Le cycle qui a émergé après la pandémie est façonné par un ensemble différent de conditions macroéconomiques et de priorités. Ce cycle est susceptible d'être plus inflationniste, avec des taux d'intérêt plus élevés sur le long terme (même si ces derniers reviennent progressivement à des niveaux plus raisonnables), une régionalisation accrue, des coûts de main-d'œuvre et de matières premières plus élevés, et des gouvernements plus grands et plus actifs. Ce nouveau cycle a également un impact sur les dépenses en investissement et c'est là l'objet de cet article.
Attardons nous un peu sur les Capex
Les Capex, appelées dépenses d'investissement (de l'anglais capital expenditure) se réfèrent aux immobilisations, c'est-à-dire aux dépenses stratégiques qui ont une valeur positive sur le long terme en renforçant la croissance future de l'entreprise. Ces actifs peuvent inclure des équipements, des bâtiments, des véhicules ou des investissements technologiques.
Impact de ce nouveau cycle sur les dépenses en capital
Historiquement, les entreprises peu capitalistiques (ayant peu de Capex par rapport à leurs revenus) ont généré de meilleures performances. Cela concerne les secteurs des équipements technologiques, médicaux, pharmaceutiques, des biens de consommation, des boissons, de la nourriture, du tabac et des services informatiques. À l'inverse, les secteurs fortement capitalistiques incluent l'automobile, l'industrie minière et métallurgique, les télécoms, la production de pétrole et de gaz, et les services aux collectivités. Les industries "légères" ont surperformé depuis les années 90, et cet écart s'est accentué depuis la crise financière de 2008.
Source : Goldman Sachs
Les dépenses d'exploitation des entreprises ont augmenté dans de nombreux cas mais cela n'a pas exercé de pression à la baisse sur les marges dans l'ensemble, car cela a été compensé par des coûts moins élevés dans d'autres domaines.
Bien entendu, les dépenses consacrées aux solutions technologiques devraient rester très élevées et l'incitation pourrait être encore plus forte dans les domaines liés à l'efficacité énergétique, la substitution de la main-d'œuvre et à l'intelligence artificielle. Par exemple, les 7 magnifiques ont dépensé 160 milliards de dollars en 2023 pour consolider leur position concurrentielle et investir dans l'intelligence artificielle. Les dépenses d'investissement ont déjà fortement augmenté mais cette augmentation devrait perdurer encore quelques années. Les investissements les plus importants concernent les centres de données, les semi-conducteurs, les compagnies aériennes, l'industrie pétrolière et gazière et la technologie. En outre, les changements dans le bouquet énergétique qui seront nécessaires pour réaliser les ambitions de décarbonisation d'ici 2050 seront très gourmands en capitaux. Les dépenses en capital pour l'énergie primaire ont chuté de 35% au cours de la dernière décennie, et elles pourraient augmenter pour atteindre 1,4 milliard de dollars en 2025 (contre 0,9 milliard de dollars en 2021) d'après des analystes de Goldman Sachs.
L'augmentation des dépenses en capital (Capex) est donc une des principales caractéristiques de ce nouveau cycle. Depuis le début des années 2000, la part des dépenses en capital par rapport aux ventes a diminué en raison d'une faible croissance nominale du PIB. Cependant, les demandes de simplification des chaînes d'approvisionnement pour des raisons de sécurité et de durabilité environnementale, ainsi que l'augmentation des dépenses en défense et en décarbonisation, devraient pousser les dépenses en capital à la hausse.
Récapitulons les facteurs qui augmentent les Capex
- La pandémie et la guerre en Ukraine ont révélé la fragilité des chaînes d'approvisionnement mondiales. De nombreuses entreprises envisagent désormais de relocaliser leur production pour améliorer la résilience des chaînes d'approvisionnement. Cela entraînera une augmentation des dépenses en capital pour construire des infrastructures locales.
- Les engagements en matière de décarbonisation et la recherche de sécurité énergétique, en particulier en Europe, nécessiteront des investissements massifs dans les énergies renouvelables et les technologies de stockage d'énergie. Nos analystes estiment que les dépenses en capital dans le secteur de l'énergie devraient croître de 60% d'ici 2025.
- La rareté de la main-d'œuvre et les coûts élevés inciteront les entreprises à investir dans des technologies qui améliorent l'efficacité et réduisent la dépendance à la main-d'œuvre. Cela inclut l'intelligence artificielle, la robotique et l'apprentissage automatique.
- Les tensions géopolitiques croissantes et la guerre en Ukraine ont conduit de nombreux gouvernements à augmenter leurs dépenses de défense. Par exemple, l'Allemagne a annoncé un fonds spécial de 100 milliards d'euros pour moderniser ses forces armées.
L'impact pour les investisseurs
Les investisseurs devraient se concentrer sur les entreprises capables d'innover, de perturber, de permettre et de s'adapter, indépendamment de la région ou du secteur. Les entreprises qui peuvent maintenir des marges stables et une croissance des dividendes, et celles qui peuvent améliorer la productivité en trouvant des solutions à la rareté et au coût élevé de l'énergie et de la main-d'œuvre, seront particulièrement attractives.
Parmi les opportunités sectorielles, il y a aujourd'hui un consensus positif sur :
- Les entreprises impliquées dans les solutions d'efficacité énergétique, le stockage de carbone, les centrales nucléaires modulaires et le stockage de batteries. Exemples : Schneider Electric, Eaton, ABB, CATL, LG Energy Solution, Vertiv.
- Les entreprises spécialisées dans la robotique, l'intelligence artificielle et l'apprentissage automatique. Exemples : Microsoft, Alphabet, Nvidia, Tencent, Keyence, Fanuc.
- Les entreprises bénéficiant de l'augmentation des dépenses de défense et des investissements dans les infrastructures. Exemples : RTX Corporation, Saab, Kongsberg Gruppen, Rheinmetall, BAE Systems, Caterpillar, Atlas Copco.
Le nouveau cycle qui s'est ouvert il y a 4 ans maintenant représente un changement significatif par rapport au précédent cycle. Les investisseurs doivent s'adapter à un environnement où l'inflation est plus élevée, les taux d'intérêt augmentent, et les dépenses en capital sont en hausse. Les entreprises doivent investir pour atteindre des objectifs environnementaux, améliorer leur productivité dans un contexte de resserrement du marché du travail, relocaliser une partie de la production de manière plus durable après des décennies de mondialisation. En se concentrant sur les entreprises capables de s'adapter et d'innover, les investisseurs peuvent naviguer avec succès dans ce nouveau cycle économique.