* Les négociations se poursuivent, mais les manifestants exigent un référendum

* A Kiev, le gouvernement brandit la menace d'une intervention

* Merkel: "La Russie ne contribue pas clairement à une désescalade" (Actualisé avec Lavrov, trois derniers paragraphes)

par Thomas Grove

LOUHANSK, Ukraine, 9 avril (Reuters) - Les militants séparatistes pro-russes qui tiennent le siège des services de sécurité (SBU) à Louhansk, dans l'est de l'Ukraine, ont renforcé mercredi leurs défenses après la menace brandie dans la matinée à Kiev par le gouvernement d'user de la force pour les déloger.

Les protestataires, qui occupent les lieux depuis dimanche soir, exigent l'organisation d'un référendum sur l'indépendance de la partie orientale du pays, qu'ils souhaitent, à l'instar de la Crimée, rattacher à la Fédération de Russie.

A Donetsk, plus au sud, les pro-russes conservent le contrôle de l'immeuble du gouvernement régional.

En revanche, les autorités ont repris mardi la maîtrise de la situation à Kharkiv, une des autres grandes villes de l'Est ukrainien, à la suite d'une opération "antiterroriste" éclair ayant conduit à l'interpellation de 70 manifestants qui occupaient le siège de l'administration régionale.

Le ministre ukrainien de l'Intérieur, Arsène Avakov, a annoncé mercredi matin qu'une issue serait trouvée dans les prochaines 48 heures et qu'il n'excluait pas pour cela un recours à la force si le dialogue politique échouait.

"Il y a deux options: les négociations politiques et la force", a-t-il dit à la presse à Kiev.

"Pour ceux qui veulent le dialogue, nous proposons des négociations et une solution politique. Pour la minorité qui veut un conflit, la réponse des autorités ukrainiennes sera énergique", a-t-il prévenu.

D'après les services de sécurité ukrainiens, une cinquantaine de personnes ont quitté le siège local du SBU à Louhansk au cours de la nuit de mardi et mercredi.

En parallèle, des négociations se sont poursuivies toute la nuit pour trouver une issue à la confrontation, mais Tatiana Pogoukaï, porte-parole de la police locale, a déclaré qu'elles avaient échoué.

Les protestataires, a-t-elle dit, "ne déposeront pas les armes tant qu'il n'y aura pas d'accord sur un référendum".

Sacs de sable, empilements de pneus et caisses en bois ont été massés devant le bâtiment à l'intérieur duquel les occupants, en tenue de combat et le visage cagoulé pour bon nombre d'entre eux, disent avoir récupéré 200 à 300 fusils automatiques. La police a confirmé qu'ils avaient fait main basse sur l'armurerie.

"AUCUNE RAISON D'ÊTRE INQUIET", DIT MOSCOU

Minimisant la cinquantaine de défections de la nuit, un de leurs porte-parole se faisant appeler Vassili a affirmé que ceux qui étaient partis "n'étaient pas prêts à rester et à combattre".

Les autres, a-t-il ajouté, sont des "soldats" prêts à lutter jusqu'à l'organisation d'un référendum sur l'indépendance.

"Nous devons bien sûr demander à la Russie de nous laisser la rejoindre", a-t-il ajouté, espérant une assistance de la part de Vladimir Poutine.

Car le rôle de la Russie dans les événements en cours dans l'Est ukrainien occupe tous les esprits, d'autant que l'armée russe a massé des troupes aux frontières orientales de l'Ukraine.

"Malheureusement, dans de nombreux domaines, la Russie ne contribue pas clairement à la désescalade de la situation", a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel dans un discours devant les députés du Bundestag.

La veille, le secrétaire d'Etat américain John Kerry avait ouvertement accusé des agents russes et les forces spéciales d'être les "catalyseurs" de l'agitation séparatiste dans l'est de l'Ukraine.

"L'implication claire et manifeste de la Russie dans la déstabilisation et le développement d'activités séparatistes dans l'est de l'Ukraine est plus que profondément inquiétante", a-t-il dit à des élus du Congrès à Washington, redoutant un "prétexte artificiel à une intervention militaire identique à ce que nous avons vu en Crimée." (voir )

Dans un communiqué diffusé mercredi à Moscou, le ministère russe des Affaires étrangères assure que "les Etats-Unis et l'Ukraine n'ont aucune raison d'être inquiets".

John Kerry et son homologue russe, Sergueï Lavrov, se réuniront la semaine prochaine avec Catherine Ashton, qui dirige la diplomatie de l'Union européenne, pour discuter de la crise en Ukraine, a annoncé l'UE mardi soir.

Lors d'un entretien téléphonique qu'ils ont eu lundi, Kerry et Lavrov ont évoqué un projet de discussions directes dans les dix prochains jours entre l'Ukraine, la Russie, les Etats-Unis et l'Union européenne.

Mais le chef de la diplomatie russe a laissé poindre son peu d'intérêt pour ces discussions quadripartites. "Des dates ont été avancées, dans le courant du mois d'avril. Mais c'est ce qu'ils veulent. Nous, nous attendons une explication sur ce qu'ils souhaitent faire de cette réunion", a-t-il dit à la presse. "Il y a plus de questions que de réponses."

Selon son entourage, Lavrov a cependant indiqué par téléphone à Kerry qu'une réunion à quatre pourrait s'avérer utile à condition qu'elle serve à promouvoir un dialogue en Ukraine sur une réforme constitutionnelle.

Moscou prône notamment une fédéralisation du pays. (avec Pavel Polityuk et Richard Balmforth à Kiev, Katya Golubkova à Moscou et Alexandra Hudson à Berlin; Pierre Sérisier et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Bertrand Boucey)