* Le plan fait sauter un tabou et taxe les dépôts bancaires

* Le président affirme que Chypre n'avait pas le choix

* Un vote positif des députés pas assuré

* Ruée sur les distributeurs automatiques

par Michele Kambas

NICOSIE, 17 mars (Reuters) - Le parlement chypriote doit se prononcer dimanche sur le plan de sauvetage de dix milliards d'euros adopté samedi par les ministres des Finances de la zone euro et qui enfreint un tabou en taxant les épargnants.

Les Chypriotes ont appris samedi avec stupéfaction que le renflouement de leur pays se ferait au prix d'une taxation de leurs dépôts bancaires de 9,9% pour les dépôts supérieurs à 100.000 euros et de 6,7% en deçà.

Ils se sont rués sur les distributeurs automatiques pour retirer des fonds, ce qui fait que de nombreux guichets étaient hors service en milieu d'après-midi. Les sociétés de crédit mutualistes, normalement ouvertes le samedi, ont été contraintes de fermer pour empêcher une ruée sur les dépôts.

La séance à la Chambre des représentants, le parlement monocaméral de l'île, débutera à 16h00 (14h00 GMT).

Cette taxe sur les dépôts bancaires devrait permettre de lever six milliards d'euros.

Chypre est le cinquième pays de la zone euro après la Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne à obtenir une aide financière dans le contexte de la crise de la dette, mais le seul à voir ses épargnants mis à contribution.

Le nouveau président chypriote, le conservateur Nicos Anastasiades, a déclaré samedi soir qu'un refus du sauvetage aurait entraîné la faillite des deux principales banques de l'île, très exposées à la crise grecque.

Il n'a pas cité leur nom, mais il se réferrait à la Banque populaire de Chypre, et à la Banque de Chypre , principal établissement de l'île.

Chypre n'avait le choix qu'entre "le scénario catastrophique d'une faillite désordonnée ou celui d'une gestion douloureuse mais maîtrisée de la crise", a déclaré le chef de l'Etat qui doit s'adresser à la nation dimanche.

DILEMME

En tout cas, c'est une condition sine qua non du plan de sauvetage, qui vise avant tout à recapitaliser les banques. Sont concernés aussi bien les riches Russes qui ont placé leur argent à Chypre, que les Européens domiciliés dans l'île, et les Chypriotes eux-mêmes.

L'importance des dépôts étrangers à Chypre, estimés à 37% du total, a été une des raisons qui ont incité les dirigeants de l'Eurogroupe à décider de brandir l'arme fiscale.

La taxation prendra effet à la réouverture des banques mardi. La mesure doit être ratifiée par le parlement avant la réouverture des banques, lundi étant jour férié à Chypre. Les transferts électroniques ont été interrompus pendant le week-end.

Le Rassemblement démocrate, le parti du président, dispose de 20 sièges sur les 56 que comptent le parlement. Il a donc besoin d'autres partis pour que le "oui" au plan l'emporte.

"C'est un très gros dilemme", commente Marios Karoyian, chef du Parti démocratique, qui fait partie de la coalition au pouvoir. "Les choses sont incroyablement difficiles."

Il n'a pas dit comment son parti entendait voter dimanche.

Le Parti progressiste des travailleurs (Akel, communiste), devrait voter contre. Les sociaux-démocrates du parti Edek ont qualifié les exigences de l'Union européenne d'absurdes.

"C'est inacceptable. Nous sommes contre", a déclaré Adonis Yiangou du Parti des Verts, plus petit groupe parlementaire, mais à même de faire pencher le vote dans un sens ou un autre.

"Nous avons un pistolet contre la tempe", a-t-il dit.

Sauver le secteur financier chypriote aurait été impossible sans la taxe sur les dépôts compte tenu de sa taille par rapport au PIB du pays, a déclaré à Bruxelles le ministre néerlandais des Finances, et président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. (Danielle Rouquié pour le service français, édité par)