Le premier groupe français par la capitalisation boursière, qui a mis l'accent ces dernières années sur une exploration ambitieuse et risquée pour faire progresser sa production, veut désormais réduire ses investissements et ses coûts et améliorer sa génération de trésorerie.

Son budget d'exploration devrait se situer autour de 2,9 milliards d'euros en 2014 après 2,8 milliards en 2013 et reculera en 2015, a déclaré son PDG lors d'une entretien accordé à Reuters.

"On va le réduire mais, en même temps, on ne va pas l'arrêter", a dit Christophe de Margerie.

"Pour l'instant ce n'est pas un succès en termes de résultats mais il faut quand même être naturellement engagés (...). L'exploration, ça met plus de deux ans à se faire", a-t-il ajouté.

"On fait notre politique, on la rendra claire pour tout le monde ; s'il faut la changer on la fera bouger mais il ne faudra pas non plus une révolution du style 'j'arrête tout et je recommence à zéro'."

Alors que Total n'a pas trouvé en 2013 le champ géant qu'il recherchait, le groupe a programmé cette année des forages "à forts enjeux" au Brésil, en Angola, en Côte d'Ivoire et en Afrique du Sud.

Christophe de Margerie a également déclaré que des difficultés géopolitiques pourraient contrarier l'objectif de Total d'atteindre des capacités de production de trois millions de barils par jour à fin 2017 mais que l'entreprise devait avant tout être jugée sur la bonne exécution de ses grands projets.

UNE GROSSE FUSION-ACQUISITION DIFFICILE À JUSTIFIER

"Les trois millions, je les assume, on expliquera pourquoi on ne les a pas faits si on ne les fait pas. Il est clair que si on continue à avoir des problèmes comme aujourd'hui au Nigeria, au Venezuela, en Libye et ailleurs (...), indépendamment de notre volonté, on ne va pas faire les trois millions", a-t-il dit.

"Si on ne fait pas les trois millions parce qu'il y a des problèmes liés à la géopolitique qui sont connus de tout le monde, ça ne nous posera aucun problème."

Sur l'ensemble de 2013, la production de Total est restée stable à 2,299 millions de barils.

Prié de dire si Total envisageait de grosses opérations de fusion-acquisition, Christophe de Margerie a estimé que son groupe n'avait pas de problème de taille.

"Aujourd'hui, il faudrait vraiment que je trouve des raisons pour que faire une opération de ce genre se justifie", a-t-il ajouté.

"La meilleure manière de réorganiser son portefeuille d'actifs et d'éventuellement rééquilibrer ses investissements, quand on pense pouvoir le faire, c'est par des 'joint-ventures'. On est davantage dans un métier, surtout pour la partie Amont (...), où les grandes opérations se font en fait par JV."

Interrogé sur la crise russo-ukrainienne et les risques qu'elle fait peser sur l'approvisionnement en gaz de l'Union européenne, Christophe de Margerie a estimé que l'Europe devait avant tout trouver des alternatives au transport par l'Ukraine et non chercher à "se protéger" contre Moscou.

"Peut-on se passer du gaz russe en Europe ? La réponse est non. Et est-ce qu'on a des raisons de s'en passer ? A mon avis, et je ne défends pas les intérêts de Total en Russie, c'est non", a-t-il dit.

"On a un problème cet hiver si on a une coupure et qu'il fait froid, c'est clair. Derrière, beaucoup de solutions sont en train de se monter pour éviter le problème de l'Ukraine, y compris par la Russie (...)."

Christophe de Margerie a également confirmé que son successeur serait choisi en interne, précisant qu'il proposerait lui-même un nom au conseil de Total, qui prendra sa décision.

(Avec Dmitry Zhdannikov, édité par Matthias Blamont)

par Benjamin Mallet et Michel Rose