Duel des géants

Alors que TF1 retrouve les faveurs des marchés, le groupe M6 peine à reprendre le chemin de la croissance, en raison d’une très forte dépendance à un marché publicitaire en berne. En effet, avec 80% de ses revenus liés à la publicité, contre 65% pour TF1, le groupe M6 subit de plein fouet la frilosité des annonceurs dans un contexte de fortes incertitudes.

Ce manque de diversification n’est cependant pas surprenant pour un groupe audiovisuel et n’était jusqu’alors pas un critère décisif pour les investisseurs. En effet, les performances des deux groupes ont longtemps été corrélées, que ce soit lors de la crise sanitaire ou de l’échec de la fusion des deux groupes en 2022, les marchés maintenaient un statu quo.

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Les cours des titres M6 et TF1 sont fortement corrélés jusqu'au second semestre 2023

 

Tout bascule en juillet 2023, avec la publication des résultats du S1 2023 des deux groupes. Malgré un recul des activités et des marges sensiblement identiques, les investisseurs vont appliquer une forte décote sur le cours de M6, au profit de TF1. En cause, une communication laconique, mettant en avant des perspectives incertaines, faisant l’impasse sur la stratégie digitale du groupe. De son côté, TF1 met l’accent sur la croissance de son offre digitale et sur le maintien de sa politique de dividendes.

Un début d’année compliqué

Ce début d’année 2024, sans tendance claire pour M6, aura permis à TF1 de définitivement distancer son concurrent. Le lancement de TF1+, son offre hybride entre replay et streaming, permet à la société de remettre un pied dans le segment du streaming, après l’aventure avortée de Salto. Pour M6, cette sortie met en lumière le manque d’ambition de la stratégie digitale du groupe. La limitation à un service de replay, peu créateur de valeur, traduit le déficit d’investissement sur ce segment.

 

Service 6play

Une stratégie digitale peu ambitieuse, se limitant au service VOD depuis 10 ans

 

Cependant, ce manque d’innovation et la limitation des investissements sont dans l’ADN du groupe et expliquent en partie sa réussite. En effet, bien qu’avec des revenus ne correspondant qu’à 60% de ceux de son concurrent, M6 rivalise avec TF1 en matière de résultat net grâce à un coût des programmes deux fois moindre. Dans un contexte difficile sur le marché publicitaire, le groupe subit l’érosion de la marge opérationnelle et le manque de manœuvre sur les coûts de sa grille de programme pourrait impacter significativement le résultat net des prochains exercices.

La dégradation d’ODDO BHF de surperformance à neutre, en faveur de TF1 intervient dans ce contexte charnier pour le groupe audiovisuel. Celui-ci a perdu l’initiative et risque de voir ses performances boursières fortement impactées par des facteurs externes. Ainsi, l’évolution du marché publicitaire aura une incidence forte sur les marges et la croissance de l’exercice 2024.

Des perspectives incertaines

A noter tout récemment, la publication anticipée de ses résultats 2023 par Publicis, faisant ressortir une accélération de son activité média au T4. Il faudra attendre la publication du quatrième trimestre de M6, prévue le 13 février, pour constater l’impact de cette accélération côté annonceurs sur les groupes audiovisuels. La communication du groupe sur ses perspectives 2024 sera également à surveiller, tant sur la forme que sur le fonds. Le maintien de la politique de distribution de dividendes actuelle sera également un signal positif envoyé aux investisseurs.

Dans un contexte de dualité entre les deux géants audiovisuels français, le cours du groupe M6 dépendra également fortement de la réussite de TF1+. En effet, la tentative de créer le Netflix à la française avec Salto n’ayant pas percé dans ce secteur dominé par les géants américains, le scénario pourrait se répéter dans le projet de TF1.

En attendant, le manque de catalyseurs rendra difficile une remontée du cours, tant M6 semble avoir perdu la main face à TF1. En cas de maintien du dividende à 1€, soit un rendement de 7,5% au cours actuel reste une bonne opportunité d’entrée dans le cadre d’un portefeuille d’actions à forts dividendes.