En France

En dehors de la dégradation de la note financière de l'hexagone d'un cran par Fitch en avril, les journaux financiers ont fait leurs choux gras des déboires des grands noms de la cote. 

En octobre, l'équipementier ferroviaire Alstom a surpris les marchés en publiant une alerte sur ses flux de trésorerie : au premier semestre, le free cash flow affiche un creux d'1,15 milliard d'euros. L'annonce a précipité son titre vers les abysses : il cède 40% le jour même, et 47% depuis le 1er janvier. 

En juin, EDF est sorti de la cote. L'électricien français, en difficulté sur plusieurs projets nucléaires et grevé par une dette incommensurable, est nationalisé dans le cadre d'un accent mis sur l'énergie nucléaire par le gouvernement. 

Mis à terre en 2022 par la sortie du livre "Les Fossoyeurs", qui dévoilent une série de scandales humains, financiers et opérationnels au sein des maisons de retraite, Orpea a poursuivi sa chute inexorable tout au long de l'année. Au cours des dernières semaines, le lancement de plusieurs augmentations de capital successives puis le passage du groupe sous contrôle de la CDC ont porté le coup de grâce au titre. Il cède quasiment 100% sur l'année. 

Last but not least. Casino, l'empire de distribution de Jean-Charles Naouri, s'effondre sous ses dettes. Il multiplie les plans de sauvetage et les négociations avec les créanciers. Un rachat par le tandem Auchan-Intermarché se dessine au moment où j'écris ces lignes. L'action recule de 93% depuis janvier. 

Ah, j'oubliais. Notre concitoyen Bernard Arnault, patron de LVMH, s'est fait chiper la place d'homme le plus riche du monde par Musk et a glissé en troisième place, après Jeff Bezos. 

 

En Europe

Uniper, le géant allemand de l'énergie, a repris du poil de la bête. Sauvé in extremis par le gouvernement d'outre-Rhin fin 2022, le groupe a oscillé cette année au gré des spéculations sur sa situation financière et sur un désengagement de Berlin. Il reprend 32% cette année. 

ARM, le fleuron britannique des semi-conducteurs, propriété de l'investisseur japonais SoftBank, est entré en bourse mi-septembre. Après des longs mois d'hésitation, le groupe a choisi de s'introduire à New York, infligeant ainsi un camouflet à son pays d'origine et à la place boursière de Londres. 

Novo Nordisk, la pharma danoise qui a inondé le marché de ses médicaments coupe-faim, amaigrissants et efficaces dans la réduction des AVC, a aussi envahi les Unes de la presse. L'immense succès de ses traitements a propulsé la valorisation du groupe au-delà du PIB de son pays d'origine. La star incontestée de l'année s'octroie 46% de hausse depuis janvier. 

Les temps sont durs pour les acteurs de l'éolien. Contraintes d'approvisionnement, inflation et pénurie des composants, hausse des taux, désamour des investisseurs, abandon des politiques… Les vents contraires sont plus nombreux que ceux qui agitent les pales. Le danois Orsted cède 40% depuis le 1er janvier, et son homologue espagnol, Siemens Gamesa, a été retiré de la cote par sa maison-mère, tant ses difficultés semblaient insurmontables. 

Puisqu'on est dans les difficultés insurmontables, mentionnons Crédit Suisse sans nous y attarder trop longuement. La liste des impairs de la banque helvète est interminable, celle des mesurettes pour y mettre fin aussi. La blague est terminée, désormais, Crédit Suisse a été croqué par UBS. Le marché considère que la banque aux trois clefs n'a finalement pas fait une si mauvaise affaire : l'action UBS est en hausse de 53% cette année.

La dernière déroute marquante de l'année aura été celle de Signa, la foncière autrichienne propriétaire, entre autres, de l'iconique Chrysler Building de New York et de 27 milliards de dollars d'actifs immobiliers. Le groupe, très endetté, a été balayé par la hausse des taux d'intérêt. Plusieurs filiales ont déposé le bilan, les autres sont en cours de restructuration. Une poignée de banques européennes seraient dangereusement exposées au groupe. 

 

Aux Etats-Unis

L'Inflation Reduction Act (IRA) de l'administration Biden, qui regroupe l'ensemble des mesures de relance de l'économie américaine, de stimulation des investissements dans la transition énergétique et de lutte contre l'inflation, a donné au marché les directions à suivre cette année. Elle a boosté les infrastructures, les grands projets de construction, l'industrie automobile électrique (véhicules et batteries) et, dans une moindre mesure, le secteur solaire. 

Au terme d'un procès retentissant, Sam Bankman-Fried, fondateur de la plateforme de crypto-monnaies FTX en faillite depuis fin 2022, a été reconnu coupable en novembre de détournement de fonds et de six autres chefs d'accusation de fraude et de complot retenus contre lui. Sa sentence sera prononcée en mars 2024. 

Charlie Munger, bras droit éternel de Warren Buffett et vice-président de la société d'investissement Berkshire Hathaway, a rendu l'âme fin novembre, quelques semaines avant de fêter un siècle d'existence. Reconnu pour sa grande sagesse boursière, il laisse une empreinte tenace sur la finance du XXème siècle. 

