* Le Parti social-démocrate (SPD) se réunit vendredi

* Il discutera de sa participation au gouvernement Merkel III

* Le parti est divisé sur sa participation

par Eric Kirschbaum

BERLIN , 26 septembre (Reuters) - La direction du Parti social démocrate, une nouvelle fois vaincu par Angela Merkel aux élections fédérales en Allemagne, risque de peiner pour convaincre sa base de renouveler l'expérience d'une "grande coalition" avec les conservateurs, dont le SPD était sorti exsangue en 2009.

La CDU d'Angela Merkel ayant raté de peu la majorité absolue, la chancelière se voit contrainte de négocier avec le SPD, deuxième parti en nombre de sièges au nouveau Bundestag, pour former son troisième gouvernement.

Près de deux tiers des Allemands souhaitent que le SPD participe à Merkel III et rejoue la "grande coalition" avec les conservateurs, comme entre 2005 et 2009, mais, au sein du SPD, nombreux sont ceux qui ne veulent pas revivre cette configuration, craignant de perdre à nouveau des millions d'électeurs.

Vendredi, ils seront 200 délégués nationaux et régionaux réunis autour du président du SPD, Sigmar Gabriel, à partir de 18h00 (16h00 GMT), ce qui signifie que leur éventuelle décision de participer au gouvernement ne sera pas connue avant une heure avancée de la soirée.

Le SPD a obtenu 25,7% des suffrages dimanche (contre 41,5% à la CDU-CSU), son deuxième plus mauvais score de l'après-guerre après les 23% obtenus en 2009 après quatre années passées aux côtés d'Angela Merkel.

LE CONTRE-EXEMPLE DU FDP

"Le SPD a eu un résultat très médiocre et beaucoup de gens au sein du parti préféreraient rester dans l'opposition", commente Thomas Jäger, professeur de sciences politiques à l'université de Cologne. "Ils craignent que l'identité du parti ne soit dissoute dans une grande coalition."

Certains ne manquent d'ailleurs pas de rappeler le sort du Parti libéral (FDP), allié d'Angela Merkel dans le gouvernement sortant : ce parti a perdu tellement de visibilité depuis son entrée au gouvernement Merkel II en 2009, qu'il n'est même plus représenté au parlement, une situation inédite depuis 1949.

En outre, Sigmar Gabriel est très critiqué au sein de son parti. Il lui est reproché d'avoir choisi le mauvais candidat - un centriste, l'ancien ministre des Finances Peer Steinbrück pour une campagne orientée à gauche - et le mauvais thème : l'alourdissement de la fiscalité.

Il aurait pu lui-même être candidat mais il a dit qu'il voulait consacrer du temps à sa fille, qui vient de naître. Certains disent qu'il a tenu compte du fait qu'Angela Merkel, surnommée par ses détracteurs la "veuve noire", était imbattable et qu'il se réservait pour la suite.

Il n'en reste pas moins que cet homme est à la tête du deuxième parti politique allemand et qu'il sera incontournable dans la décision qui sera prise d'accepter ou non de cohabiter une nouvelle fois avec les conservateurs de la CDU-CSU.

Dimanche, Sigmar Gabriel, 54 ans, a déclaré que le SPD n'attendrait pas sagement son tour après la débâcle du FDP.

Le lendemain, il a semblé moins opposé à l'idée de reformer une "grande coalition", disant que le SPD serait prêt à écouter ce que la chancelière avait à offrir.

"Le résultat est ouvert", a dit celui qui a réussi à stabiliser le SPD depuis qu'il en a pris la présidence en 2009.

CONCESSIONS "NON NÉGOCIABLES"

Certains au SPD disent que Sigmar Gabriel souhaite à nouveau une participation du SPD au gouvernement pour devenir vice-chancelier et obtenir un portefeuille important, les Finances, le Travail ou peut-être les Affaires étrangères, ce qui lui offrira une tribune à la mesure de son ego.

Se méfiant de ce président qu'elle cerne mal, la gauche du SPD demande que tous ceux qui sont titulaires d'une carte du parti, soit plus de 470.000 personnes, soient autorisés à se prononcer par un vote sur la participation au gouvernement.

"Il est possible que la base du parti rejette une grande coalition par un tel score que cela contraigne Gabriel et les autres dirigeants à démissionner", estime Jürgen Falter, professeur de sciences politiques à l'université de Mayence. "Les membres du parti ont besoin qu'on les persuade et il a besoin de temps pour cela. En ce sens, il peut mettre la pression sur la CDU."

En 2005, il avait fallu deux mois pour qu'émerge un accord sur les contours de la grande coalition.

Johannes Kahrs, un élu modéré du SPD, a fixé la barre haut jeudi en présentant une liste de concessions "non négociables" : instauration d'un salaire minimum, hausse de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu - le SPD, comme les Verts, a fait savoir qu'il souhaitait qu'elle soit portée de 42% à 49% - et une égalité de droits pour les homosexuels.

En cas de nouvelle alliance avec Angela Merkel, de nombreux sociaux-démocrates craignent que le SPD ne tombe sous la barre des 20% des suffrages aux prochaines élections en 2017, soit moitié moins que lors de leur dernière grande victoire, obtenue avec Gerhard Schröder en 1998 avec 40,9% des suffrages.

Ils craignent aussi qu'en cas de cohabitation, le parti de gauche Die Linke, désormais troisième force politique du pays devant les Verts, n'attire les membres les plus à gauche du SPD.

"Quatre-vingt dix pour cent des membres du SPD dans ma région sont contre une grande coalition", a déclaré Hannelore Kraft, ministre-présidente de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Land le plus important d'Allemagne et fief du SPD.

Avec Olaf Scholz, le maire de Hambourg, elle est considérée comme l'un des adevrsaires les plus dangereux de Sigmar Gabriel pour la présidence du SPD. (Avec Holger Hansen; Danielle Rouquié pour le service français, édité par Bertrand Boucey)