Dans une interview au Figaro, Henri Poupart-Lafarge ajoute que ce projet de mariage dans le ferroviaire n'"aura pas de seconde chance" en cas de veto de la Commission et qu'"Alstom et Siemens (...) repartiraient chacun de leur côté".

"Il est probable que les équipes de la Commission, ses services, proposent en effet d'interdire l'opération", dit le PDG d'Alstom. "Une telle position (...) n'est clairement pas le résultat d'une application, même stricte, des règles de concurrence. Elle est dictée par des préjugés idéologiques."

Soutenus par les gouvernements français et allemand, Alstom et Siemens souhaitent créer un champion européen du ferroviaire mieux capable d'affronter la concurrence internationale, notamment celle du numéro un mondial du secteur, le chinois CRRC.

La future entité issue de ce rapprochement serait la deuxième plus grande entreprise ferroviaire du monde avec un chiffre d’affaires combiné d’environ 15 milliards d’euros, deux fois celui du groupe canadien Bombardier mais seulement la moitié de celui de CRRC.

La Commission européenne a exprimé ses craintes sur les conséquences d'un tel mariage en termes de concurrence.

Henri Poupart-Lafarge rappelle les concessions proposées par Alstom et Siemens, notamment dans la signalisation. "Nous nous sommes engagés à céder des actifs représentant 4% du chiffre d'affaires combiné du nouveau groupe. Dans la signalisation, cela représente l'équivalent de la moitié de l'activité d'Alstom en Europe", dit-il.

DIVIDENDE EXCEPTIONNEL REMIS EN CAUSE

Pour le PDG d'Alstom, l'analyse de l'exécutif européen relève de la "posture" et "s'arrête aux bornes de l'Europe" sans tenir compte du fait que "d'autres acteurs dans le monde ne jouent pas le même jeu".

"Certains souhaitent manifestement punir le concept même de champion européen. Pour eux, c'est un épouvantail", dit-il. "Je ne vois pas ce qu'on aurait pu faire différemment. Que cherchent-ils à la fin? Que l'on vende les fleurons technologiques à des acteurs non-européens?"

Henri Poupart-Lafarge indique également qu'attaquer un veto de la Commission européenne en justice ne sera "pas (une) priorité" pour son groupe.

La semaine dernière, le président du directoire de Siemens, Joe Kaeser, a lancé un ultime appel aux autorités européennes de la concurrence, tout en semblant se résigner à un rejet. Il a déclaré que le groupe allemand accepterait la décision de Bruxelles, qui pourrait être rendue dès mercredi.

Henri Poupart-Lafarge estime pour sa part qu'"un veto serait une très mauvaise nouvelle pour l'industrie européenne".

"L'Europe, me semble-t-il, scierait la branche sur laquelle elle est assise. Mais si cela devait arriver, Alstom et Siemens, dont les relations sont excellentes, repartiraient chacun de leur côté", déclare-t-il.

"Il est beaucoup trop tôt pour envisager de nouvelles opérations", ajoute-t-il, en affirmant qu'Alstom "est, avec son plan stratégique à l'horizon 2020, engagé dans une stratégie gagnante".

Henri Poupart-Lafarge souligne également qu'un refus de l'exécutif européen remettrait en cause le versement d'un dividende exceptionnel aux actionnaires d'Alstom prévu en cas de fusion avec Siemens. "Ces dispositions tomberaient", dit-il.

(Bertrand Boucey et Catherine Mallebay-Vacqueur)

Valeurs citées dans l'article : Alstom, Siemens, CRRC Corp Ltd