par Tom Sims, Jesús Aguado et Valentina Za

FRANCFORT/MADRID/MILAN, 29 janvier (Reuters) - Les banques européennes ont augmenté leur distribution de bénéfices ces derniers trimestres mais leur bonne performance pourrait être menacée dans un contexte de ralentissement économique et de hausses de taux.

Les comptes trimestriels des banques BBVA mardi, Santander mercredi, Deutsche Bank et BNP Paribas jeudi et UniCredit le lundi suivant, permettront de jauger de l'impact de ces conditions économiques sur les prêteurs.

L'indice sectoriel des banques a atteint son plus haut niveau depuis mi-2018 en janvier, propulsé par une rentabilité soutenue par des taux plus élevés, des versements records aux actionnaires et un faible provisionnement pour les créances douteuses.

PIC DE TAUX

Les banques de détail, qui tirent l'essentiel de leurs revenus de la différence entre les intérêts exigés sur les prêts et les intérêts versés sur les dépôts, sont celles qui ont le plus bénéficié de la hausse des taux, mais les banques plus diversifiées, comme Deutsche Bank et BNP Paribas, en ont également profité.

Pour autant, des signaux inquiétants se font jour: la semaine dernière, le revenu net d'intérêts (RNI) de la banque espagnole Bankinter a été légèrement inférieur à celui de son quatrième trimestre, faisant chuter son action et celles des autres banques.

Les analystes de JP Morgan préviennent que la baisse des taux entraînera un "cycle de baisses de perspectives" dans le secteur. Après un bond estimé à 22% des RNI en 2023, la banque s'attend à ce que les prêteurs européens affichent une croissance limitée des RNI cette année et des bénéfices stables.

Selon le consensus, UniCredit devrait prévoir une baisse de 4% de son RNI pour 2024, écrivent les analystes de Jefferies qui s'attendent néanmoins à ce que la banque dépasse les attentes. UniCredit dispose de 10 milliards d'euros de capital excédentaire à utiliser.

De même, les analystes suivront de près les résultats de BNP Paribas. La banque doit également décider la manière d'employer l'excédent de capital qu'il lui reste après la vente de Bank of the West.

PAS SI MAL

Tous les analystes ne jugent pas la baisse des marges si préoccupante.

Le taux moyen des prêts interbancaires en zone euro en 2024 devrait être plus élevé qu'en 2023 et les RNI ne seront qu'en "légère baisse", selon Sebastiano Pirro, directeur des investissements chez Algebris Investments, exposé au secteur bancaire.

"C'est un point d'inflexion pour les banques européennes" après dix ans de taux directeurs négatifs ayant pesé sur la rentabilité bancaire, souligne le responsable.

"Aujourd'hui, les banques gagnent plus d'argent qu'elles ne peuvent en distribuer et les ratios de capital augmentent", ajoute Sebastiano Pirro.

Santander et BBVA devraient faire état d'un bénéfice net et d'un revenu net d'intérêts plus élevés qu'en 2022, grâce à leurs activités en Espagne et en Amérique latine.

La situation de Deutsche Bank est moins encourageante. Les analystes s'attendent à un bénéfice net attribuable aux actionnaires d'environ 700 millions d'euros au quatrième trimestre, contre 1,8 milliard d'euros en 2022. Il s'agirait néanmoins du 14e bénéfice trimestriel consécutif après des années de pertes.

CRÉANCES DOUTEUSES

Les investisseurs seront attentifs à la détérioration de la qualité des prêts liée à la hausse des taux d'intérêt.

L'augmentation des coûts d'emprunt n'a pas encore fait bondir le volume de prêts non performants (NPL), les seules tensions sur le financement se concentrant essentiellement sur l'immobilier commercial allemand et suédois.

Sebastiano Pirro rappelle que les efforts d'assainissement des bilans ont été si importants dans le sud de l'Europe, et la demande de nouveaux prêts si faible, que les volumes de NPL resteront faibles.

Le ralentissement de l'économie européenne va néanmoins faire baisser la demande de prêts, encourageant les cadres dirigeants à la prudence.

Manfred Knof, président du directoire de Commerzbank , a déclaré à Reuters la semaine dernière qu'il s'attendait à une nouvelle année de stagnation des demandes de prêts.

Il n'y a pas de signe d'une vague de défaillances, mais "les entreprises sont réticentes à investir. Le retard d'investissement dans l'économie allemande s'accroît chaque jour", a expliqué le dirigeant.

BANQUE D'INVESTISSEMENT

Les cinq grandes banques de Wall Street ont affiché au quatrième trimestre des baisses de 20% et 17% de leurs revenus liés aux activités de trading et de banque d'investissement, respectivement.

Les analystes seront attentifs aux chiffres de Deutsche Bank, BNP Paribas et UBS, qui disposent d'importantes capacités de banque d'investissement.

Les analystes de Barclays estiment que les chiffres du quatrième trimestre en Europe seront comparables à ceux du troisième trimestre, les activités de gestion de patrimoine demeurant stables et les revenus des marchés de capitaux augmentant légèrement, tandis que les honoraires de conseil baisseraient.

RUMEURS DE FUSIONS

Le serpent de mer de la consolidation des banques européennes a resurgi ce mois-ci.

Les dirigeants de Deutsche Bank et Commerzbank ont écarté toute possibilité de rapprochement en Allemagne. En Italie, le patron d'UniCredit, Andrea Orcel, a rejeté les spéculations concernant le rachat d'un rival plus petit.

Les banques disposent pour autant d'un volume de liquidités jamais atteint depuis des années et les dirigeants pourraient souligner que des fusions-acquisitions, au bon prix et au bon moment demeurent possibles.

(Reportage Tom Sims, Jesus Aguado, Valentina Za et Matthieu Rosemain, avec Klaus Lauer et Sinead Cruise, version française Corentin Chappron, édité par Kate Entringer)