-3% pour le Stoxx Europe 600. -3% pour le Nasdaq 100. -4,5% pour le Nikkei 225. -4,5% pour le pétrole. -10% pour le rendement de l'obligation à 10 ans US. -15% pour le bitcoin… La semaine charnière entre juillet et août 2024 est repeinte en rouge vif pour de nombreux actifs financiers et les investisseurs ont l'air de sombrer dans la dépression nerveuse, pour faire référence au titre. Que s'est-il passé ?

L'alchimie qui compose les tendances de fond du marché a souvent l'air d'avoir été décidée par Merlin dans Kaamelott : personne n'y comprend rien et à la fin, il se passe autre chose que ce qui était prévu. A la différence près qu'en général, les investisseurs ont toutes les cartes en mains pour se faire une opinion, dans le sens où ils connaissent les risques et les opportunités d'un cycle. Mais la hiérarchie et l'interaction entre ces éléments est complexe, ce qui fait de l'investissement une science inexacte.

Depuis grosso modo un mois, en tout cas en ce qui concerne le marché-locomotive des autres, les Etats-Unis, plusieurs forces sont à l'œuvre pour prendre le leadership de tendance. Ça a provoqué des remous et fait grimper la volatilité, c’est-à-dire la nervosité. La preuve ? L'indice VIX, qui mesure justement cette volatilité, vient de nous claquer un plus haut depuis mars 2023. Il est monté en flèche depuis la mi-juillet pour s'établir autour de 23 points. Ça a l'air de rien comme ça, mais c'est assez élevé par rapport à la moyenne.

Le marché est passé de façon assez brutale, et pour tout dire un peu étrange, d'une théorie dominante faite d'économie résistante, de force de traction de l'innovation liée à l'intelligence artificielle et de baisse des taux à une théorie dominante faite surtout de : l'économie américaine va entrer en récession, c'est affreux, vendez tout et achetez des obligations ultrasécurisées ou du Orange.

Comme souvent, les scénarios extrêmes prennent beaucoup de place quand les émotions commencent à dicter la tendance. Conclure à partir d'une statistique sur l'emploi et de données de consommation sur un mois que l'activité aux Etats-Unis va s'effondrer est à peu près aussi idiot que de passer en six mois d'un pronostic de 7 baisses de taux de la Fed en 2024 à aucune, puis à 1, à 2 ou à 4. Oui, parce que le marché vise désormais quatre baisses de taux cette année outre-Atlantique, dont la première de 50 points de base au mois de septembre. Il y a dix jours, quand personne n'avait plus prononcé le gros mot de récession depuis au moins six mois, une seule baisse de taux avait déjà l'air de satisfaire tout le monde. L'investisseur est décidément versatile. D'ailleurs, des gens relativement compétents mais muets jusqu'ici tirent maintenant à boulets rouges sur la banque centrale américaine, qui aurait dû réduire ses taux dès juillet. Même Elon Musk a dit que la Fed était vilaine. Autant vous dire que les meilleurs spécialistes de la politique monétaire sont sur le coup.

J'ai beaucoup insisté sur les Etats-Unis, mais cet extrémisme est aussi visible sur le pari préféré des financiers pour compléter leurs détention de géants technologiques : acheter tout plein d'actions et d'indices japonais. En trois semaines, le Nikkei 225 et le TOPIX (qui est un indice plus large) ont perdu 20% ! Ce matin, le Nikkei 225 plonge de 8,5%, ce qui est assez terrifiant pour un marché relativement stable d'habitude. La Bourse de Tokyo est prise dans une tempête parfaite : une vague générale de prises de bénéfices doublée d'un changement de paradigme spécifique à l'Archipel. En effet, la Banque du Japon agit à contrecourant des autres banques centrales en resserrant sur le tard une politique monétaire ultra-laxiste, ce qui crée une onde de choc sur les flux obligataires mondiaux via le carry trade (emprunter dans des monnaies à faible taux pour investir ailleurs) et plombe les perspectives des entreprises japonaises (très exportatrices et qui sont donc pénalisées par une remontée du yen).

