Lausanne (awp/ats) - L'avocat et promoteur immobilier fribourgeois Damien Piller signe une victoire définitive dans le volet pénal du conflit l'opposant à Migros Neuchâtel-Fribourg (MNF), dont il a été président de 1996 à 2020. Le Tribunal fédéral (TF) a rejeté un recours de la coopérative régionale.

"Le recours doit être rejeté dans la faible mesure où il est recevable", a noté la 2e Cour de droit pénal. La décision vient confirmer un arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois (TC) du 5 janvier, suite à la contestation d'une ordonnance de classement du 9 janvier 2023 du Ministère public (MP).

Les frais judiciaires de 3000 francs suisses sont mis à la charge de la recourante, à savoir MNF, selon l'arrêt du 26 mars. La coopérative régionale n'a pas la qualité pour recourir, sachant qu'elle a cédé à la Fédération des coopératives Migros (FCM) les prétentions civiles relatives aux versements litigieux du dossier, estiment les juges.

La partie plaignante n'est pas habilitée en conséquence à recourir en matière pénale lorsque ces prétentions sont traitées dans une procédure civile parallèle ou qu'elles ont été résolues d'une autre manière. Pour étayer sa qualité pour recourir, MNF s'était plainte de plusieurs manquements à son encontre.

Griefs repoussés ___

Le TF a repoussé les griefs invoqués (déni de justice, violation du droit de participer à l'administration des preuves et du droit d'être entendu). "Le seul fait que la motivation retenue par la cour cantonale ne soit pas celle attendue par la recourante ne constitue pas une violation de son droit d'être entendue", indique-t-il.

Pour mémoire, MNF a interjeté en février un recours en matière pénale devant le TF contre l'arrêt du TC en concluant principalement à l'annulation, à la mise à néant de l'ordonnance de classement du 9 janvier 2023 en tant qu'elle classe sa plainte pénale du 16 juillet 2019 et au renvoi de la cause au Ministère public.

Ici, l'idée de la coopérative régionale était que ce dernier étende l'instruction pénale au chef de prévention de faux dans les titres contre Damien Piller et Marcelle Junod, ancienne vice-directrice et directrice de MNF, et dresse un acte d'accusation contre les deux précités à raison des faits dénoncés dans sa plainte pénale.

Migros pas lésé ___

La recourante demandait encore que le MP soit astreint en sus à étendre l'instruction pénale au chef de prévention de faux dans les titres contre Damien Piller et Marcelle Junod, tous deux mis hors de cause pourtant, et à procéder aux actes d'instruction nécessaires à l'éclaircissement des faits, dont l'audition de plusieurs personnes.

En janvier 2023, le procureur général du canton de Fribourg Fabien Gasser avait conclu que l'enquête et les auditions menées par la brigade financière de la police de sûreté n'avaient pas démontré que Damien Piller et Marcelle Junod se seraient entendus pour passer des conventions assurant des revenus indus au détriment de Migros, à deux entreprises de construction se trouvant dans le giron du promoteur.

En juillet 2019, les responsables de la FCM et de MNF avaient accusé l'homme d'affaires de s'être enrichi dans le cadre des chantiers, achevés en 2014 et 2015, des magasins Migros de Belfaux et La Roche. Leur réalisation avait été confiée aux sociétés Anura SA, aux mains de Damien Piller, et Constructor SA, dont il avait fait l'acquisition quelques mois après l'achèvement des travaux.

1,8 million en jeu ___

Migros avait conclu une convention avec ces deux entreprises, l'obligeant à verser à chacune un montant de 800'000 francs suisses plus la TVA à 8%, soit un montant total de 1,8 million, à titre de "participation à la réalisation des différentes infrastructures qui doivent être construites pour accueillir Migros".

D'après le géant orange, ces montants auraient été versés sans aucune contre-prestation, ce que Damien Piller a toujours contesté. Selon lui, une aile du bâtiment de Belfaux avait dû être surélevée et un parking souterrain, pas prévu dans le projet initial, avait été construit à La Roche.

Le TC a rappelé dans son arrêt que ce sont bien les organes de MNF, et non le promoteur fribourgeois, qui ont validé et signé les conventions litigieuses. Les juges ne se sont en revanche pas prononcés sur la question des contre-prestations, qui devra le cas échéant être tranchée par un tribunal civil (Arrêt 7B_182/2024).

ats/rp