Les marchés actions européens n'ont pas eu à chercher bien loin l'inspiration pour leur séance du 18 mai, fériée dans plusieurs pays mais rarement chômée en bourse. Ils sont allés voir ce qui s'est passé chez l'Oncle Sam la veille pour le répliquer. Wall Street a rugi de plaisir après les annonces convergentes des démocrates et des républicains sur la nécessité de trouver rapidement une issue au problème du plafond de la dette, pour éviter une impasse catastrophique. Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent, mais en l'occurrence, personne ne croit que le Landernau politique américain prendra le risque de jouer avec un défaut de paiement des Etats-Unis, fut-il technique. Donc les trois indices principaux de Wall Street avaient bondi à ces annonces mercredi soir, et l'Europe a suivi jeudi. Le CAC40 français a gagné 0,6%, le DAX allemand 1,3% et le FTSE 100 britannique 0,25%.

Hier soir, Wall Street a prolongé la fête, en particulier le Nasdaq 100 qui a effacé ses pics d'un an en s'adjugeant 1,8% à 13 835 points. Le S&P500 a progressé de 0,9% et le Dow Jones, plus poussif à cause de ses acteurs défensifs, de 0,3%. Le nouveau scénario dominant est une variante du précédent : la question du plafond de la dette américaine se règle à court terme et la Fed en a fini avec son cycle de relèvement des taux. Les investisseurs ne sont pas tous d'accord sur ce dernier point, mais une majorité d'entre eux soutient ce schéma, malgré une remontée du clan des partisans d'une hausse de taux le 14 juin. Grosso modo, un tiers du marché voit une hausse de taux et deux-tiers un statu quo à cette date. Il y a une semaine, la probabilité d'une hausse de taux n'atteignait que 11%. Entre les deux, les statistiques macroéconomiques américaines ont fait preuve de résistance, quelques membres de la Fed ont montré les dents et la crise des banques régionales a eu tendance à s'apaiser. La modification des pronostics est visible dans le parcours du dollar, qui a repassé le cap de 1,08 contre l'euro et dans le rendement de l'obligation US à 10 ans, qui est remonté à 3,63%. Le patron de la Fed, Jerome Powell, va probablement apporter quelques indications additionnelles en fin d'après-midi lorsqu'il s'exprimera lors d'un événement public.

Après vous avoir farci le crâne avec ces commentaires psychologico-économiques, passons à notre paragraphe plus léger du vendredi, consacré cette semaine aux mots galvaudés dans la communication financière. Comme dans d'autres domaines, certains termes sont à la mode en bourse quand il s'agit d'appeler un chat un chien. Il n'y a qu'à regarder les pages principales des sociétés cotées pour s'en rendre compte : elles travaillent toutes à un plus bel avenir pour l'humanité et à la préservation des ressources de la planète. J’avais déjà fait un quizz cette année sur l'escroquerie intellectuelle des phrases d'accroche de certaines entreprises pour décrire leur activité. Mais ce matin, nous allons parler de quelques mots galvaudés utilisés dans les communiqués de presse. J'avais déjà décrypté ici trois annonces de sociétés plutôt amusantes, mais j'attire cette fois votre attention sur cinq mots ou expressions fourre-tout de l'époque :

  • "Stratégique". Ce terme tapisse les communiqués. Par définition, le terme "contrat" n'existe que chez les communicants has been. On lui préfèrera "accord stratégique", plus cossu. Même topo pour le partenariat. Le partenariat est "stratégique". Si ce n'est pas le cas, c'est que c'est vraiment un partenariat de troisième zone. Un partenariat stratégique entretient le mystère sur de grandes choses à venir, même quand c'est un vulgaire contrat.
  • "Nouveau" / "Nouvelle". Là encore, il s'agit de marquer une sorte d'exclusivité. On peut rencontrer une "nouvelle période de croissance", un "nouveau contrat" ou, si vous avez bien suivi, le fin du fin : un nouvel accord stratégique. L'idée est de montrer que la société est blasée à force de signer des contrats, des accords ou quoi que ce soit d'autre. Ça marche aussi avec les titres de communiqués de résultats. Une "nouvelle année de croissance", c'est quand même plus guindé qu'une simple "année de croissance".
  • "Historique". C'est un peu la version du dessus de "stratégique". D'ailleurs, on a parfois des événements qui sont à la fois stratégiques et historiques. Globalement quand il s'agit pour une société de montrer ses muscles, le terme historique est utilisé à toutes les sauces. J'avoue ne pas avoir croisé de "nouvel accord stratégique historique", mais il ne faut pas perdre espoir.
  • "De transition". On quitte les superlatifs pour le vocabulaire de l'atténuation. Si vous croisez "de transition" dans un communiqué, c'est une lumière rouge qui s'allume. On a des "exercices de transition" ou des périodes de transition". Clairement, ça veut dire "on a raté nos objectifs donc ce qu'on a prévu arrivera peut-être, mais plus tard, voire jamais".
  • "Fait le point". Quand une entreprise inclut le terme "fait le point" dans un titre de communiqué, c'est qu'elle a une mauvaise nouvelle à annoncer. Si l'entreprise Bidule a un gros contrat à annoncer, elle dira "Bidule signe un nouvel accord historique avec Machin". En revanche si elle écrit "Bidule fait le point sur son accord avec Machin", attendez-vous à ce que quelque chose cloche.
  • Je passe sur les termes durable, vert et toute la sémantique environnementale, parce qu'une simple chronique ne suffirait pas à dire suffisamment de mal.

