New York (awp/afp) - Le secteur de la téléphonie mobile aux Etats-Unis se prépare à un grand chambardement avec la fusion des opérateurs T-Mobile et Sprint après la décision d'un juge estimant que l'opération ne devrait pas conduire à des tarifs plus élevés.

Ce rapprochement doit créer un groupe comptant plus de 100 millions d'abonnés à des forfaits mobiles, capable de rivaliser avec les deux leaders du secteur, Verizon et AT&T.

L'opération a déjà reçu en juillet le feu vert du ministère américain de la Justice et en novembre celui du régulateur des télécoms, la FCC.

Mais une coalition de 14 procureurs généraux américains a engagé en juin une procédure pour bloquer la fusion, susceptible à leurs yeux de faire monter les prix.

Le juge a, dans sa décision consultée par l'AFP, conclu que la transaction "ne (pouvait) pas être raisonnablement vue comme diminuant la concurrence", surtout dans un secteur "particulièrement dynamique et évoluant rapidement".

T-Mobile "s'est transformé au cours de la dernière décennie en un franc-tireur qui a forcé les deux plus gros acteurs du secteur à faire de nombreux changements en faveur des consommateurs", a-t-il fait valoir. La fusion ne devrait pas modifier cette stratégie "indéniablement fructueuse".

Dans le même temps, a-t-il jugé, Sprint "a démontré encore et encore qu'il ne parvenait pas à atteindre les objectifs nécessaires pour rester un réel concurrent" sur son secteur.

L'action de Sprint s'envolait de 72% à la mi-séance à la Bourse de New York tandis que celle de T-Mobile US gagnait environ 10%.

Les deux entreprises ont indiqué qu'elles allaient maintenant "mettre en oeuvre les dernières étapes nécessaires à la création" de la nouvelle entreprise, éventuellement "dès le 1er avril". La transaction "reste soumise à certaines conditions, y compris de possibles nouvelles poursuites judiciaires et la résolution de questions commerciales entre les parties", est-il souligné.

Selon la chaîne d'informations financières CNBC, l'opération doit notamment encore recevoir l'approbation de la Commission californienne des services publics.

Possible appel

Certains analystes ont aussi suggéré que T-Mobile, filiale de Deutsche Telekom, pourrait vouloir renégocier le montant de 26 milliards de dollars proposé en avril 2018 pour racheter Sprint, contrôlé par le japonais SoftBank.

La fusion a en effet connu de nombreux retards en raison des inquiétudes sur une concentration trop grande des acteurs, qui ont déjà conduit les autorités à rejeter un rapprochement entre les deux entreprises il y a quelques années, et l'activité de Sprint s'est depuis fortement effritée.

Le président de la FCC, Ajit Pai, s'est félicité de la décision du juge, estimant qu'elle allait permettre d'"assurer la domination des Etats-Unis dans la 5G". T-Mobile s'est en effet engagé à apporter la nouvelle génération de normes pour le réseau mobile à 97% de la population américaine d'ici trois ans, 99% d'ici six ans.

Le ministère américain de la Justice a pour sa part salué l'argumentation du magistrat, qui a considéré que les conditions imposées par les autorités permettaient de maintenir la compétition.

Le ministère a en effet exigé que les deux groupes cèdent leurs activités de téléphonie mobile prépayées à Dish Network, un opérateur de télévision par satellite, et lui donner accès à au moins 20.000 antennes-relais et à des centaines de points de vente. L'idée est de permettre à Dish TV de développer son propre réseau 5G et de renforcer à terme la concurrence sur ce créneau.

Responsable juridique de l'association de défense des consommateurs Public Knowledge, John Bergmayer estime toutefois que ce pari est "très risqué". Il n'est absolument pas garanti que Dish parvienne à devenir un vrai acteur du marché de la téléphonie mobile "dans la mesure où se faire une place dans ce secteur n'est pas facile, d'autant plus quand cela requiert la coopération de vos concurrents".

La procureure de l'Etat de New York Letitia James, qui s'était opposée à la fusion, a déploré mardi "une défaite pour tous les Américains" qui vont probablement être touchés "là où cela fait le plus mal: au portefeuille". Elle n'a pas exclu de faire appel de la décision du juge.

Son homologue en Californie, Xavier Becerra, a aussi affirmé que les procureurs généraux qui avaient porté plainte étaient "prêts à se battre aussi longtemps que nécessaire pour protéger l'innovation et des tarifs compétitifs."

afp/ck