Ça swingue aussi sur les cryptomonnaies, ce qui ne doit pas faire les affaires de Donald Trump, qui les trouvait vraiment MAGA dernièrement. Sur le pétrole, qui fait ouvertement la tronche à cause des néo-craintes récessionnistes, en dépit des craintes d'embrasement au Proche-Orient.

Donc pour résumer, encore pas mal d'éléments négatifs ce matin : toile de fond sans doute excessive mais puissante de crainte sur l'arrivée d'une récession aux Etats-Unis, renforcée par la déconfiture japonaise et quelques banderilles annexes, comme Nvidia dont les nouvelles puces IA seraient en retard (le scénario conte de fées de l'IA ne tolère pas les rebondissements) ou Berkshire Hathaway qui a bazardé un paquet de ses actions Apple ces dernières semaines (mauvais pour la confiance dans la tech).

A ce propos, la cession a fait gonfler le trésor de guerre de la société de Warren Buffett à 277 Mds$. Je rappelle que Berkshire avait lancé son pari dans la marque à la pomme en 2016, quand l'action valait dix fois moins. Avec 277 Mds$, le papy le plus célèbre de la finance pourrait :

  • Couvrir un peu moins de deux ans de déficit public français (ou éponger 8,7% de la dette du pays).
  • Racheter 88% du capital de LVMH.
  • S'offrir 692 Airbus A350-1000, sans négocier les prix.
  • Acheter 5,1 millions de bitcoins (en tenant compte du décrochage de la veille).
  • M'adopter.

Quelques infos additionnelles plus sérieuses pour démarrer la semaine :

  • La Chine a dévoilé samedi 20 mesures pour stimuler les dépenses de consommation et relancer son économie par l'intérieur. Un catalogue allant des magasins sans salariés à l'eSport en passant par les services à domicile et la restauration. L'indicateur PMI Caixin des services du mois de juillet, publié cette nuit, a dépassé les attentes et se maintient en zone d'expansion. C'est déjà ça.
  • Aux Etats-Unis, les républicains ont du mal à adapter leur stratégie au remplacement de Joe Biden par Kamala Harris pour la présidentielle.
  • Les pays occidentaux recommandent à leurs ressortissants de quitter certains pays comme l'Iran ou le Liban, par craintes des conséquences des représailles contre Israël après l'élimination de dirigeants du Hamas et du Hezbollah par l'Etat Hébreu.
  • La tempête Debby se renforce en ouragan à l'approche de la Floride.
  • Au Royaume-Uni, les autorités sont confrontées aux pires émeutes depuis plus de 10 ans.
  • Point agenda : avec les craintes ascendantes sur la dynamique économique des Etats-Unis, l'indice ISM des services de juillet, qui sera publié lundi, prend davantage d'importance. La cadence des publications d'entreprises ralentit cette semaine, mais il reste un stock conséquent d'annonces importantes. Parmi elles, Novo Nordisk, Infineon, Siemens, Deutsche Telekom et Allianz en Europe et Caterpillar, Amgen, Uber, Costco, Walt Disney et Eli Lilly aux Etats-Unis.

En Asie Pacifique ce matin, c'est beurk. Le Nikkei 225 termine à -10,6% (!!!). La Chine baisse mais de façon bien plus mesurée (-1,5% à Hong Kong), tandis que l'Inde est à -2,5%. La Corée du Sud et Taiwan, lestées en valeurs technologiques, se font étriller (-8%). L'Australie chute de 3,6%. Les indicateurs avancés européens sont rouge vif.

Le CAC40 perd 2,3% à 7084 points peu après l'ouverture. Le SMI cède 2,9% à 11 536 points et le Bel20 3,3% à 3882 points.

