Et si vous pouviez épargner les tout petits centimes perdus quotidiennement ? C'est ce que l'on appelle l'épargne indolore et Bitstack propose ce service en bitcoins. La société a tout récemment réalisé une levée de fonds de 1 millions d’euros, en ayant pour objectif d’apporter au grand public un service d’épargne en bitcoin. Fondée par Alexandre Roubaud et Kabir Sethi, la société propose aux utilisateurs une application, pour l’instant accessible en version bêta, permettant d’arrondir automatiquement à l’euro supérieur l’ensemble des dépenses, c’est-à-dire les prélèvements et les transactions par carte bancaire, et de convertir le différentiel en bitcoin. Cofondateur et CEO de Bitstack, Alexandre Roubaud s’est confié à Zonebourse et dévoile ses ambitions concernant son application.

Bitstack, c’est avant tout des rencontres

« Je suis cofondateur de Bitstack et nous sommes deux associés sur le projet : le CTO Kabir et moi-même, CEO. Nous nous connaissons tous les deux depuis plusieurs années lorsque nous réalisions nos études à l’Université de McGill à Montréal. Moi, j'ai étudié en école de commerce et lui a étudié en école d’ingénieur. On travaillait tous les deux sur le Bitcoin déjà depuis 2016. Pendant nos années universitaires, je travaillais sur un projet axé sur le bitcoin qui a été accéléré par l'incubateur de l'université et lui avait cofondé l'association Blockchain à McGill. Nous nous sommes rencontrés à ce moment-là. On a tous les deux fini nos études et on a fait carrière chacun de notre côté dans un premier temps, avant de se retrouver un peu plus tard. »

Une première expérience dans l’épargne indolore

« J’ai rejoint une filiale canadienne qui s'appelle Moka pour diriger le développement des produits de la société. C’était ma première expérience pour développer une proposition de valeur autour de l'épargne indolore par arrondi. Il s’agissait d'arrondi investi sur le marché des actions et des obligations, donc des portefeuilles diversifiés. Et le succès a été au rendez-vous. On les a accompagnés pendant presque plus de deux ans et la boîte a été rachetée fin 2020 par une grosse banque canadienne. Après le rachat de cette boite, j'ai décidé de lancer Bitstack parce que finalement je voulais continuer cette mission qui me paraissait importante, qui était celle d'aider les jeunes et les moins jeunes à épargner, mais en gardant cette casquette Bitcoin. Pourquoi Bitcoin ? Puisqu’il y avait une proposition de valeur qu’on avait pu identifier, étudier et comprendre depuis 2016 avec Kabir : une fois qu'on épargne, qu’est-ce qu'on fait de son épargne, comment on la protège, comment on la valorise. Et la proposition de valeur unique du Bitcoin, c'est sa structure, les 21 millions de bitcoins, sa rareté ultime. Nous voulions combiner bitcoin, l'actif le plus performant sur les 10 dernières années, avec une épargne indolore. Bitstack est née comme ça. »

Pourquoi se concentrer uniquement sur le bitcoin ?

« Nous avons fait le choix de se concentrer sur Bitcoin pour deux raisons. La première, c'est qu’aujourd’hui, sur une cible de « crypto curieux » il faut proposer une réelle proposition de valeur. C'est une cible de personnes qui a entendu parler des cryptos depuis un petit moment et qui n'a jamais fait le premier pas. C'est un peu ces fameux 37 % de l’étude de l’ADAN et de KPMG. Et par rapport à cette cible là, ce qui est hyper important pour nous, ce qu'on a compris en leur parlant, c’est qu'il fallait créer une proposition de valeur qui est la plus claire et la plus simple possible si on veut les emborder sur cette classe d’actif. Donc par rapport à ça, il fallait parler du bitcoin, puisque c'est ce qu'ils veulent détenir en réalité. C'est ce dont ils ont entendu parler et c'est ce qu'ils comprennent le mieux. Parce que c'est beaucoup plus concret que le mot crypto ».

