* Un sanctuaire marin dans la zone

* Eva Joly parle de projet "criminel"

* Des enjeux économiques importants

par Jean-François Rosnoblet

MARSEILLE, 5 avril (Reuters) - Le mouvement écologiste français se mobilise dimanche contre un permis de recherche d'hydrocarbures dans une zone en partie protégée de la Méditerranée dans l'espoir d'inciter le gouvernement à refuser la prolongation des autorisations.

Plusieurs milliers de manifestants sont attendus lors du "Trafalgar des pétroliers", une manifestation organisée dans différents points du Var, notamment à proximité du Fort de Brégançon, l'une des résidences officielles du président.

L'objet de leur courroux est un permis exclusif de recherche d'hydrocarbures accordé en 2002 par le ministère de l'Industrie à la société TGS-Nopec.

Ce dossier de prospection pétrolière a été repris en main par la société britannique Melrose Mediterranean Limited en 2005 pour mener des recherches à une trentaine de kilomètres au large des départements du Var et des Bouches-du-Rhône.

Le renouvellement jusqu'en novembre 2015 du permis est "en cours d'instruction" et l'Etat doit se prononcer avant le 11 avril sur ce permis qui porte sur une zone de 9.375 km2.

"Il serait criminel de le renouveler. C'est l'exemple négatif de la folie des hommes qui, pour extraire les dernières gouttes de gaz et de pétrole, mettent en péril nos ressources communes", a dit Eva Joly, candidate écologiste à la présidentielle.

LE SOCLE DE VIE DE L'HUMANITÉ

S'étendant sur près de 10.000 km2 avec des fonds pouvant dépasser les 2.500 mètres, le permis d'exploration "Rhône-Maritime" couvre une zone adossée à une vingtaine d'aires marines et littorales protégées, dont le sanctuaire marin Pelagos qui recèle une dizaine de mammifères marins classés vulnérables ou en danger, de même que quatre espèces de tortues marines et une quarantaine d'espèces de poissons.

Les risques de pollution et de perturbation de la faune sauvage ont amené les gestionnaires de ces zones protégées à prendre position contre le renouvellement du permis.

C'est le cas pour Jean-Marie Dominici, le conservateur de la réserve naturelle de Scandola qui est située au coeur de la façade maritime du Parc naturel régional de Corse et inscrite depuis 1983 sur les listes du patrimoine mondial de l'Unesco.

"L'exploitation pétrolière risque de mettre en péril toutes les colonies de Méditerranée, tous pays riverains confondus. A ces profondeurs, l'homme ne maîtrise rien. On met en jeu le socle de vie de l'humanité", a-t-il déclaré à Reuters, se disant "inquiet et pessimiste" sur le choix du gouvernement.

"Le contexte est malheureusement défavorable avec la pression énorme des enjeux pétroliers. Au Mexique, la catastrophe se poursuit. Dans la mer du Nord, elle ne dit pas son nom. L'homme s'engage dans des voies sans issues."

UN ENJEU DE TAILLE

L'enjeu économique est de taille. "En cas de réussite, les ressources assurées par le permis Rhône-maritime fourniraient des réserves nationales supplémentaires, qui diminueraient le recours de la France au gaz d'importation, et augmenteraient d'autre part la diversification des sources énergétiques françaises", écrit un responsable de Melrose dans un courrier adressé, en août 2011, au ministre français de l'Ecologie.

Le document précise qu'un grand nombre de puits d'exploration pour les hydrocarbures ont été forés en Méditerranée, notamment entre 1968 et 1985 avec 11 puits offshore dans le Golfe du Lion, sans permettre la découverte "d'hydrocarbures de valeur commerciale".

Le document souligne aussi "qu'aucune utilisation directe ou indirecte de fracturation hydraulique", une technique controversée et polluante, ne sera faite dans le cas d'un nouveau permis.

En cas de renouvellement, c'est la société Noble Energie France qui détiendrait plus de 72% des droits du permis à exploiter aux termes d'une convention de partenariat signée avec Melrose.

Elle prévoit de réaliser une campagne sismique 3D, qui pourrait selon les militants écologistes s'avérer nocive pour les populations animales de ces zones remarquables de Méditerranée, particulièrement pour les cétacés.

Surtout, le nouveau titulaire du permis "entreprendra dès 2013 trois forages tests en offshore ultraprofond (-2.600m) (...) à quelques kilomètres seulement des côtes françaises", accusent dans un communiqué commun des ONG internationales telles Greenpeace et WWF.

Si le gouvernement optait pour la prolongation du permis, les associations contesteraient la décision devant les tribunaux en se fondant notamment sur les irrégularités qui entachent selon elles ce dossier. (Edité par Yves Clarisse)