New York (awp/afp) - Déjà affecté par les déboires du 737 MAX, Boeing a été lourdement sanctionné mercredi par les marchés, qui s'inquiètent de sa santé financière, fragilisée par la pandémie de nouveau coronavirus, une des plus graves crises pour le transport aérien mondial depuis les attentats du 11-septembre.

L'action du constructeur aéronautique a chuté de 18,16% à Wall Street, soit plus de 20 milliards de dollars de capitalisation boursière partis en fumée en une séance. Elle a clôturé à son plus bas depuis plus de deux ans et demi, à 189,06 dollars.

Boeing, créé il y a 104 ans, ne vaut désormais qu'un peu plus de 110 milliards de dollars en Bourse, soit moins que le groupe de véhicules électriques Tesla, fondé seulement en 2003, qui pèse près de 117 milliards.

L'avionneur envisage d'utiliser la totalité des 13 milliards de dollars empruntés auprès des banques JPMorgan Chase, Citigroup et Wells Fargo le mois dernier, ont indiqué mercredi à l'AFP des sources bancaires.

Cet argent devait servir à faire face aux conséquences financières liées au 737 MAX, cloué au sol depuis un an après deux accidents rapprochés ayant fait 346 morts.

Le géant de Seattle prévoyait de n'utiliser qu'un peu plus de la moitié de ces fonds, d'après l'agence Bloomberg News, mais le covid-19 a perturbé ces projets.

Cette pneumonie virale, qui sème la panique chez les voyageurs, a poussé les compagnies aériennes à supprimer des vols jusqu'à une partie de l'été et à se serrer la ceinture pour ne pas déposer le bilan.

Elles n'excluent pas, par exemple, de reporter des livraisons d'avions, voire d'annuler des commandes de nouveaux appareils, et accusent du retard dans leurs paiements, ce qui affecte les finances de Boeing.

Faute de rentrée d'argent, l'avionneur pourrait à nouveau s'endetter, craignent les marchés, d'autant qu'il a suspendu les livraisons et la production du 737 MAX.

Plus d'heures supplémentaires

En l'espace de 24 heures, les primes des assurances (CDS, credit default swaps) contractées par des investisseurs en cas de faillite de l'entreprise, dont la dette était de 27,3 milliards de dollars au 31 décembre, en hausse de 10% sur trois mois, ont flambé de 35%.

Contactées par l'AFP, les banques n'ont pas souhaité commenter. Boeing n'a pas souhaité s'exprimer non plus, mais le groupe a annoncé une série de mesures pour faire des économies.

Les nouvelles embauches se feront désormais au cas par cas, les heures supplémentaires ne sont plus disponibles que pour les employés travaillant à la remise en service du 737 MAX, a indiqué le constructeur aéronautique.

Les voyages d'affaires sont également limités, tandis que les dépenses vont être très encadrées.

"Nous prenons des mesures pour répondre aux pressions posées sur nos activités par le coronavirus, qui affecte nos clients et nos fournisseurs", ont expliqué le directeur général, David Calhoun, et le directeur financier, Greg Smith, dans un message interne aux salariés. "Il est important que nous préservions les liquidités en cette période difficile", poursuivent les deux dirigeants dans ce courriel consulté par l'AFP.

Les choses ne semblent pas s'arranger.

Boeing a enregistré depuis le début de l'année davantage d'annulations que de nouvelles commandes, principalement de la part des clients du 737 MAX.

Il a accusé un déficit de 25 avions, dû principalement à l'annulation de commandes portant sur 43 exemplaires de MAX, dont 11 venant d'Air Canada.

En 2019, Boeing avait enregistré des commandes pour 49 appareils sur les deux premiers mois de l'année, mais la dynamique avait changé après l'accident le 10 mars d'un 737 MAX d'Ethiopian Airlines ayant fait 157 morts.

Ce drame intervenait après le crash le 29 octobre 2018 d'un 737 MAX de Lion Air (189 morts).

Outre les commandes, la crise du MAX affecte également les livraisons, un baromètre important sur l'état du chiffre d'affaires car l'avionneur enregistre des entrées de liquidités au moment où les compagnies aériennes et les loueurs d'avions prennent possession des aéronefs.

Sur les deux premiers mois de l'année, Boeing n'a livré que 30 avions, principalement des 787 (60%). C'est une chute de plus de 68% en un an.

Boeing a suspendu la livraison des MAX l'an dernier et n'en produit plus du tout depuis janvier, en attendant une remise en service de cet avion.

afp/rp