Et la deuxième raison, c'est que chez Bitstack, nous avons une conviction assez forte sur les caractéristiques uniques du bitcoin, qui, dans un sujet de l’épargne, nous donne confiance, notamment que le réseau soit réellement distribué, qu’il y’est une quantité et une politique monétaire prédéfinie fixe. C'est une solution pertinente pour une solution d’épargne versus d'autres cryptomonnaies qui peuvent être plus spéculatives. »

N.B. : Rappelons de tout de même que pour la majorité des utilisateurs, bitcoin reste un outil spéculatif. Un actif ultra performant sur ces dernières années qui a connu des hausses stratosphériques de plusieurs milliers de pourcents mais aussi des chutes vertigineuses de plus de 80%. Le Bitcoin détient une proposition de valeur unique, mais ne nous leurrons pas, à l’heure actuelle, l’énorme majorité des détenteurs de bitcoins en détiennent dans l’espoir de voir leur pactole numérique se décupler. La possession de bitcoins par les utilisateurs, uniquement pour ses caractéristiques fondamentales, sont détenus par une infime partie des bitcoiners, du moins à l’heure actuelle. Bitstack pourrait-être un outil de la démocratisation du Bitcoin dans le sens où je suis intimement convaincu que l’on s’intéresse plus aux fondamentaux de l’actif en question une fois que l’on en détient, même avec une somme non significative.

Bitstack, l’application mobile

« Comment ça fonctionne donc. C’est ultra simple, il faut la télécharger dans l'App Store, créer un compte, vérifier son identité et ensuite saisir son compte bancaire. Une fois qu'on lie son compte bancaire à l'application, Bitstack s'occupe réellement et complètement du reste, c'est-à-dire de chaque dépense qui va être réalisée par carte bancaire et qui est associée au compte. Si je connecte un compte LCL et que je dépense avec ma carte, un prélèvement, une facture, toutes les transactions qui sont associées au compte bancaire vont être arrondies à l'euro supérieur. Moi je prends toujours l'exemple du café acheté à 2,60€ qui sont arrondis à 3 €. On a les 0,40 €, la petite monnaie de différence, qui sont épargnés en bitcoins. Et comment fonctionne Bitstack ? C'est que vous allez voir votre cagnotte d'arrondis qui s'accumule. Comme si l’on mettait ces arrondis dans cette cagnotte à la fin de la semaine. Bitstack va prélever le total des arrondis de la semaine pour les convertir en bitcoins. Le prélèvement intervient une fois par semaine via un événement de débit sur le compte et les arrondis tombent dans l’app en équivalent bitcoins. »

Le stockage des bitcoins sur l’application

« Nous sommes enregistrés en tant que PSAN (Prestataires de services sur actifs numériques) auprès de l’AMF. Cet enregistrement est indispensable pour deux raisons. La première concerne la conversion des devises ayant un cours légal en bitcoins, c’est toute la partie achat/vente de l'entreprise. La deuxième raison pour laquelle il est nécessaire d’avoir le statut PSAN est pour la conservation d'actifs pour compte de tiers. Aujourd'hui, avec ce statut, nous sommes en mesure de pouvoir s'occuper de ces deux activités. C’est une contrepartie que nous gérons. Les bitcoins sont conservés par Bitstack et aujourd'hui, nous avons développé une infrastructure qui permet de sécuriser les fonds, notamment en faisant deux choses. La première, c'est en s'assurant qu’il n’y est jamais une clé privée accessible sur un seul appareil. C'est-à-dire qu'en fait, on va agréger et disperser des morceaux de clés à différents endroits pour qu’il n’y est jamais personne qui ait une clé en entièreté. Et deuxièmement, on a mis en place des politiques d'approbation de transaction, c'est-à-dire que personne ne peut faire seul une transaction de plus de 10 000 euros.

Je prends un exemple pour illustrer ce point, il ne sera pas possible de faire une transaction de plus de 10 000 € sans que trois personnes de la société donnent leur accord. C'est pour éviter les cas de collusion interne qui ne sont malheureusement souvent pas très bien compris. Les cas les plus courants sont des personnes qui partent avec les sous de leurs clients en interne comme on a pu le voir à l'étranger. C’est les deux plus grosses mesures qu’on a mis en place. Par contre, ce qui est hyper important pour nous, c'était de laisser la possibilité à nos utilisateurs, conformément aux valeurs du Bitcoin et de ce que nous aussi on a en interne, de pouvoir sécuriser eux même leurs bitcoins et de les retirer sur une adresse externe. L’utilisateur peut envoyer ses bitcoins sur sa clé Ledger, agir sur son wallet, sur son mobile, peu importe. Il est donc tout à fait possible de faire une vente d'une partie ou de la totalité de son épargne, de convertir les bitcoins en euros, et de les renvoyer sur le compte bancaire via l'application. »

