La technologie envahit notre quotidien ET les marchés financiers, ce qui est plutôt logique puisqu'ils sont censés refléter l'évolution économique. Le poids des "techs" est passé de 17 à 26% dans les indices MSCI World depuis la crise financière, rappelle Stéphane Monier, qui pilote les investissements de la banque privée genevoise. Mais les valorisations n'ont rien d'exorbitant, puisque le compartiment se paie 18,9 fois les bénéfices à 12 mois. C'est plus que la moyenne de l'indice S&P500 (16,5 fois), mais cela reste très éloigné du 51 (le PER, pas le pastis) atteint lors de la bulle internet de 2000. Et les résultats et les bilans sont largement plus sains désormais qu'ils ne l'étaient alors.

De façon un peu paradoxale, puisqu'il s'agit initialement de valeurs estampillées "growth", les géants de l'innovation technologique sont devenus des refuges contre la volatilité pour certains investisseurs, surtout en ces temps un peu troublés pour les marchés. Pour Lombard Odier, cet atout procède avant tout de la diversité offerte par le segment en matière de caractéristiques de croissance et de valorisations découplées. 

Loi, Data et autoconcurrence

Stéphane Monier pense que la principale vulnérabilité du secteur réside dans les données, que ce soit par mauvaise exploitation ou par piratage, et dans le durcissement des exigences réglementaires. Si Facebook a remonté la pente (boursière) après les révélations sur le scandale Cambridge Analytica, c'est au prix d'un marathon médiatique et réglementaire de son président et de l'embauche de 5 000 personnes pour solder le passif et préparer l'avenir.

Un autre volet moins immédiat mais tout aussi présent est la tendance des GAFAN à marcher sur leurs plates-bandes respectives. Apple et Amazon cherchent à asticoter Netflix, Amazon lorgne les marchés de Google et Facebook…

Tout fout le camp

Pour autant, Lombard Odier ne nourrit pas de crainte excessive vis-à-vis du secteur, qui bénéficie de puissantes tendances de fond. La banque se risque même à rappeler qu'un iPhone est devenu un bien de consommation courante et que le secteur des biens de consommation de base est robuste quand l'économie ralentit. "Au fur et à mesure que l’innovation s’installe, les entreprises technologiques s’imbriquent dans nos vies. Au point qu’elles s’apparentent davantage à des investissements générant un rendement classique et ressemblent de moins en moins à un pari sur la croissance", précise Stéphane Monier. Si en plus Facebook remplace Air Liquide comme valeur de bon père de famille, où va-t-on ?

Internet en est déjà à sa quatrième mue : après le contenu, les services et les interactions sociales, arrive l'ère de l’internet des objets et de l'intelligence artificielle, qui promet autant que les précédentes. Alors, Apple à 1 000 milliards de dollars de capitalisation, c'est pour bientôt ?