Difficile de savoir s'il existe encore en Europe des investisseurs qui auraient fondé leur stratégie sur la consolidation bancaire. Mais il est très probable qu'ils ont tous disparu corps et biens. Les transactions ne manquent pourtant pas depuis la fin de la crise financière, mais quasiment toutes ont été réalisées à l'intérieur des frontières nationales, notamment en Espagne où une grosse vague de consolidation s'est déroulée entre 2011 et 2017, en particulier autour de la Caixa, de Banco de Sabadell et de Santander. Quant aux opérations transfrontalières, elles représentent la portion congrue et restent cantonnées au sud de l'Europe (Caixa sur BPI en 2017 notamment).

Peur sur la ville

Interrogé par le 'FT', le patron de Barclays, John McFarlane, pense qu'une grosse transaction va se produire, peut être même qu'une banque américaine pourrait revenir mettre son nez dans le secteur. Des déclarations qui interviennent quelques jours seulement après que JP Morgan eut démenti des rumeurs de projet d'entrée au capital de la Deutsche Bank. L'industrie semble tétanisée lorsqu'il s'agit d'évoquer des rapprochements transfrontaliers. Il faut dire que des précédents douloureux existent, en particulier la superbe opération réalisée par Royal Bank of Scotland, Fortis et Santander sur ABN Amro à l'automne 2007 pour plus de 70 milliards d'euros. RBS (sauvée deux fois par les autorités britanniques) et Fortis (démantelée) y ont laissé des plumes, non seulement à cause d'un timing calamiteux à l'aube de la crise des subprimes, mais surtout en raison de la complexité opérationnelle et culturelle de l'opération.

La jurisprudence ABN Amro a étouffé dans l'œuf l'appétit pour la consolidation de quelques banquiers ces dernières années. La structure du marché aussi. Le patron d'Unicredit, Jean-Pierre Mustier, a expliqué au 'FT' qu'il n'existe de son point de vue que deux banques réellement "paneuropéennes", BNP Paribas et… la sienne, alors qu'il en faudrait plus à l'appui de l'économie du vieux continent. L'ancien banquier de la banque rouge et noire militerait depuis longtemps, dit-on, pour un ticket UniCredit-Société Générale.


Les 20 premières banques européennes par la capitalisation convertie en dollars (source : Zonebourse.com)

Le quotidien britannique des affaires cite les opérations souvent évoquées. Société Générale-UniCredit donc, mais aussi Nordea-ABN Amro (transaction rejetée voilà deux ans par les autorités néerlandaises) ou Bankia avec n'importe quel acteur. Des hypothèses non-transfrontalières aussi, Barclays-Standard Chartered ou le serpent de mer Deutsche Bank-Commerzbank. Globalement, il apparaît que les banques les plus à même d'absorber une grosse opération sont françaises, BNP Paribas et Société Générale en tête, et sans doute dans une moindre mesure Crédit Agricole, qui a aussi eu son lot de déboires transfrontaliers, en particulier en Grèce. Les gros établissements allemands sont loin d'être en ordre de marche. En Italie, si UniCredit a fait de gros progrès, elle reste grevée comme ses compatriotes par des créances douteuses plus élevées que la moyenne européenne et par une situation politique compliquée. Les banques espagnoles sont en train de digérer la grande consolidation intérieure consécutive à la crise financière et doivent composer avec des conditions domestiques encore fragiles. Quant aux acteurs britanniques, leur positionnement est compliqué par le Brexit, même si les représentants "ultramarins" HSBC et Standard Chartered ont des arguments à faire valoir.

Il y aura nécessairement une consolidation, un avis partagé par la plupart des professionnels. Reste à savoir quand surtout qui dégainera en premier.