LONDRES, 18 mars (Reuters) - Vladimir Poutine a été largement et sans surprise réélu dimanche président de la Russie pour un cinquième mandat de six ans. D'importants défis l'attendent à l'avenir.

Défi : déterminer s'il faut intensifier l'offensive et savoir quand s'arrêter.

La Russie contrôle près d'un cinquième du territoire ukrainien, une proportion qui a peu changé depuis la fin 2022. Si Vladimir Poutine n'a pas défini d'objectifs territoriaux, son allié Dmitri Medvedev a déclaré le mois dernier que la Russie avait l'intention de s'emparer d'une plus grande partie de l'Ukraine, dont Odessa et à terme, Kyiv.

- Vladimir Poutine pourrait se contenter de laisser la guerre s'éterniser afin que le temps joue en sa faveur et attendre le résultat de l'élection américaine de novembre. Moscou a réalisé sa première avancée en neuf mois en s'emparant de la ville d'Avdiivka en février et Vladimir Poutine a déclaré qu'il poursuivrait ses efforts. L'Ukraine est à court d'armes, un important programme d'aide américain étant bloqué au Congrès.

- Vladimir Poutine pourrait intensifier les combats en lançant une nouvelle mobilisation militaire, en plus de l'appel de 300.000 réservistes lancé en septembre 2022. Cependant, cette première vague s'était révélée chaotique et impopulaire, poussant des centaines de milliers de Russes à fuir à l'étranger. Le Kremlin a par ailleurs déclaré à maintes reprises qu'il n'était pas nécessaire de répéter l'expérience.

- Le président russe pourrait chercher à obtenir une issue négociée. Moscou a déclaré qu'une telle option devrait se faire selon ses conditions, en conservant le contrôle des territoires ukrainiens capturés, ce que Kyiv refuse. Le mois dernier, Reuters a rapporté en exclusivité que Vladimir Poutine avait signalé à Washington être prêt à accepter un cessez-le-feu qui figerait la guerre sur les lignes actuelles. Washington a rejeté cette proposition à travers des médiateurs.

COMMERCE ET ÉNERGIE

Défi : réorienter le commerce pour contourner les sanctions occidentales

La Russie a perdu la majeure partie de son lucratif accès au marché européen de l'énergie en raison des sanctions et du sabotage des gazoducs Nord Stream. L'avancement des trois projets d'envergure suivants permettra de mesurer le succès de la réorientation du commerce russe vers l'Est :

- Un nouveau "hub gazier" en Turquie pour permettre à la Russie de réacheminer ses exportations de gaz

- Un nouveau gazoduc, "Power of Siberia 2", pour acheminer 50 milliards de mètres cubes supplémentaires de gaz russe vers la Chine via la Mongolie

- Une extension de la route maritime du Nord, rendue possible par la fonte de la banquise arctique, pour relier Mourmansk, près de la frontière russe avec la Norvège, au détroit de Béring, près de l'Alaska.

ARMES NUCLÉAIRES

Défi : établir un nouveau cadre de sécurité avec les États-Unis ou s'engager dans une nouvelle course aux armements.

Le nouveau traité START, qui limite le nombre d'ogives nucléaires stratégiques que la Russie et les États-Unis peuvent déployer, doit expirer en février 2026. En cas d'expiration, les deux parties pourraient alors développer leurs arsenaux sans limites.

Vladimir Poutine a déclaré que la Russie devait maximiser le rendement de ses dépenses de défense afin d'empêcher les États-Unis de l'"épuiser" dans une course aux armements similaire à celle qui avait épuisé l'Union soviétique pendant la guerre froide.

Le président Russe a déclaré que Moscou continuait à développer "plusieurs nouveaux systèmes d'armes", tout en réfutant les affirmations américaines selon lesquelles il envisagerait de déployer des armes nucléaires dans l'espace.

Vladimir Poutine a laissé entendre que la Russie pourrait reprendre ses essais nucléaires, mais seulement si les États-Unis le faisaient avant elle.

La Russie se dit par ailleurs prête à entamer un "dialogue stratégique" avec les États-Unis, mais a précisé que ce dialogue devait porter sur toutes les questions touchant à sa sécurité, y compris l'Ukraine.

ÉCONOMIE NATIONALE

Défis : inflation, pénurie de main-d'oeuvre, démographie.

L'économie russe a progressé de 4,6% en janvier en glissement annuel, portée par une augmentation massive de la production militaire, mais les pénuries de main-d'oeuvre et la faible productivité posent problèmes.

La défense et la sécurité représentent environ 40% du budget, au détriment d'autres secteurs tels que l'éducation et la santé.

Les salaires augmentent, en particulier dans les régions où se concentrent les industries de défense. Toutefois, Vladimir Poutine n'a pas tenu sa promesse de 2018 de réaliser une "percée décisive" en matière de niveau de vie, et les revenus réels ont globalement stagné au cours de la dernière décennie.

Les priorités à court terme sont la réduction de l'inflation, qui s'élève à 7,6%, et l'atténuation des tensions budgétaires. Vladimir Poutine a indiqué que cela se traduirait par une augmentation des impôts pour les entreprises et les particuliers les plus riches.

À plus long terme, le président russe souhaite augmenter l'espérance de vie et stimuler le taux de natalité par des mesures de soutien aux familles, mais peine à inverser le déclin démographique à long terme de la Russie.

RENOUVELER L'ÉLITE

Défi : redynamiser une équipe vieillissante.

Vladimir Poutine, âgé de 71 ans, en aura 77 à la fin de son nouveau mandat - ce qui est toujours plus jeune que le président américain Joe Biden lorsqu'il a prêté serment.

Certaines personnalités de l'entourage du président russe sont plus âgées que lui, notamment le chef du Service fédéral de sécurité (FSB) Alexandre Bortnikov (72 ans), le chef du Conseil de sécurité Nikolaï Patrouchev (72 ans), et le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov (74 ans cette semaine).

Le ministre de la Défense Sergeï Shoïgu, et le chef d'état-major Valéri Guérassimov, tous deux âgés de 68 ans, ont conservé leur poste malgré les critiques virulentes de certains commentateurs pro-guerre concernant les échecs militaires de la Russie en Ukraine.

Vladimir Poutine s'est longtemps montré réticent à remanier son équipe, et ses détracteurs l'ont accusé de privilégier la loyauté au détriment de la compétence.

Parmi les personnalités à surveiller figurent le président du Parlement, Viatcheslav Volodine (60 ans), le ministre de l'agriculture, Dmitri Patrouchev (46 ans), et l'ancien garde du corps de Vladimir Poutine, Alexeï Dioumine (51 ans), gouverneur de la région de Toula.

Boris Kovaltchuk, 46 ans, fils de Yuri Kovaltchuk, ami de Vladimir Poutine et homme d'affaires, a quitté ce mois-ci son poste de directeur de l'entreprise de services publics Inter RAO, après 15 ans, pour rejoindre l'administration présidentielle, selon le journal Vedomosti.

(Reportage Mark Trevelyan; version française Stéphanie Hamel, édité par Kate Entringer)