BAGDAD, 28 octobre (Reuters) - La mort du chef de l'Etat islamique (EI) Abou Bakr al Baghdadi est un coup dur pour l'organisation djihadiste qui a, un temps, occupé un vaste territoire en Irak et en Syrie.

Le groupe et son idéologie restent néanmoins dangereux, estiment des experts.

Ses adeptes continuent de commettre des attentats, comme celui qui a fait plus de 250 morts au Sri Lanka en avril. L'implication de l'EI n'est pas toujours démontrée. Même si le lien est idéologique plutôt qu'opérationnel, le groupe est toujours perçu comme une menace pour la sécurité dans de nombreux pays.

IRAK

Après sa défaite face aux forces soutenues par les États-Unis, l'EI a repris le combat sous forme de guérilla et les forces de sécurité irakiennes mènent régulièrement des opérations contre les vestiges du groupe djihadiste.

Des cellules dormantes perdurent dans des provinces comme Diyala, Salahouddine, Anbar, Kirkouk et Ninive, où enlèvements et attentats visant à saper l'autorité du gouvernement de Bagdad sont fréquents.

Des cellules opèrent dans les zones rurales, brûlant les cultures et extorquant les agriculteurs locaux. Les villes ne sont pas épargnées: en février, deux personnes ont été tuées et 24 blessées dans un attentat à la voiture piégée à Mossoul, qui fit un temps office de capitale de l'organisation en Irak.

Le Pentagone a déclaré en janvier que l'EI reprenait des forces plus vite en Irak qu'en Syrie. Les analystes ont estimé en début d'année à environ 2.000 le nombre de combattants actifs en Irak.

SYRIE

Après de graves revers militaires, l'EI a perpétré cette année des attentats à la bombe dans des villes du nord de la Syrie, ciblant notamment les forces américaines.

Les forces kurdes syriennes, qui ont défait les djihadistes dans le nord et l'est du pays avec l'aide de la coalition dirigée par les États-Unis, ont évoqué la présence de cellules dormantes. Ils ont aussi mis en garde contre le risque représenté par les milliers de militants emprisonnés, originaires du monde entier.

Cet avertissement s'est vérifié ce mois-ci avec l'annonce par le président américain Donald Trump du retrait des troupes américaines du nord-est de la Syrie, qui a permis à la Turquie de lancer une offensive contre les combattants kurdes près de sa frontière.

Ankara a dit avoir capturé environ 200 détenus de l'EI échappés de prisons situées dans la zone de l'offensive et les avoir transférés dans d'autres lieux de détention contrôlés par les forces turques et leurs alliés syriens. Le président Recep Tayyip Erdogan a déclaré que tous les prisonniers de l'EI seraient traduits en justice.

Des combattants djihadistes sont également présents dans les zones désertiques du centre de la Syrie, sous contrôle du gouvernement de Damas.

EGYPTE

L'Égypte n'a pas connu d'attentats de grande ampleur cette année, mais des incidents persistent et l'armée combat des insurgés islamistes, principalement dans la péninsule du Sinaï. Une offensive militaire de grande ampleur lancée en février 2018 n'a toujours pas permis d'y restaurer la sécurité.

Un avion transportant charter russe a été détruit en vol par une bombe peu après le décollage de la station balnéaire de Charm el Cheikh en 2015, tuant les 224 personnes à bord. L'attaque avait été revendiquée par l'EI.

ARABIE SAOUDITE

Des combattants de l'EI ont perpétré des attentats à la bombe et des tirs meurtriers en Arabie Saoudite contre les forces de sécurité et la minorité chiite.

Baghdadi a appelé à attaquer l'Arabie saoudite quand le royaume a rejoint la coalition dirigée par les États-Unis.

YÉMEN

L'EI a annoncé la création d'une cellule yéménite fin 2014, alors que le pays était en proie à une guerre civile entre le gouvernement d'Abd Rabbou Mansour Hadi, soutenu par l'Arabie saoudite, et le mouvement Houthi pro-iranien.

Toutefois, le groupe a depuis été confronté à la résistance de la branche locale d'Al Qaïda, Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), et les deux groupes se sont affrontés, notamment dans la province d'Al Baïda, dans le sud du pays. Al Qaïda et l'EI se battent également contre les Houthis chiites, qu'ils considèrent comme des hérétiques.

L'EI a revendiqué plusieurs assassinats et attentats à la bombe dans le sud du Yémen, mais n'y a jamais occupé de territoire. Les experts estiment qu'Aqpa, qui entretient des liens tribaux plus anciens et plus profonds, constitue une menace plus grave dans ce pays ravagé par la guerre.

NIGERIA

Le groupe nigérian Boko Haram a mené des attaques dans le nord-est du Nigeria depuis 2009. Il a tué plus de 30.000 personnes et contraint deux millions d'autres à fuir leurs foyers. Le groupe a fait scission en 2016 et une faction, l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest, a prêté allégeance à l'EI.

AFGHANISTAN

L'État islamique au Khorassan, qui tire son nom d'une région historique couvrant une grande partie de l'Afghanistan moderne et certaines parties de l'Asie centrale, est apparu fin 2014 dans la province orientale de Nangarhar. Il a annoncé sa création en janvier 2015.

Les dirigeants du groupe ont prêté allégeance à Baghdadi, mais il n'est pas certain que la branche locale ait des liens opérationnels directs avec l'organisation irako-syrienne.

Le groupe Khorassan a revendiqué des attaques contre des civils dans la capitale Kaboul et combattu les taliban afghans pour le contrôle de plusieurs districts ruraux. Les commandants américains disent qu'il compte moins de 2 000 combattants.

Les contours et l'influence réelle du mouvement sont encore flous et de nombreux responsables afghans à Kaboul doutent de la véracité de certaines de ses revendications.

SRI LANKA

L'Etat islamique a revendiqué les attentats à la bombe perpétrés le dimanche de Pâques contre des églises et des hôtels et diffusé une vidéo montrant huit hommes jurant fidélité à Baghdadi.

Les responsables sri-lankais ont pointé du doigt deux groupes islamistes locaux soupçonnés d'être en lien avec l'EI.

INDONÉSIE

L'Indonésie est le pays à majorité musulmane la plus peuplé du monde et la plupart des gens y pratiquent une forme modérée d'islam. Les autorités estiment pourtant que des milliers d'Indonésiens s'inspirent de l'EI. Environ 500 Indonésiens auraient rejoint l'organisation en Syrie.

PHILIPPINES

Les Philippines craignent que les extrémistes fuyant l'Irak et la Syrie ne trouvent refuge dans la jungle et les villages reculés des régions musulmanes de l'île de Mindanao, où règnent anarchie et rivalités entre clans.

Plusieurs groupes armés du sud des Philippines ont prêté allégeance à l'EI.

Le groupe a souvent revendiqué des attentats à la bombe et des affrontements entre rebelles et forces gouvernementales à Mindanao, mais l'authenticité de ces revendications est souvent contestée. (Aaron Ross, Lena Masri, Ellen Francis, Tim Cocks, Raya Jalabi, Stephen Kalin, Alexis Akwagyiram, Fiston Mahamba, Edward Davies, Martin Petty et James Mackenzie, version française Elizabeth Pineau, édité par Arthur Connan et Tangi Salaün)