* La génération de trésorerie de Shell dépasse celle d'Exxon et des autres en 2018

* Exxon a tardé à réduire ses coûts lorsque les cours pétroliers étaient bas

* Exxon augmente ses investissements, Shell et ses pairs restent économes

par Ron Bousso

LONDRES, 8 février (Reuters) - Royal Dutch Shell a accentué son avance de champion des liquidités face à Exxon Mobil en 2018 parmi les plus grandes sociétés pétrolières et gazières du monde, mais le groupe américain pourrait rattraper son retard grâce à sa stratégie d'investissements dans de nouvelles productions.

Avec Exxon et Shell, les trois autres majors pétrolières sont l'américaine Chevron, la britannique BP et la française Total.

Les cinq ont plus que triplé leurs bénéfices et doublé leur génération de trésorerie depuis 2016, leurs réductions de coûts drastiques ayant porté leurs fruits après le net ralentissement provoqué dans le secteur par la chute des cours pétroliers il y a deux ans.

Contrairement à ce qui se passait lors des cycles précédents, la plupart des dirigeants promettent de rester économes, le souvenir de la chute du prix du pétrole sous la barre des 30 dollars le baril en 2016 étant toujours frais et les perspectives restant floues.

Les rois du cash :

Pour les investisseurs, le parcours a été cahoteux.

Ces cinq dernières années, les grandes compagnies pétrolières ont largement sous-performé les marchés boursiers mondiaux. La chute brutale des cours du brut au dernier trimestre 2018, sous la barre des 50 dollars le baril après un plus haut de quatre ans à 86 dollars en octobre, a rappelé cette période d'incertitudes.

Toutefois, les résultats plus solides que prévu affichés la semaine dernière pour le quatrième trimestre 2018, ont donné un coup de pouce au secteur. Les majors ont surpris les investisseurs par leur capacité à générer des bénéfices avec un prix du pétrole autour de 50 dollars le baril.

Actuellement, le baril de Brent de référence se négocie autour de 60 dollars.

"Le moteur cyclique est la hausse des prix du pétrole et des marges de raffinage élevées mais sous-tendu par un mouvement structurel visant à abaisser les points morts, ce qui entraîne une augmentation des flux de trésorerie", a déclaré Rohan Murphy, analyste énergie chez Allianz Global Investors.

"Je pense que les entreprises vont rester disciplinées", a-t-il déclaré. "Lorsque je rencontre les dirigeants de ces sociétés, elles sont enthousiastes pour l'avenir plutôt que de se sentir contraintes."

Evolution des profits des majors pétrolières :

Evolution du cash-flow :

Pour le moment, Exxon est un cas particulier car elle accroît ses dépenses pour développer des projets de grande envergure en Guyane et au Mozambique, ainsi que pour son portefeuille de gisements de schistes aux Etats-Unis.

La société, qui reste la plus grande entreprise du secteur en termes de production et de taille du marché, a été lente à réagir à la chute des cours du brut, en retard sur ses rivales ces trois dernières années lorsque celles-ci ont réduit leurs coûts et leurs effectifs et vendu des actifs.

Mais sous la direction de Darren Woods, qui a succédé à Rex Tillerson lorsque celui-ci est devenu secrétaire d'Etat en 2017, Exxon opère de profonds changements dans ses activités et sa structure afin de rattraper son retard.

La course à la production :

Exxon doit augmenter cette année ses dépenses d'investissements pour les porter à 30 milliards de dollars, contre 26 milliards en 2018. Elle essaie aussi de vendre d'importants actifs en Azerbaïdjan et en Tanzanie.

Darren Woods, en présentant aux analystes les résultats trimestriels du groupe, a déclaré qu'Exxon accélérerait ses désinvestissements.

"Exxon Mobil a beaucoup moins actionné le levier du désinvestissement que ses pairs depuis cinq à dix ans", a commenté Doug Terreson, analyste chez Evercore ISI. "Le moment est venu pour eux de céder des actifs et d'utiliser le produit de ces ventes pour réinvestir dans des domaines de meilleure qualité."

Exxon s'est engagé à doubler ses bénéfices et son cash-flow opérationnel d'ici 2025.

Shell devrait conserver sa couronne de championne de la génération de trésorerie jusqu'à la fin de la décennie grâce à sa production en hausse et sa domination dans le gaz naturel liquéfié (GNL).

Mais les productions nouvelles d'Exxon devraient réduire considérablement l'écart, selon les estimations de HSBC, qui conseille de "conserver" le titre Shell et d'"acheter" Exxon.

Tandis qu'Exxon investit massivement dans sa production future, la croissance de la production de Shell devrait décélérer après les années fastes qui ont suivi l'acquisition de sa concurrente BG Group en 2016.

Pour Shell et les autres concurrents qui ont freiné leurs investissements, la course aux nouvelles réserves pétrolières et gazières pour remplacer les gisements en voie d'épuisement sera un défi majeur, a estimé Darren Sissons, gérant de portefeuille chez Campbell, Lee & Ross.

"La prochaine vague d'Exploration & Production a été lancée plutôt mollement par Exxon et BP l'année dernière mais tous les autres les ont maintenant rejoints."

(Avec Gary McWilliams à Houston, Dominique Rodriguez pour le service français)

Valeurs citées dans l'article : BP, Chevron Corporation, Total, Exxon Mobil Corporation