Zurich (awp) - Face à la fronde de ses actionnaires, dont celui de référence Freenet, Sunrise fait machine arrière dans ses plans pour s'emparer d'UPC Suisse. En accord avec le vendeur du câblo-opérateur zurichois, le géant américain Liberty Global, le numéro deux suisse des télécommunications annule l'assemblée générale extraordinaire agendée mercredi.

Dans un communiqué diffusé mardi, Sunrise précise avoir amendé le contrat d'achat des titres d'UPC Suisse, Liberty Global ayant consenti à l'annulation de l'assemblée générale extraordinaire. Pour mémoire, les actionnaires de l'opérateur établi à Zurich devaient se prononcer sur une augmentation de capital de 2,8 milliards de francs suisses afin de financer une partie des 6,3 milliards prévus pour la transaction.

"Au vu des indications claires reçues des actionnaires et l'annonce de Freenet de voter contre l'augmentation de capital lors de l'assemblée générale extraordinaire", le conseil d'administration de Sunrise a conclu qu'une "nette majorité d'actionnaires ne soutiennent pas l'augmentation de capital, écrit Sunrise. L'opérateur allemand Freenet, lequel détient près du quart des titres de Sunrise, soit une participation de 24,5%, avait manifesté son opposition à cette dernière opération.

Sunrise, qui prévoyait dans un premier temps de faire passer à la caisse ses actionnaires à hauteur de 4,1 milliards de francs suisses, avait bien tenté d'amadouer la résistance en réduisant l'augmentation de capital à 2,8 milliards. Mais la mesure, décidée avec le consentement de Liberty Global et un apport de 500 millions, s'est révélée insuffisante. En cas de succès du rachat d'UPC, le géant américain détiendrait 7,8% de Sunrise.

Opposition renforcée

Critiquant la structure de la transaction, jugée désavantageuse pour les actionnaires de Sunrise, le directeur général de Freenet estimait en outre trop élevé le prix d'achat d'UPC Suisse. La direction de l'opérateur d'outre-Rhin avait aussi émis des réserves quant à la justification stratégique de l'acquisition, jugeant peu judicieuse la reprise d'un réseau câblé à un tel prix à l'heure où la technologie mobile de dernière génération (5G) prend son envol.

Revenant récemment sur l'argumentaire, le patron de Sunrise, Olaf Swantee, avait jugé "absurde" de croire que la technologie mobile 5G pouvait remplacer le réseau câblé d'UPC, dont la vitesse peut atteindre 1 gigabit par seconde (Gbit/s). Il avait dans la foulée rappelé que la couverture de la 5G à l'intérieur des bâtiments n'était pas aisée.

L'actionnaire activiste Active Ownership Capital (AOC), également allemand, avait emboîté le pas à Freenet en rejoignant le camp des opposants à la reprise d'UPC Suisse, lequel exploite le plus grand réseau câblé de Suisse. Plus récemment, l'influente société américaine de conseils aux actionnaires ISS, laquelle représente selon Reuters pas moins de 30% des droits de vote, s'était ralliée à la fronde.

Plusieurs importants actionnaires de Sunrise, tels que l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada (OIRPC), organisme public du Canada en charge de la gestion financière des fonds de retraites des Canadiens ou la société de conseils aux actionnaires Glass Lewis, avaient apporté leur soutien aux dirigeants de Sunrise. Tout comme, Ethos et zRating.

Echec en vue

Cité dans le communiqué, Peter Kurer, le président du conseil d'administration de Sunrise, "regrette l'annulation de l'assemblée générale. "Nous avons consacré énormément de temps à échanger avec l'ensemble de nos actionnaires et demeurons convaincus de la logique stratégique et financière prometteuse de cette acquisition", ajoute M. Kurer.

Sunrise indique que le contrat d'achat signé avec Liberty Global "demeure en vigueur à moins qu'il ne soit résilié par l'une ou l'autre partie" et cela jusqu'au 27 février 2020. Ce pas, apparemment justifié par le fait que l'accord entre Sunrise et le groupe américain prévoit le versement par le premier d'une indemnité de 50 millions de francs suisses en cas de rupture des dispositions, laisse augurer de l'échec de la reprise d'UPC, plus grosse opération de ce genre en Suisse à ce jour.

Revenant sur les demandes de révocation de Peter Kurer et de l'administrateur Jens Jesper Ovesen, Sunrise note par ailleurs que celles-ci seraient rejetées par une majorité d'actionnaires. Exigeant leur départ, le gestionnaire de fonds luxembourgeois Axxion avait réclamé l'inscription de ce point à l'ordre du jour de l'assemblée générale extraordinaire.

UPC Suisse a pour sa part fait savoir qu'il poursuivait ses objectifs, à savoir renouer avec les chiffres noirs. Contactée par AWP, une porte-parole du premier exploitant helvétique de réseaux câblés a renvoyé à Liberty Global pour toute information supplémentaire.

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