Les clés privées des utilisateurs sont stockées chez Bitstack (comme pour Binance ou Coinbase)

« Nous avons un parti pris qui est souvent challengé parce que c'est vrai que l'idéal, dans un monde parfait, c’est que tout le monde détienne sa propre clé privée. Même moi, je suis le premier à le faire pour moi-même et à dire aux autres de le faire. On s'est posé la question un peu différemment chez Bitstack. On s’est dit que si demain on veut emborder 1 million de personnes et s’adresser aux 65 millions de Français à avoir du bitcoin, est-ce que c'est en leur disant « va acheter des ledgers, fais ci, fais ça et tu es sécurisé pour le restant de ta vie » que ça va marcher ? Je ne pense pas comme ça, mais on est ouvert sur le sujet parce qu'évidemment on aimerait tendre vers ça. Du coup, nous avons fait un pari qui est un peu différent. C’est-à-dire que la priorité c'est que les gens commencent à protéger leur épargne et à la valoriser en détenant du bitcoin. C'est la première étape et je pense que beaucoup d’entre nous ont fait la même chose. On a tous d'abord détenu des bitcoins sur une plateforme d'échange puis nous nous sommes intéressés aux valeurs du Bitcoin etc. Chez Bitstack nous sommes partis d’un raisonnement simple : comment on expose un maximum de personnes au Bitcoin ? Il faut leur créer une solution qui est la plus simple possible. Et après, dans le produit, on vient intégrer des choses plus subtiles comme potentiellement de pouvoir retirer automatiquement ses bitcoins vers une adresse externe ou encore générer des clés. Il y a plein de possibilités, mais l'on part du principe qu'on est sur la cible « novice ». On est obligé de partir sur une solution la plus simple et la plus intuitive possible. »

Le nerf de la guerre : les coûts pour l’utilisateur

« Alors la petite particularité, dont nous sommes assez fiers, c'est que durant toute la période de la bêta nous ne facturons aucun frais et à tous les niveaux. Nous facturons 0% de frais sur tous les ordres d'achat, sur tous les ordres de vente et il y a aucun frais de retrait également. Nous subventionnons les frais de réseau, autrement dit, les frais d’utilisation de la blockchain. A la sortie officielle de l'application, qui interviendra cet été, là, l'utilisateur sera facturé 1.99 % sur tous les ordres d'achat et de vente. Donc si nous réalisons un achat de 100€ de bitcoin, on paye 1,99€ à l'achat. Pour les frais de retrait on va facturer les frais de réseau de Bitcoin ou du moins s’y rapprocher le plus possible. »

Frais de transaction sur Bitcoin (entre 1 et 5 dollars)
Source : Blockchain.com

Les trois formes d’achat chez Bitstack

« En premier : L'arrondi. C'est effectivement le moment où l’utilisateur voit ses 0,40 € s’accumuler dans une cagnotte virtuelle au sein de l’application. Pour le moment l’utilisateur n'est pas encore débité. Il voit juste ses arrondis s’accumuler et à la fin de la semaine, Bitstack effectue le prélèvement des arrondis, réalise la conversion des arrondis en bitcoins et c'est à ce moment-là que l’on prélève les frais de 1,99%. Pour rappel, nous ne faisons pas de gestion d'investissement avec les bitcoins des utilisateurs.

N.B. Avec cette formule à « l’arrondi », Bitstack fait allusion à une stratégie d’investissement bien connue : le « Dollar-Cost Averaging » (DCA). Une méthode qui consiste à investir sur le long terme en effectuant des transactions régulièrement afin de lisser le risque lié à la volatilité de l’actif sous-jacent. Ici le bitcoin. On voit bien des traits de caractères communs entre le DCA et l’arrondi de Bistack, autrement dit, de faire des transactions régulièrement sans se soucier de la volatilité de la devise numérique. 

