Paulic Meunerie, Groupe familial breton né en 1957, est spécialisé sur les farines de haute qualité. En 2018, le groupe a produit 22 000 tonnes de farines pour 700 clients (industriels pour moitié, artisans boulangers, GMS, restaurateurs, etc. pour le solde). La société, qui compte 34 collaborateurs, a réalisé 8,2 M€ de chiffre d’affaires en 2018, pour un résultat d'exploitation de 38 K d'euros. La croissance et les résultats ont peu évolué ces dernières années. Jusque-là, on ne voit pas vraiment ce qui motive une introduction en Bourse. Mais à y regarder de plus près…

Pourquoi la Bourse ?

Paulic Meunerie s’est engagé depuis 2016 dans un vaste programme de modernisation et d’extension industrielle intégrant des outils automatisés "4.0" qui doivent permettre de tripler ses capacités de production d’ici à la fin du premier semestre 2020. Les travaux seront achevés en 2020 et le nouvel outil industriel sera alors pleinement opérationnel, déclenchant la montée en charge de la production de farine de froment de blé noir. La stagnation de l’activité et le maintien du résultat à un niveau bas ces dernières années serait donc lié à cette longue phase d’investissement et de recrutement de nouvelles compétences. La capacité historique du groupe à générer des profits et à se développer sur ses métiers traditionnels serait donc démontrée à partir de cette année.

Par ailleurs, cet investissement de 10 M€ en 4 ans a été majoritairement financé par l’endettement, estimé au 31 décembre 2019 à 8,6 M€, soit environ 5x les fonds propres de l’entreprise. La Bourse doit donc permettre d’améliorer la situation financière.

Surtout, les ambitions de Paulic Meunerie ne s’arrêtent pas au fort développement (x3) de ses activités de meunier traditionnel spécialiste des farines labellisées (Label Rouge, Agriculture Biologique, Indication Géographique Protégée sur les farines de blé noir de Bretagne, …). Cela ne suffirait d’ailleurs probablement pas à la réussite de son IPO. Paulic Meunerie compte s’appuyer sur un procédé innovant qu’il développe depuis 15 ans et qui a fait l’objet d’un dépôt de brevet : Oxygreen©. Ce procédé est un traitement d’ozonation (à base d’ozone) qui permet la purification des grains de blés destinés à la production de farines pour l’alimentation humaine (Qualista® : une farine blanche très haut de gamme axée sur la nutrition santé) et de son pour l’alimentation des insectes d’élevage (Nourrifibre® : un son de blé ozoné, idéal pour l'alimentation des insectes d'élevage).

7 M€ ont été investis dans le développement continu de ce procédé auquel une petite équipe de 4-5 personnes se consacre en interne, en plus des partenariats externes (comme l’Institut UniLaSalle, première école agricole française). 5 brevets internationaux détenus à 100% par Paulic Meunerie ont été déposés. Le budget annuel consacré à la R&D par l’entreprise restera soutenu dans les prochaines années, autour d’1 M€.

L’ozone serait le seul oxydant permettant d’éliminer les produits chimiques en ne laissant aucune trace. Par rapport aux normes européennes, il divise les taux de pesticides par 20 et les taux de mycotoxines sont réduits de 30 à 50%.

Les deux produits traités par ozonation (Qualista et Nourrifibre) sont proposés depuis de nombreuses années mais ne représentent actuellement que 11% du CA de Paulic. La dynamique en place est cependant solide, avec une progression de 19% en 2018, tirée par Nourrifibre (+33%).

Le management nous a indiqué que la production avait jusqu’ici été surtout limitée par la capacité de production du prototype industriel que par la demande, en pleine accélération sur les deux produits. Un prototype permettant de produire en continu sera mis en production fin 2020 afin de pouvoir commencer à produire industriellement et ainsi répondre au décollage de l’alimentation des insectes d’élevage (entomoculture). La fillière de l’entomoculture connait actuellement un très fort développement dans un monde où le besoin croissant de l’homme en protéines se heurte à des problèmes environnementaux. Paulic estime le marché européen de la protéine d’insectes représente un besoin d’approvisionnement en son de blé de l’ordre de 800 000 tonnes à l’horizon 2023, soit une valeur potentielle de l’ordre d’1 Md€ au prix actuel pratiqué pour Nourrifibre®.

Quant à Qualista, la farine haut de gamme destinée à la boulangerie, elle serait de plus en plus recherchée pour sa pureté sanitaire et son goût jugé supérieur. Cette farine permet notamment une panification sans additifs ni conservateur et se révèle plus digeste, avec en particulier un taux de gluten réduit. Qualista "a de l’avance en termes de caractéristiques techniques, même par rapport aux farines biologiques dont le prix de vente est similaire, autour de 850 € la tonne" remarque Jean Paulic. Et d’illustrer : "Notre client La Huche à Pain à Vannes, qui se fournit intégralement chez nous, connait un tel succès avec notre farine qu’il a récemment ouvert un quatrième point de vente".

D’où les besoins de financement supplémentaires. La production industrielle des deux produits innovants et les investissements de capacité et de productivité sur l’activité historique du groupe nécessitent un investissement supplémentaire de 9 M€ d’ici 2023.

Un business plan ambitieux

Ces investissements doivent permettre de dégager une croissance annuelle du CA de 55% d’ici 2023 pour atteindre 50 M€ de CA. Cette croissance doit s’accompagner d’une amélioration du mix produits puisque la part des 2 produits purifiés par le procédé Oxygreen© devrait atteindre les 50% en 2023 et ainsi permettre une remontée de la marge brute entre 50 et 55%, contre 40% actuellement.

L’opération d’introduction en Bourse qui se déroule jusqu’au 12 février doit permettre de lever environ 6 M€, les 3 M€ restant ayant vocation à être autofinancés.

Sur la base d’un prix d’introduction median de 7,43€, la capitalisation boursière avoisinerait les 29 M€, soit une valeur d’entreprise légèrement supérieure à 30 M€ après l’introduction, pour un CA actuel d’environ 10 M€ qui doit passer à 50 M€ dans 3 ans. 

Pour conclure, disons que ce projet ambitieux et enthousiasmant pour son fort potentiel sur l’élevage d’insectes présente néanmoins des risques d’exécution importants :

  • D’un point de vue industriel d’une part : le prototype de réacteur d’ozonation de seconde génération ne sera mis en service qu’au quatrième trimestre 2020 et un premier exemplaire industriel du réacteur d’ozonation de seconde génération sera mis en route en 2022, avant un autre en 2023. On ne peut exclure le risque que des retards puissent impacter le montage de ces nouvelles installations et donc sa capacité à produire les volumes prévus dans les temps prévus.
  • D’un point de vue commercial d’autre part, avec une forte concentration de la clientèle à ce jour puisque 26% du CA total est réalisé avec 1 client "acteur important de la biscuiterie industrielle" et que la société ne compte pour l’instant que 2 clients pour son produit Nourrifibre.
  • D’un point de vue financier, avec un taux d’endettement qui restera élevé sur la durée du business plan.
  • D’un point de vue technologique enfin avec le risque de voir un concurrent développer de nouvelles technologies plus performantes et plus rentables que celles développées par Paulic, même s’il faut reconnaitre que le procédé existe déjà depuis des années et reste en pointe.

NB : les illustrations et la vidéo sont la propriété de la société Paulic Meunerie.