par Lawrence Hurley et Andrew Chung

WASHINGTON, 2 septembre (Reuters) - La Cour suprême des Etats-Unis a refusé mercredi de suspendre une loi de l'Etat du Texas interdisant d'avorter après six semaines de grossesse, offrant ainsi une victoire majeure aux opposants à l'avortement dans le pays.

Par une courte majorité de 5 contre 4, les juges de la plus haute juridiction des Etats-Unis ont rejeté une requête en urgence déposée par des organisations de défense des droits des femmes pour suspendre la loi texane, qui a pris effet mercredi.

La législation met en place une quasi-interdiction de fait aux femmes d'avorter puisque 85% à 90% des avortements interviennent après six semaines de grossesse et fait du Texas l'un des Etats américains les plus restrictifs en la matière.

Avant le Texas, douze autres Etats ont mis en place des interdictions d'avorter à partir du moment où les battements de coeur du foetus sont perceptibles, soit autour de six semaines et souvent avant que les femmes ne se rendent compte de leur grossesse.

Jusqu'ici, ces législations ont toutes été invalidées par la Cour suprême en vertu de l'arrêt historique Roe contre Wade, qui a légalisé le droit à l'avortement aux Etats-Unis en 1973. Dans cet arrêt, la Cour a déclaré que les États ne pouvaient pas interdire l'avortement avant la période de viabilité du fœtus, estimée par les médecins entre 24 et 28 semaines de grossesse.

Mais l'Etat du Texas a formulé sa loi de façon inhabituelle en donnant le pouvoir non aux autorités mais aux citoyens de poursuivre toute personne qui permet ou "aide ou encourage" un avortement après six semaines.

Cette habilitation donnée aux citoyens a rendu plus difficile l'intervention des tribunaux fédéraux et pourrait pousser d'autres Etats cherchant à restreindre l'avortement après six semaines à suivre l'exemple du Texas.

Dans une déclaration non signée, la Cour suprême a déclaré que sa décision n'était "pas fondée sur une quelconque conclusion quant à la constitutionnalité de la loi du Texas" et a autorisé la poursuite des contestations en justice.

La décision de la Cour suprême illustre l'impact des nominations faites par l'ancien président républicain Donald Trump, qui a nommé trois juges conservateurs, tous trois figurant dans les cinq juges ayant approuvé le rejet de la requête contre la loi texane.

Le juge John Roberts, un conservateur modéré, s'est joint aux trois juges du camp libéral au sein de la Cour suprême.

"La décision de la Cour est stupéfiante", a jugé la juge progressiste Sonia Sotomayor.

"Face à une demande d'injonction d'une loi manifestement inconstitutionnelle, conçue pour empêcher les femmes d'exercer leurs droits constitutionnels et pour échapper à l'examen judiciaire, une majorité de juges a choisi de faire l'autruche", a-t-elle déploré.

La décision de la Cour suprême pourrait préfigurer son approche dans une autre affaire concernant une interdiction d'avortement au-delà de 15 semaines dans l'Etat du Mississippi, qui a demandé aux juges d'annuler l'arrêt Roe contre Wade.

La Cour entendra les arguments au cours de la session qui débutera en octobre et devrait rendre sa décision d'ici la fin juin 2022. (Reportage Lawrence Hurley; Blandine Hénault pour la version française, édité par Jean-Michel Bélot)