PARIS, 3 décembre (Reuters) - Les députés français ont adopté mardi une proposition de résolution controversée visant à lutter contre l'antisémitisme qui a occasionné un vif débat au sein de la majorité.
Le texte, non contraignant juridiquement, a été adopté par 154 voix contre 72. Signe des divisions à La République en marche (LaRem), 84 députés du parti présidentiel ont voté pour, 26 contre et 22 se sont abstenus.
"La haine n'a pas sa place en République, l'intolérance n'a pas sa place en France", a déclaré dans l'hémicycle avant le vote le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, faisant notamment référence à la profanation le même jour de tombes juives dans un cimetière du Bas-Rhin.
"Cette proposition de résolution est une avancée dans notre lutte contre l'intolérance", a ajouté le ministre, qui a aussi dénoncé dans son propos "les atteintes anti-chrétiennes" et "anti-musulmanes".
Le malaise était palpable depuis quelques temps dans la majorité sur ce texte défendu par le député LaRem Sylvain Maillard, avec le soutien du délégué général de LaRem et du président du groupe, Stanislas Guerini et Gilles Le Gendre.
Des divergences se sont encore exprimées mardi matin en réunion de groupe, que certains élus LaRem ont quitté en signe de désaccord, ont rapporté des participants.
Le lien fait dans les motivations du texte entre antisionisme et antisémitisme a notamment été discuté, de même que l'opportunité de créer, comme l'a proposé Gilles Le Gendre, une mission d'information "sur l'évolution des différentes formes de racisme et de discrimination".
Le texte reprend une définition de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) selon laquelle "l'antisémitisme est une certaine perception des juifs pouvant s'exprimer par la haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des individus juifs et non juifs et/ou leurs biens, contre des institutions de la communauté juive et contre les institutions religieuses juives".
Lors du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), en février dernier, le président Emmanuel Macron avait jugé que l’antisionisme représentait "une des formes modernes de l’antisémitisme".
Associer antisémitisme et antisionisme est "hautement problématique", a estimé pour sa part un collectif de 127 intellectuels juifs du monde entier, qui a appelé les députés français à refuser la proposition de résolution.
"Nos opinions sur le sionisme peuvent être diverses, mais nous pensons tous, y compris ceux qui se considèrent comme sionistes, que cet amalgame est fondamentalement faux. Pour les nombreux juifs se considérant antisionistes, cet amalgame est profondément injurieux", ont-il notamment écrit dans une tribune publiée lundi dans le quotidien Le Monde. (Elizabeth Pineau)