînent leur dilatation: il faut donc contrôler le refroidissement pour qu'ils se rétractent sans s'abîmer. Une procédure connue des équipes, puisqu'elle est mise en oeuvre lors des maintenances majeures qui nécessitent l'arrêt de la production.

Dans une semaine, les fours seront endormis. Mais contrairement à des fours froids, qui nécessitent de longs mois de reconstruction, "ils sont chauds, donc vivants", explique Aurélien Archambeault, le directeur de l'usine.

Prêts à reprendre vie dès que possible.

afp/jh