Mario Draghi n'avait qu'un contrôle limité sur le processus de supervision de l'établissement actuellement au coeur d'un scandale politico-financier dont les origines remontent à l'époque où Mario Draghi dirigeait la Banque d'Italie, soit de 2006 à 2011, a ajouté cette source qui a requis l'anonymat.

La Banque d'Italie a dit avoir fait tout ce qui était en son pouvoir dans le cadre de la surveillance de Monte Paschi, en la contraignant notamment à lever de l'argent frais et en exerçant des pressions pour obtenir le départ de ses dirigeants, partis depuis lors.

Elle a approuvé le mois dernier un prêt de 3,9 milliards d'euros d'argent public destiné à consolider le bilan de la banque de Sienne.

L'attitude de la banque centrale est toutefois remise en question, accusée de n'être pas intervenue plus rapidement pour sanctionner les dirigeants de Monte Paschi pendant le mandat de Mario Draghi alors que ses inspecteurs avaient identifié les contrats de dérivés, objets du scandale, dès la mi-2010.

Les enquêteurs ont convoqué lundi l'ancien président de Monte Paschi, Giuseppe Mussari, qui avait démissionné en avril alors que la banque était confrontée à des problèmes croissants.

Un de ses avocats a précisé que tous ses défenseurs n'étaient pas présents et Mussari a en conséquence demandé un nouveau rendez-vous jeudi.

L'un des témoins-clés dans l'affaire, Antonio Rizzo, ancien employé de la Dresdner Bank, a répété devant la police financière les propos tenus lors de son premier interrogatoire: un groupe d'ex-dirigeants de la banque était connu sous le nom de "club des 5%" en raison des commissions touchées sur chaque transaction.

"CLUB DES 5%"

La décision de lancer une procédure de sanctions qui implique de mettre en cause publiquement les dirigeants de la banque concernée et de les mettre à l'amende ne relève pas du gouverneur de la BoI ni de son directoire mais du corps d'inspection et d'un ensemble d'autres sous-comités, a déclaré la source.

"Les inspecteurs sont les seules personnes responsables dans le déclenchement d'une procédure de sanctions, de sorte que s'ils ne trouvent rien au cours de leur inspection, alors il n'est pas possible aux dirigeants (de la BoI) d'enclencher le processus", a dit le responsable.

"Nous donnons comme instruction au personnel d'être totalement libre de toute influence de notre part, de présenter le dossier de manière exacte, de sorte que si une sanction est décidée, ils soumettent une proposition au directoire et le directoire décide de l'application effective des sanctions".

Les inspecteurs de la BoI avaient identifié au cours de l'été 2010 deux contrats de dérivés opaques susceptibles d'entraîner une perte de 720 millions d'euros pour Monte Paschi et qui sont désormais au centre des enquêtes pour fraudes.

Ils n'avaient pourtant pas proposé le déclenchement de sanctions.

Cette décision n'avait "rien à voir avec le directoire", a dit la source qui a toutefois ajouté que le rapport de l'inspection avait été montré à Mario Draghi.

Elle a refusé de dire si elle jugeait juste cette décision de n'avoir alors pas pris de sanction.

"LENTEUR DÉLIBÉRÉE"

Ce rapport de 2010 a fait l'objet de fuites dans les médias qui ont alimenté les critiques à l'encontre de la BoI, le jugement sévère des inspecteurs sur les comptes et les opérations réalisées par Monte Paschi n'ayant alors pas été suivi d'une action rapide.

Les dirigeants de l'époque de Monte Paschi, actuellement sous le coup d'une enquête judiciaire, n'avaient pas été convoqués par la BoI avant novembre 2011, c'est à dire après le départ de Mario Draghi de la banque centrale italienne.

La BoI n'avait pas enclenché de procédure de sanction - toujours en cours - avant l'année suivante. Les actionnaires de Monte Paschi n'ont été informés des irrégularités que le mois dernier.

La BoI a dit avoir informé la justice de ses inquiétudes au sujet des contrats de dérivés au cours de l'année 2012 alors même que les juges enquêtaient déjà sur la banque depuis novembre 2011 et peut même avant cette date.

"Nous pouvons peut-être apparaître trop lents, mais je pense que c'est délibéré.", a dit la source.

Bien que Monte Paschi ne se soit pas conformée aux demandes de la BoI, le mal était déjà fait au moment de l'inspection en 2010, a aussi souligné ce responsable de la banque centrale italienne.

"Ce qui a été fait après consistait à essayer de masquer les pertes mais il ne s'agissait pas de mauvaises conduites récurrentes ou qui allaient en s'aggravant", a-t-il poursuivi.

La Banque d'Italie est elle même visée par une enquête judiciaire pour les défauts présumés de la surveillance et du contrôle de Monte Paschi après une plainte d'une association de consommateurs.

Pour le responsable de la BoI un renforcement de ses pouvoirs de sanctions serait bienvenu avec notamment la possibilité de renvoyer individuellement certains dirigeants sans nécessairement démettre le conseil d'administration dans son ensemble comme elle peut d'ores et déjà le faire.

"Si nous pouvions obtenir ce pouvoir, ce serait certainement un outil supplémentaire mais je ne souscris pas à l'idée selon laquelle nous n'aurions pas de pouvoirs suffisants et que l'exercice de nos pouvoirs n'a pas été efficace", a-t-il dit.

Marc Joanny et Pierre Sérisier pour le service français

par Gavin Jones