Les temps forts du jour sont, outre l'allocution de Powell ce soir, la publication d'une inflation sous-jacente annuelle de 3,4% au Japon en avril, en ligne avec les attentes. Le pays semble sortir du train-train des dernières décennies, comme l'illustre d'ailleurs le parcours des indices boursiers locaux, qui signent actuellement des records alors qu'il avaient échoué jusqu'ici à dépasser les niveaux atteints… lors de la bulle internet. Je ne sais pas si Volodymyr Zelensky gagne des miles quand il parcourt des kilomètres en avion, mais si c'est le cas, il doit pouvoir voyager sans frais jusqu'à la fin de ses jours : le président ukrainien sera présent au G7, au Japon justement, pour plaider la cause de son pays.

Japon toujours, décidément, avec la Bourse de Tokyo qui ne s'arrête plus de monter, avec une septième séance consécutive dans le vert pour le Nikkei 225. Côté Chine, c'est plutôt la déprime avec un CSI300 qui glisse légèrement et un Hang Seng qui perd 1,2%, plombé par ses technologiques, notamment Alibaba après des résultats mal accueillis. L'incapacité de l'économie chinoise à maintenir une dynamique forte malgré le coup d'accélérateur de la fin des restrictions liées au covid fin 2022 inquiète. La Corée du Sud et l'Australie bouclent leur semaine sur des gains solides. Les indicateurs avancés européens laissent entrevoir un début de journée dans le vert pour cette séance dite des trois sorcières, c’est-à-dire l'arrivée à expiration mensuelle des dérivés sur indices et sur actions. Une séance qui peut réserver des surprises parce que les traders doivent trancher sur leurs orientations pour le mois qui suit. Le CAC40 a démarré la journée en hausse de 0,27% à 7467 points.

Les temps forts économiques du jour

C'est l'allocution que doit prononcer Jerome Powell autour de 17h00 qui constitue le point d'orgue de la journée. Tout l'agenda ici.

L'euro continue sa glissade à 1,0767 USD. L'once d'or baisse à 1962 USD. Le pétrole est ferme, avec un Brent de Mer du Nord à 76,39 USD le baril et un brut léger américain WTI à 72,46 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans atteint 3,63%. Le bitcoin se négocie 26 830 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Arkema : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 142 à 111 EUR.
  • Aston Martin : Mediobanca passe de sousperformance à surperformance en visant 360 GBp.
  • ASOS : Citigroup passe de neutre à acheter en visant 600 GBp.
  • Boliden : Berenberg passe d'acheter à conserver en visant 360 SEK.
  • Compagnie Financière Richemont : CFRA reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 145 à 150 CHF.
  • Helvetia : UBS passe d'acheter à neutre en visant 135 CHF.
  • Munich Re : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 365 à 385 EUR.
  • Nagarro : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 174 à 136 EUR.
  • SGL Carbon : Jefferies démarre le suivi à l'achat en visant 10,50 EUR.
  • Siltronic : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 83 à 78 EUR.
  • Sonova : Credit Suisse reste neutre avec un objectif de cours réduit de 260 à 250 CHF.
  • Ubisoft : Citigroup réduit son objectif de cours de 50 à 45 EUR.
  • Yara : Berenberg restes à conserver avec un objectif de cours réduit de 475 à 410 NOK.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Un dirigeant de TotalEnergies estime que la demande pétrochimique à court terme est plus faible que les prévisions antérieures.
  • Swedish Orphan Biovitrum et Sanofi indiquent que l'EMA a accepté et validé sa demande d'homologation de l'efanesoctocog alfa pour le traitement de l'hémophilie A dans tous les groupes d'âge.
  • ESI Group confirme des discussions avec des acheteurs potentiels.
  • Le directeur général de Focus Entertainment démissionne.
  • La société française de logiciels Planisware étudie des options, dont l'introduction en bourse.
  • Elles ont publié / Elles doivent publier : néant.

Dans le monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Alibaba : le titre perd 5% à Hong Kong après des résultats décevants.
  • Applied Materials : le titre perd 1,4% après la publication de ses trimestriels hors séance.
  • Smiths Group : revoit à la hausse ses prévisions de croissance du chiffre d'affaires annuel.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Carl Icahn (Icahn Enterprises) admet une erreur avec son pari baissier à 9 Mds$.
  • Dufry détient 87,1% du capital d'Autogrill.
  • Twitter accuse Microsoft d'utilisation abusive de ses données.
  • En réponse aux attaques de Ron DeSantis, Walt Disney annule la création de 2000 emplois en Floride.
  • L'abonnement de Netflix avec de la pub approche les 5 millions d'utilisateurs.
  • IMCD conclut un accord pour acheter le distributeur de spécialités malaisien Euro Chemo-Pharma.
  • Interpump s'offre Waikato pour 30 M€.
  • Les principales publications du jour : Deere, Smiths GroupTout l'agenda ici.

Lectures