Zurich (awp) - La menace que représente la croissance des grandes entreprises technologiques américaines sur le marché suisse des médias n'est pas perçue à sa juste mesure, estime le directeur général de Tamedia, Christoph Tonini. "Nous avons l'impression que le public ne réalise pas ce qui est en train de se passer", signale-t-il dans une interview parue lundi sur le site persönlich.ch.

"Même pour les professionnels de la branche, il n'est presque pas possible d'imaginer la vitesse à laquelle s'opère cette mutation", poursuit-il. Citant des "informations fiables", il affirme que le chiffre d'affaires cumulé de Google et de Facebook en Suisse se monte désormais à 1,4 milliard de francs suisses, et que les deux géants du net atteindront cette année une croissance supérieure à l'ensemble des recettes annuelles de Tamedia Digital.

Considérant la croissance rapide de ses rivaux d'outre-Atlantique, le patron de Tamedia ne ménage pas ses critiques à l'endroit de l'autorité helvétique de surveillance. Selon lui, les procédures de la Commission de la concurrence (Comco) sont "irréalistes" au vu de l'hégémonie de Google et Facebook sur le marché publicitaire.

Lenteur pointée du doigt

Revenant sur plusieurs transactions importantes pour la branche - reprise de la Basler Zeitung, rapprochement AZ/NZZ, Goldbach/Tamedia - M. Tonini reproche au gendarme de la concurrence d'examiner pendant des mois si elles débouchent sur une situation de position dominante, "alors que le marché suisse de la publicité voit refluer plus d'argent jour après jour".

A cela s'ajoute l'entrée en lice d'un troisième géant technologique, le distributeur Amazon, qui pourrait - selon le chef de Tamedia - rapidement supplanter la concurrence. "Nous nous demandons si la Comco perçoit cette situation dramatique, et espérons qu'elle n'entravera pas en fin de compte une solution suisse dans le combat contre les géants d'internet".

Interrogé sur la non-participation de Tamedia dans la régie publicitaire Admeira, M. Tonini dénonce un mélange des genres qui dénote une "approche erronée". A ses yeux, le fait qu'un acteur privé comme Ringier s'associe à des entreprises financées par des fonds publics comme Swisscom et la SSR afin de s'assurer un avantage concurrentiel est une erreur.

Même s'il estime qu'Admeira restera "fondamentalement" un concurrent de la future entreprise fusionnée Tamedia/Goldbach, le dirigeant n'exclut pas que dans certains domaines, les deux rivaux pourraient s'allier en développant une infrastructure commune.

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