(Répétition sans changement d'une dépêche transmise vendredi)

* L'optimisme perdure pour 2018 malgré des risques bien présents

* Les Etats-Unis et la Chine à surveiller

* La normalisation monétaire des banques centrales interroge

* Les actions gardent la cote malgré des signes de nervosité

* L'inflation et la volatilité pourraient faire leur retour

par Patrick Vignal

PARIS, 18 décembre (Reuters) - Après 12 mois étonnamment cléments pour les marchés, gérants et analystes tournent leurs regards vers une année 2018 dont ils attendent quelques turbulences mais pas nécessairement de catastrophe.

Avec une croissance solide et synchronisée à l'échelle mondiale, des profits d'entreprises toujours en hausse malgré des valorisations tendues et des politiques monétaires encore relativement accommodantes de la part des grandes banques centrales, 2017 aura dépassé les attentes des stratèges de tout poil, en particulier pour les actions.

L'indice MSCI ACWI (all country world index) , qui regroupe 47 marchés développés et émergents, affiche ainsi un bond de 19,7% depuis le début de l'année, soit sa meilleure performance annuelle depuis 2013.

La progression quasi linéaire des marchés actions cette année est allée de pair avec une volatilité à ses plus bas niveaux depuis près d'un quart de siècle.

L'indice Vix, qui mesure la volatilité implicite des options sur l'indice S&P 500, a même touché un plus bas historique fin novembre, à 8,56. Pour rappel, il avait atteint un pic à 89,53 en octobre 2008, au plus fort de la crise financière.

Les sociétés de gestion et les banques d'investissement présentent en ce moment leurs conseils d'investissement pour l'an prochain et préconisent presque toutes la même chose, à savoir de privilégier encore les actions.

Elles affichent souvent une préférence pour les actions de la zone euro et des pays émergents mais aussi du Japon, au détriment des emprunts d'Etat, jugés chers et peu rentables dans un environnement de taux encore très bas, voire négatifs.

Les investisseurs aimeraient vraiment que la fête continue mais reconnaissent tout de même que quelques nuages assombrissent l'horizon, au premier rang desquels un cycle économique particulièrement avancé aux Etats-Unis, l'endettement préoccupant de la Chine et les obstacles que devront surmonter les instituts d'émission sur la voie du resserrement monétaire.

INQUIÉTUDES SUR LA CHINE

"C'est clairement aux Etats-Unis qu'il y a le plus d'incertitudes", juge Anton Brender, chef économiste de Candriam.

Les intervenants pointent notamment le manque de visibilité sur la politique économique de Donald Trump, dont la réforme fiscale peine à voir le jour avec un financement qui reste flou et un impact sur la croissance qui serait limité, selon certains économistes.

La Chine, elle, offre le profil d'un pays susceptible de connaître une crise économique mais ce scénario ne devrait pas se produire l'an prochain, estime pour sa part la banque privée suisse Pictet.

"La Chine a totalement modifié la régulation de l'économie mondiale et, étant donné sa taille actuelle, fait face, comme toute économie émergente qui devient mature, à un défi qui est de faire atterrir son taux de croissance sans krach financier et sans récession, ce qu'aucun pays émergent n'a réussi", déclare Christophe Donay responsable de l'allocation d'actifs et de la recherche macroéconomique de Pictet Wealth Management.

La raison pour laquelle, selon lui, une crise n'interviendra pas tout de suite est que les autorités chinoises continuent à gérer le ralentissement économique avec des injections de crédit et des dépenses d'investissement quand le besoin s'en fait sentir.

Le fait que l'indice composite de la Bourse de Shanghai vienne de boucler sa cinquième baisse hebdomadaire consécutive appelle toutefois à la vigilance.

La Bourse de Shanghai en 2017

Même si les marchés ont fait preuve d'une étonnante résistance aux tensions géopolitiques cette année - troubles au Moyen-Orient et instabilité dans la péninsule coréenne entre autres -, ces menaces restent par ailleurs bien présentes.

"Des situations qui semblent contenues peuvent rapidement dégénérer et déclencher des ventes massives", prévient Edward Bonham Carter, vice-président de la société de gestion Jupiter.

L'INFLATION SE FAIT DÉSIRER

La principale interrogation repose néanmoins sur le changement de régime monétaire des grandes banques centrales.

Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale (Fed) a annoncé mercredi, comme prévu, qu'elle relevait ses taux d'intérêt pour la troisième fois de l'année. Malgré une accélération anticipée de la croissance de la première économie mondiale, la banque centrale américaine a dit prévoir trois hausses de taux en 2018, la même trajectoire que celle tracée en septembre.

La BCE a suivi le mouvement jeudi en laissant comme attendu ses taux inchangés et en adoptant un ton toujours relativement accommodant malgré la vigueur de la reprise économique en zone euro.

A suivre, la Banque du Japon, qui devrait se prononcer jeudi elle aussi pour un statu quo, même si son gouverneur, Haruhiko Kuroda, a laissé entendre au début du mois que l'évolution de la situation économique pourrait nécessiter un relèvement de l'objectif de rendement de l'institut qu'il préside.

Il reste une inconnue en ce qui concerne l'inflation et les salaires, qui refusent obstinément de décoller, même aux Etats-Unis, qui connaissent pourtant une situation proche du plein emploi.

"Dans un contexte de réduction de l'utilisation des capacités de production, nous nous attendons à ce que l'inflation mondiale et la croissance des salaires se mettent à augmenter de manière graduelle", prédit Darren Williams, Senior European Economist chez AllianceBernstein.

DES MARCHÉS TROP COMPLAISANTS ?

La poursuite de la normalisation des politiques monétaires pourrait toutefois alimenter un peu plus de volatilité l'année prochaine.

"Comment l'économie américaine réagira-t-elle à des taux plus élevés ? Comment la réduction du bilan des banques centrales influera-t-elle sur les prix des actifs ?", s'interroge ainsi Darren Williams.

Déjà, les signes de nervosité se sont multipliés ces dernières semaines.

"Depuis quelques mois, les 'stress de crédit' se multiplient (...) sur des sociétés très endettées avec une rentabilité sous pression", note Malik Haddouk, directeur de la gestion diversifiée de CPR Asset Management, en référence notamment au décrochage des cours du groupe de médias Altice ou du spécialiste des médicaments génériques Teva.

Des décrochages spectaculaires

(Altice, Elior, Europcar, Steinhoff, Teva)

"Ce sont des piqûres de rappel, il faut que le marché soit moins complaisant" à l'égard des sociétés lourdement endettées, juge pour sa part Laurent Gaetani, directeur général de Degroof Petercam Gestion.

Il en faudrait davantage toutefois pour susciter la méfiance des analystes envers les marchés d'actions.

"Un cycle économique ne meurt pas de vieillesse mais de mort violente, il faut un choc d'ampleur, et ce choc, on ne le voit pas venir en 2018", dit Maxime Alimi, responsable de la stratégie d'investissement d'Axa IM, qui se déclare, comme nombre de ses confrères, raisonnablement optimiste à moyen terme.

LE POINT sur les perspectives de marchés 2018 GRAPHES-2018, l'année du retour de la volatilité GRAPHES-2018, l'année du retour de l'inflation

(édité par Blandine Hénault)

Valeurs citées dans l'article : Altice, Teva Pharmaceutical Industries Limited