La grève qui a paralysé le secteur automobile américain pendant plus de six semaines aura largement occupé les médias cet automne. Soutenus par le très puissant syndicat UAW, les salariés des 3 grands constructeurs américains (Ford, GM, Stellantis) ont tenu bon et ainsi remporté des batailles historiques en matière de revendications sociales. La grève n'aura eu qu'un impact limité sur l'industrie. 

Un autre mouvement social a fait grand bruit, tant l'industrie concernée revêt une dimension symbolique pour les Etats-Unis. Les scénaristes, soutenus par le syndicat WGA, les acteurs, les doubleurs, et d'autres professionnels du cinéma ont tenu le piquet de grève pour réclamer de meilleures conditions salariales et des garde-fous contre la déferlante IA. Qu'ils ont obtenu après 5 mois de blocage. 

Sans surprise, Elon Musk s'invite dans ces lignes. Non content d'alimenter les pages actualités de ses déclarations sulfureuses et des détails les plus absurdes de sa vie privée, l'homme le plus riche du monde a aussi occupé l'espace médiatique avec ses sociétés. L'entreprise spatiale SpaceX enchaîne les succès (ou les échecs relatifs) et nourrit les rumeurs quant à une IPO en 2024. A l'inverse, Twitter, sorti de la cote et devenu X, a fait fuir tous ses annonceurs, divisé par plus de deux sa valeur, et est devenu le chancre de la désinformation. 

N'en déplaise à Elon, le sujet qui a vraiment animé les discussions de comptoirs de traders en 2023, est sans conteste l'intelligence artificielle générative. L'arrivée de ChatGPT et Midjourney dans nos vies et dans le monde boursier fin 2022 a rebattu un certain nombre de cartes. Très rapidement sont apparus des gagnants (Nvidia). Patientons un peu pour découvrir qui seront les perdants de cette avancée technologique majeure. 

Enfin, le dernier sujet incontournable qui a bousculé les Etats-Unis en 2023 est la série de faillite dans le secteur bancaire. Trop exposées à la remontée des taux (pour faire simple), plusieurs banques régionales (Silicon Valley Bank, Signature Bank, Silver Bank, puis First Republic, sauvé par JPMorgan) ont mis la clef sous la porte au printemps, fragilisant pendant quelques semaines l'ensemble de l'industrie des prêteurs, américaine et mondiale. 

 

En Chine

Je vais arbitrairement résumer cette section à 4 informations. 

L'immobilier chinois ne parvient pas à sortir de la crise dans laquelle il s'est lui-même engagé. Un imbroglio de dettes monstrueuses, de financements impossibles, de projets délirants, de constructions inachevées et de promoteurs en difficulté ont poussé Pékin à multiplier les mesures de soutien et de relance du secteur, en vain. La confiance dans l'économie du pays est durablement ébranlée. 

En tout début d'année, c'est une autre bulle - façon de parler - qui a marqué les relations sino-américaines : des ballons chinois ont survolé les Amériques. Si, selon Pékin, il s'agissait d'outils de mesures de météorologie, les Etats-Unis ont cru à des instruments d'espionnage et abattu plusieurs d'entre eux. L'histoire dit que, finalement, il s'agirait bien de ballons météo. 

Parmi les histoires en provenance de Chine qui manquent de clarté ou sur lesquelles on soupçonne une rétention d'information, notons le grand retour de Jack Ma. Le milliardaire chinois, qui avait "disparu" des radars après s'en être pris aux autorités chinoises de réglementation, est revenu sur le devant de la scène avec un nouveau projet de société de livraison de produits agricoles et de repas. 

Enfin, le déclin démographique chinois est officiellement enclenché. On peut sourire rapidement en considérant que la population totale du pays dépasse les 1,4 milliard, mais les conséquences économiques de ce ralentissement seront sans précédent. 

 

Dans le vaste monde

L'Argentine s'est offert un nouveau président en la personne de Javier Milei, un économiste hurluberlu ultra-radical qui promettait de déboulonner la banque centrale et de rendre au FMI la monnaie de sa pièce. Arrivé en poste, il a largement revu à la baisse ses grandes promesses économiques de campagne. Affaire à suivre. 

Le Japon a connu un rallye boursier historique cette année, qui a poussé ses deux indices phares, le Topix et le Nikkei 225, à des records absolus. 

Sur l'archipel, l'investisseur SoftBank a payé cher son pari dans WeWork, la société de bureaux fondée par Adam Neumann, aujourd'hui en faillite. La facture est salée pour l'investisseur technologique nippon : on estime à 11,5 milliards de dollars le montant de la perte essuyée par le groupe de Masayoshi Son. 

 

Côté macro et crypto

L'ambiance de la soirée a été dictée par DJ Inflation : la FED, la BCE et la BoE ont dansé toute l'année au rythme imposé par la croissance des prix, en relevant leurs taux en fonction de la mélodie de base. Tout le monde parle déjà de l'after-party - la baisse des taux - mais personne ne sait vraiment où elle aura lieu (ou plutôt quand). 

Il aura fallu deux ans au Bitcoin pour retrouver ses niveaux de fin 2021. Dopé par les espoirs de mise sur le marché d'un ETF dédié à la crypto-reine, il explose depuis janvier : +156% de gain. 

 

Les plus grandes Fusac de 2023

Enfin, si vous êtes passés à côté, voici une liste des opérations de fusion et acquisition dont le montant a dépassé 10 milliards de dollars, tous secteurs confondus, par ordre antichronologique.