Les temps forts économiques du jour

Les indices PMI des services des grandes économies sont attendues tout au long de la journée, accompagnés de l'indice ISM des services aux Etats-Unis (16h00). Tout l'agenda ici.

Les principaux changements de recommandations

  • Amadeus : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat et réduit l'objectif de cours de 78 à 77 EUR.
  • Axa : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 39,10 à 39,40 EUR. HSBC maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours relevé de 34,80 à 36 EUR.
  • BNP Paribas : JP Morgan maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 75 à 78 EUR.
  • Crédit Agricole : Barclays maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours relevé de 16,40 à 16,90 EUR. Goldman Sachs maintient sa recommandation de vente et relève l'objectif de cours de 14,30 à 15,30 EUR. RBC Capital maintient sa recommandation de performance sectorielle et relève l'objectif de cours de 15,50 à 16 EUR.
  • Enersense : Inderes améliore son conseil d'alléger à accumuler avec un objectif de cours relevé de 3,10 EUR à 3,40 EUR.
  • Galapagos : Raymond James dégrade sa recommandation de surperformance à performance de marché.
  • Greggs Plc : HSBC dégrade d'acheter à conserver avec un objectif de cours de 3350 GBX.
  • L'Oréal : Redburn Atlantic maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 430 à 410 EUR.
  • Legrand : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 110 à 112 EUR.
  • Lloyds Banking Group Plc : Citi passe d'acheter à neutre avec un objectif de cours réduit de 68 à 60 GBP.
  • LVMH : Stifel maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 925 à 800 EUR.
  • Pennon Group Plc : Barclays dégrade de surpondérer à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 9,55 à 685 GBX.
  • Sartorius Stedim Biotech : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 267 à 217 EUR.
  • Schneider Electric: Morgan Stanley maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 234 à 224 EUR.
  • Ses S.A. : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance et réduit l'objectif de cours de 6,70 à 6,10 EUR.
  • Severn Trent : Barclays dégrade de surpondérer à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 3320 à 2500 GBX.
  • Valeo : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours réduit de 13,50 à 11,50 EUR.
  • VAT Group : Barclays améliore sa recommandation de souspondérer à pondération de marché avec un objectif de cours relevé de 343 CHF à 399 CHF.
  • Veolia Environnement : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat et réduit l'objectif de cours de 37,30 à 36,20 EUR.
  • Worldline : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 18 à 16 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes… Je précise que les informations sont données à chaud avant l'ouverture et ne préjugent pas de la couleur des actions pendant la séance)

  • L'Oréal revient au capital de Galderma à hauteur de 10%.
  • Société Générale vend ses unités de banque privée au Royaume-Uni et en Suisse pour environ 1 milliard de dollars à l'UBP.
  • L'Inde prévoit des restrictions publicitaires plus sévères pour les fabricants de boissons alcoolisées comme Pernod Ricard, Carlsberg ou Diageo.
  • Vinci décroche un contrat sur le projet SuedOstLink en Allemagne.
  • Aramis lance son programme de rachat d'actions.
  • Les principales publications du jour : Maurel, EquasensLe reste ici.

Dans le vaste monde

Annonces importantes (et moins importantes)                                                                                                                                                                                

D'Europe

  • Infineon revoit à la baisse ses prévisions de recettes après que les résultats du troisième trimestre ont été inférieurs aux prévisions.
  • PostNL ne répond pas aux attentes en matière de volume de colis en raison d'effets de mixage défavorables.
  • Les résultats d'Aurubis au troisième trimestre sont inférieurs aux attentes, en raison de la baisse des recettes du recyclage.
  • Selon le Financial Times, Jason Windsor, directeur financier d'Abrdn, remplacera Stephen Bird au poste de directeur général.
  • Les principales publications du jour : Infineon

Des Amériques

D'Asie Pacifique et d'ailleurs

Le reste de l'agenda mondial des publications ici.

Lectures