Moscou (awp/afp) - Le nouveau coronavirus et la chute des prix du pétrole vont plonger l'économie russe dans le rouge, a prévenu vendredi la Banque centrale qui s'attend à une baisse du PIB allant jusqu'à 6% en 2020.

En raison des mesures de confinement prises en Russie depuis le 28 mars, l'activité économique et la demande sont à l'arrêt. Le pays, très dépendant de ses exportations de brut, est également très touché par la crise sans précédent du marché pétrolier.

L'institution monétaire prévoit donc une baisse du PIB comprise entre 4 et 6% en 2020, avant de se reprendre avec une croissance de 2,8 à 4,8% en 2021 et de 1,5 à 3,5% en 2022. Cette année, le coup le plus dur devrait survenir au deuxième trimestre (-8%).

"L'épidémie a perturbé le rythme de la vie économique et commerciale en Russie", a affirmé vendredi le président Vladimir Poutine. La veille, il avait estimé que l'épidémie "menace principalement la vie et la santé humaine" mais a un impact "tout aussi dangereux" sur l'économie.

Selon les prévisions de la Banque centrale, le prix moyen du baril de pétrole "Oural", ressource clé de la Russie, devrait être de 27 dollars cette année, bien moins que les 55 dollars prévus précédemment. Il devrait se reprendre à 35 dollars en 2021 et 45 dollars en 2022.

Le marché du pétrole a traversé ces dernières semaines des turbulences inédites, s'effondrant alors que les restrictions de déplacements dans de nombreux pays et la paralysie de nombreuses économies ont fait fondre la demande. Vendredi, le baril de Brent s'échangeait autour de 32 dollars le baril.

Le pétrole a entrainé le rouble dans sa chute. Ce dernier s'est désormais stabilisé - à environ 74 roubles pour un dollar et 80 pour un euro - notamment grâce à d'importantes ventes de devises étrangères par la Banque centrale depuis plusieurs semaines.

Effondrement des exportations

Mais les exports russes, poursuit l'institution, devraient s'effondrer en 2020 à 250 milliards de dollars, contre 419 milliards en 2019, frôlant le déficit commercial alors que les importations s'établiraient à 207 milliards.

La baisse du PIB prévue cette année est "plus importante qu'en 2014 mais moins qu'en 2008", a commenté sur Twitter Tatiana Evdokimova, économiste en chef pour la Russie de la banque Nordea, comparant la situation aux deux dernières crises économiques majeures qu'a connues le pays.

La Banque centrale s'attend par ailleurs à des déficits des comptes courants deux années consécutives, en 2020 et en 2021, "ce qui n'est jamais arrivé dans l'histoire russe moderne", remarque Mme Evdokimova.

Selon les analystes de Capital Economics, "l'Europe émergente connaîtra sa plus forte baisse du PIB réel cette année depuis l'effondrement de l'Union soviétique".

La Banque centrale a aussi choisi de rendre les prêts moins chers afin de limiter la contraction de l'économie, baissant vendredi son taux directeur de 0,5 à 5,50% et laissant entendre que d'autres coupes auraient lieu prochainement.

Elle a justifié ce choix par une inflation qui - après une hausse limitée et temporaire provoquée par la chute du rouble et des ruées sur certains produits de consommation - devrait subir des pressions négatives sur les prix face à une demande sévèrement déprimée à plus long terme.

"Il y a le potentiel pour des réductions (supplémentaires), y compris d'une ampleur d'un point", a affirmé Elvira Nabioullina, patronne de la Banque centrale, sans donner d'agenda.

Après le plongeon prévu cette année, "l'activité économique devrait se reprendre progressivement à mesure que la situation liée au coronavirus se normalisera", a tempéré la Banque centrale.

"Le rythme de la reprise économique dépendra en grande partie de la quantité et de l'efficacité des mesures du gouvernement et de la Banque de Russie pour atténuer les effets de la pandémie", a-t-elle ajouté.

La Russie a annoncé des mesures de soutien aux citoyens et aux entreprises, mais celles-ci pourraient s'avérer insuffisantes. Selon des analystes d'Alfa Bank, la Russie n'a dépensé jusqu'à présent que 0,3% de son PIB pour ces mesures, moins que d'autres pays en développement comme, par exemple, le Brésil.

Mme Nabioullina a pour sa part indiqué que les mesures des autorités avaient permis de réduire l'impact de la crise sur la chute du PIB "d'environ 2%".

afp/rp