«  Pour la deuxième forme d’achat, le récurrent classique, c'est la même chose. L’utilisateur peut dire : moi je vais acheter 10€ chaque semaine ou 50 € tous les mois, c’est-à-dire choisir la fréquence et le montant. Nous, nous prélevons les sous qui sont déposés, on convertit en bitcoins et nous facturons 1,99% de frais sur le montant déposé.

Et pour la troisième, l'achat ponctuel par carte, c’est le même principe. Nous pouvons ajouter une carte bancaire sur l'application et faire des achats instantanés de bitcoin. C’est-à-dire acheter 100 euros de BTC oneshot et là aussi on facture 1,99%. »

L’adoption de la version bêta est-elle au rendez-vous ?

« Oui, on est super content puisqu’on a lancé officiellement l'accès à la bêta à la mi-mars, et là, mi-mai, et on a déjà ouvert plus de 4000 comptes. Ça va assez vite, nous avons réalisé 2.6 bitcoins d’épargne qui ont été générés par les utilisateurs. Ce compteur est d’ailleurs public sur notre site, il y en a un count en temps réel, qui affiche tous les satoshis (unité de compte de bitcoin). Pour la petite anecdote, on avait mis peut-être un mois pour faire le premier bitcoin, dix jours pour faire le deuxième, et là en trois jours le troisième. »

N.B. A noter que Bitstack vise 10.000 utilisateurs et 3 millions d’euros épargnés en bitcoins d’ici la fin de l’année. Au cours actuel, la société devrait accumuler 100 bitcoins auprès de ses utilisateurs. Mais avec la volatilité du cours de la crypto-devise ce nombre de 100 bitcoins peut fortement varier à la hausse (si bitcoin chute) ou à la baisse (si bitcoin prend de la valeur).

Qui sont les utilisateurs actuels de l’app ?

« Le dénominateur commun entre tous nos utilisateurs, et c'est ça qui nous anime réellement, c’est qu’on a des utilisateurs qui achètent du bitcoin pour la première fois. Ça, c'est vraiment notre mission. Nous avions identifié une cible qui était pertinente d’après nous, c’est-à-dire les 18-35 ans, les jeunes pro qui veulent un peu épargner. Mais finalement, nous nous sommes rendu compte que peu importe l'âge, peu importe le milieu social, peu importe la profession, les utilisateurs viennent de tous les horizons. On a des militaires par exemple, on a beaucoup de personnes du service public, on a des cadres, des jeunes pro, des étudiants et on a aussi un petit peu de personnes sans emploi. En fait, puisque Bitcoin parle aujourd'hui à un grand nombre de personnes, Bitstack parle à un grand nombre de personnes. C’est plus ce dénominateur commun qui nous intéresse, c’est que des gens fassent le pas vers Bitcoin pour la première fois. »

Dans quels pays l’application est-elle disponible ?

« Alors elle est principalement destinée aux Français puisqu'il y a des enjeux réglementaires, bien que notre ambition soit de rendre l'app disponible à un maximum de personnes possible. Donc aujourd'hui, Bitstack est à destination des Français. En revanche, on est en mesure de quand même, conformément à la réglementation, de rentrer en relation avec d'autres cibles qui sont principalement, pour nous, les résidents des pays de l'Union européenne. Mais nous on ne peut pas les démarcher, les marchés viennent à nous parce qu'ils sont intéressés par Bitstack, c’est le cas notamment de la Belgique, de l'Espagne, du Portugal et de l'Italie. Ce qui est intéressant de noter, c'est que la France a le cadre réglementaire le plus rigoureux de toute l'Europe et du coup, on s'assure quand même en ayant le statut PSAN aujourd'hui, d’avoir un cadre réglementaire hyper strict, hyper rigoureux, qui va être le plus sécurisant possible pour tout le monde. »

Finalement, Bitstack s’inscrit dans cet univers de néo-banques qui est complétement alimenté par des produits et services qui sont nativement crypto. Les services de la société ont pour ambition de surfer sur la démocratisation des cryptomonnaies en France. Rappelons que dans la récente étude menée par l’ADAN, 8% des français détiennent des cryptomonnaies et 30% des Français envisagent d’investir dans l’année (l’étude a été réalisée avant la baisse de ces dernières semaines). Bitstack pourrait bien profiter de cette tendance en permettant aux utilisateurs d’investir progressivement au quotidien avec l’épargne à l’arrondi.