Alstom, côté pile:

  • C'est un "pure player" de la mobilité ferroviaire
  • Qui opère dans un secteur oligopolistique
  • Avec une forte empreinte industrielle en Occident
  • Présent dans l'hydrogène
  • Avec un gros carnet de commandes
  • Rentable
  • Avec un management reconnu

Alstom, côté parcours boursier :

  • Sur 1 an : -49%
  • Sur 3 ans : -45%
  • Sur 5 ans : -19%
  • Sur 10 ans : -32%

Et en graphique :

10 ans d'Alstom

10 ans d'Alstom

Un peu d'histoire

Alstom est l'héritière d'une longue tradition industrielle française. Dans sa version moderne, le groupe a été constitué en 1989 par le rapprochement des certaines activités de General Electric et d'Alcatel. L'entreprise opère alors dans l'énergie et les transports sous le patronyme de GEC Alsthom (contraction d'Alsace et Thomson). Au gré des acquisitions (ABB, Areva Transmission) et des cessions (Marine, T&D), le groupe se structure en quatre entités : Energie (Thermal Power), Renouvelables (Renewables), Réseaux Electriques (Grid) et Transports et perd son "h". En 2014, décision est prise de quitter le secteur de l'énergie, avec une cession des actifs concernés à General Electric, qui se sépare de ses actifs ferroviaires dans la transaction. Après débouclage des coentreprises, Alstom devient un pur acteur des transports et de la signalisation.

La cession des actifs énergie a fait couler beaucoup d'encre, les uns accusant le groupe et la France d'avoir bradé une activité stratégique, les autres estimant que la transaction a été salvatrice et généreusement rémunérée à un moment où la demande en équipements énergétiques s'effondrait. Au final, il y a avait sûrement du vrai et du faux dans chacune des positions, mais le fait est que les Américains ont probablement surpayé la branche énergie d'Alstom, mais qu'elle était stratégique. Notez qu'une partie de ces actifs est revenue sous pavillon français avec le rachat en cours par EDF des turbines vapeur auprès de GE.

Le grand meccano sectoriel autour des actifs énergétiques d'Alstom est très bien illustré par une usine qui se situe à quelques kilomètres des bureaux de Zonebourse. A Aix-les-Bains, l'usine de transformateurs historique de la Savoisienne était sous bannière CGE puis Alsthom depuis 1923, avant de passer chez Areva en 2004, puis Alstom à nouveau en 2010, puis General Electric depuis 2015.

Un marché oligopolistique mais concurrentiel

Après avoir frôlé la faillite et opéré son recentrage sur les transports, Alstom a cherché à se rapprocher de l'un de ses concurrents pour créer un acteur européen de référence. Le projet "d'Airbus du ferroviaire" avec Siemens Mobility était bien avancé, mais l'antitrust européen a enterré le rêve franco-allemand. Alstom s'est alors tourné vers le Canada, en rachetant son rival Bombardier. La transaction est bouclée depuis le début de l'année 2021. Sa logique est évidente, mais l'intégration est plus compliquée et plus coûteuse que prévu. Ces mauvaises nouvelles ont lourdement grevé le titre depuis un an, au point d'entraîner l'action dans une spirale baissière, à contrecourant du marché. Elle a subi un nouveau coup de boutoir début mars à cause de l'exposition de l'entreprise à la Russie, où elle détient 20% du leader russe des locomotives, Transmashholding, dont la valorisation devra probablement être dépréciée.

Les concurrents d'Alstom (Source Société)
Les concurrents d'Alstom (Source Société)

Sur l'échiquier mondial, Alstom occupe la seconde place en matière de chiffre d'affaires, entre le géant chinois CRRC et le prétendant malheureux Siemens Mobility. Ses autres principaux concurrents sont le japonais Hitachi, le suisse Stadler Rail et l'espagnol CAF (Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles), mais leur taille est plus modeste.

Des résultats à restaurer

Le groupe a progressivement stabilisé sa marge opérationnelle dans la zone de 7 à 8%, mais les surcoûts liés à l'acquisition de Bombardier vont lourdement peser sur les résultats de l'exercice en cours (Alstom clôture au 31 mars). La division matériel roulant est gourmande en ressources et ses marges sont modestes. Le groupe a plus de levier sur la branche signalisation et dans les services. Ces dernières années, les investisseurs pensaient tenir en Alstom un dossier relativement défensif et parfaitement calibré pour les enjeux modernes. Sur de bons rails, pour céder après toutes ces lignes à un jeu de mot lamentable. Malheureusement, les périodes de confirmation de ces bonnes dispositions ont été entrecoupées de déceptions notables, qui ont plombé le parcours boursier et lassé les investisseurs. Il faut aussi avouer qu'à force d'être consensuel, le titre a commencé à se payer fort généreusement par rapport à ses performances : il cotait 50 EUR il y a deux ans, contre 21 EUR actuellement.

Une PER version montagnes russes
Une PER version montagnes russes (Source Zonebourse avec S&P Capital IQ)

Actuellement, le dossier se paie 17,2 fois les résultats attendus dans un an, et 10,5 fois ceux prévus dans deux ans. C'est assez faible, mais cela reflète cette perte de confiance et un bilan qui s'est naturellement alourdi avec l'acquisition de Bombardier. La dette est ainsi attendue à 2,7 Mds€ le 31 mars prochain, contre 900 M€ un an plus tôt. Le cash-flow libre ne redeviendra suffisamment conséquent qu'en 2023/2024 pour envisager une réduction de l'endettement. Le ratio de couverture à venir par l'Ebitda reste toutefois correct.

Les notations Surperformance montrent qu'Alstom a dû encaisser des révisions baissières de ses perspectives, avec les surcoûts liés à Bombardier et l'environnement économique moins favorable de ce début d'année. Ceci dit, l'exercice 2021/2022 sera vraisemblablement le creux de la vague et la valorisation va rapidement redevenir attrayante. Mais au vu de la fragilité du lien de confiance entre le marché et le dossier, il va falloir prouver que le redressement est effectif avant de convaincre à nouveau les investisseurs de miser sur cet acteur de la transition énergétique.

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